Chapitre 12

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Chapitre 12.

Le visage de Gimli passa de la joie de se lancer dans une nouvelle aventure à la déception de quitter une citée elfique pour une autre. Déconfit, il grimaça.

— N'avez-vous donc que des destinations elfiques en tête... ? maugréa-t-il en se levant et récupérant sa hache, prêt à partir quoiqu'il en soit.

— Je dois voir Thranduil, expliqua Legolas.

Aragorn haussa les sourcils, surpris.

— Ton père ? s'étonna-t-il.

Les relations entre Legolas et Thranduil avaient toujours été troubles.

— C'est Elrond qui m'a montré ce chemin et je lui fais confiance.

Et il ne tenait pas à révéler ni à Gimli ni à Aragorn (surtout pas à Aragorn !) les véritables raisons de ce voyage en Lothlòrien. Il attendrait une fois là-bas pour sonder l'esprit de son ami et décider de ce qu'il ferait. Tout était encore trop sombre et embrouillé pour le moment. Il n'était lui-même pas certain de ce qu'il ressentait. Elrond avait comparé ces sentiments étranges à ce qu'il avait autrefois ressenti pour Celebrían, mais il s'agissait-là d'un amour si puissant – comme l'était souvent celui des elfes envers le compagnon qu'ils choisissaient – que Legolas ne se sentait pas prêt à comparer ses propres émotions à quelque chose possédant une telle pureté et une telle valeur.

Ainsi, ils ramassèrent leur matériel – provisions (surtout du Lembas, le pain de route elfique), montures et armes – et firent leur aurevoir à Elrond. Aragorn et Legolas le remercièrent pour ses conseils, puis ils partirent pour un long voyage.

— Par quel chemin passerons-nous ? les interrogea Gimli.

Legolas parut hésiter quelques secondes. La dernière fois qu'ils avaient voulu rejoindre la Lothlòrien, tout ne s'était pas exactement bien passé... Il n'avait pas envie de reproduire les mêmes erreurs et les mêmes bifurcations de route, mais d'un autre côté, maintenant que la guerre était terminée et qu'ils s'étaient occupé des derniers orques en exile, ces chemins ne devaient plus représenter le moindre danger. Du moins, il le supposait.

— Nous longerons les Montagnes de Brumes et passerons par la Brèche du Rohan, annonça l'elfe, je ne veux pas vous imposer l'hiver rigoureux du Col de Caradhras et il est inutile de risquer nos vies une fois de plus dans les Mines de la Moria.

En tant qu'elfe, Legolas était léger (il n'avait donc aucune difficulté à se déplacer en temps de grandes tempêtes de neige) et sa condition elfique lui octroyait une résistante exceptionnelle au froid, ce qui n'était pas le cas de ses compagnons. Il était peu utile d'entraîner Aragorn et Gimli dans le froid hivernal s'ils pouvaient passer par la Brèche du Rohan en toute sûreté. La dernière fois, ils avaient été attaqués par des loups, puis repérés et pris en chasse par les Crébains de Dunlande envoyés à leurs trousses par Saruman. Ce ne serait plus le cas désormais. Le sorcier maléfique était mort et tous les alliés du Mordor étaient tombés.

— Si nous chevauchons assez vite et sans nous arrêter, nous y parviendrons peut-être avant la tombée de la nuit, rajouta Aragorn en accélérant déjà le pas de sa monture hennissante.

Bien vite, ils se retrouvèrent à galoper à toute vitesse à-travers la lande.

Un peu avant que le soleil se couche, ils s'arrêtèrent à quelques kilomètres de la Brèche du Rohan. Ils la traverseraient à la première heure du jour le lendemain.

Le petit groupe alluma un feu et ils se séparèrent quelques tranches de Lembas, tandis que Legolas abattait un lapin ou deux avec son arc. Ils firent griller le tout et se préparèrent pour la nuit, laissant les chevaux brouter l'herbe un peu plus loin.

— C'est étrange de passer ici sans être attaqués par une bande d'orques, mentionna Gimli en dévorant son lapin, la bouche pleine.

— Les choses ont bien changées, lui concéda l'elfe.

Oui, elles avaient bien changé... Legolas glissa un regard sur Aragorn. Beaucoup de choses avaient changées, mais il lui sembla que son ami était demeuré le même, toujours aussi vaillant, loyal et courageux. Les responsabilités royales lui pesaient parfois, mais Legolas pouvait le comprendre. Lui-même ne se sentait pas encore tout à fait prêt de succéder à son père. Par chance, ce jour n'était pas encore venu. Thranduil avait encore de très longues années devant lui. Il avait bien des défauts, mais il menait les elfes d'une poigne de fer et il aimait son peuple. À la bataille des Cinq Armées, même si plusieurs lui avaient reproché de s'être replié avant la fin, Thranduil l'avait fait pour sauver les siens. Il avait vu de ses yeux la désolation et ses morts et avait souhaité sauver ceux qui pouvaient encore l'être. Legolas et Tauriel, qui n'avait alors pas compris le choix de son roi, avaient voulu poursuivre la guerre contre la décision de Thranduil. Legolas ne le regrettait en rien, car son action avait été décisive dans l'issue de la bataille, mais cette défiance ouverte face à son père et, ce, devant toute une garnison d'elfes, avait jeté un froid de plus sur leur relation père-fils. Ils avaient pu se réconcilier un peu avant son départ pour le Nord, mais c'était toujours tendu... Et ce mariage arrangé qui pointait le bout de son nez à l'horizon n'arrangeait en rien la situation...

C'est en pensant à l'accueil que lui réserverait son père que Legolas se perdit un peu dans sa contemplation du ciel. Gimli dormait déjà.

— À quoi penses-tu ? l'interrogea soudainement Aragorn.

Son attention détournée, l'elfe secoua la tête.

— À la Lothlòrien. Ça fait un moment depuis la dernière fois que j'y ai mis les pieds...

Il résidait pour la plupart du temps à Fendeval ou parcouraient les Terres du milieu pour nouer des traités commerciaux au nom de son père. L'idée du mariage arrangé lui était parvenu dans une lettre alors qu'il se trouvait au royaume des nains avec Gimli. Il n'en savait pas davantage.

— Ce sera bizarre d'y revenir sans voir Dame Galadriel.

— Elle n'était qu'une sorte d'intendante. Le retour de Thranduil était attendu.

— Il est compétent, admit Aragorn. J'ai eu à échanger quelques lettres avec lui pour les accords de commerce dans les derniers mois. Il sait négocier et il est plutôt dur en affaires.

Le roi des elfes ne s'en laissait pas imposer. Il était un chef de guerre terrible et un négociateur plus féroce encore. Legolas se prit à penser que si seulement son père était aussi compétent quand il en venait aux relations humaines, ce serait plus simple sur de nombreux plans. Malheureusement, c'était le lot de plusieurs elfes. Legolas lui-même n'y échappait pas. Les émotions humaines étaient quelque chose qu'ils ne comprenaient pas toujours... Les elfes étaient de nature plus stoïque et radicale. Les sentiments avaient leur place, mais ils ne devaient pas laisser leurs émotions personnelles impacter sur leurs décisions. À force de côtoyer les humains et les autres races, Legolas avait gagné en empathie, ce qui causait des distances entre lui et Thranduil.

— Que je le veuille ou non, je ne pourrais rien lui enlever de ce côté-là.

— Je suis surpris que tu aies décidé de nous mener en Lothlòrien. Je sais qu'il y a une raison à ce voyage que tu ne veux pas me dire.

Aragorn commençait à bien le connaître.

— Les chemins sont obscures..., répondit-il en détournant les yeux, si sombres que je ne puis rien dire.

Mais il espérait que, dans la lumière, tout devienne plus clair. Il devait faire confiance au don de voyance d'Elrond. Ce dernier ne lui avait sans doute pas tout dit non plus. Il trouverait des réponses en Lothlòrien ou, du moins, il l'espérait.

— Dors maintenant, rajouta Legolas, je monte la garde. Tu as besoin de sommeil. Nous traverserons la Brèche du Rohan dans quelques heures.

Il avait besoin d'être un peu seul avec ses pensées et les étoiles. Peut-être que le ciel lui apporterait conseil.

Le cœur du roi [Aragas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant