3. Sélenne

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Je reviens à l’hôtel, nerveuse et inquiète. Anton n’est pas du genre à m’abandonner comme ça. Cette Angela me semble honnête, mon instinct ne me crie pas de fuir ni de me méfier. Par contre, cette situation pue les ennuis à des kilomètres à la ronde.

Dans la chambre calme et toujours vide, je tourne en rond. Je fouille la valise de mon homme, trouve un flingue, des documents en russe, une photo de l’italien et de sa femme. Un soupire de frustration m’échappe. Comme une conne, j’avais vraiment cru à ses boniments.

Mais oui Sélenne, tu vas aimer l’Italie ! Tu verras, rien que nous deux, Noël et du romantisme. Mais comment j’ai pu avaler ça ?

J’hésite à appeler Youri. Il est resté à Milwaukee pour garder la maison. Les affaires ne peuvent pas laisser de place vacante. Il devait être là, montrer que le clan est fort. En plus, si je lui annonce que j’ai perdu Anton, il va piquer une fameuse colère, lui qui était totalement contre notre voyage en amoureux sans escorte. Je n’ai pas subi des discussions à n’en plus finir sur la sécurité et la stupidité d’une pauvre femme pour le supplier de m’aider à la première anicroche. J’ai moi aussi de l'orgueil.

Je récupère mon téléphone et compose le numéro de la seule personne qui peut me répondre sans me dénoncer à Youri.

— Mmhh ? Si ce n’est pas une question de vie ou de mort, je te jure que je te pousserai dans le Lac gelé pour vérifier combien de temps tu peux tenir ! grommelle la voix rauque de fatigue de mon frère.

— Elias, c’est une urgence.

— Tu sais l’heure qu’il est ?

Je jette un œil à l’horloge sur la table de nuit. Aie ! Il est neuf heures ici… un rapide calcul m’apprend que là-bas il est deux heures du mat et que mon frère dormait.

— Désolée, comment ça se fait que tu es déjà au lit ? Tu n’avais pas une nuit de combats à gérer ?

Je pose des questions au lieu de lui raconter mes problèmes, mais ça me permet de relativiser et de faire descendre mon stress. Mon frère a toujours réussi à me calmer.

— Ce n’est pas tes oignons sœurette ! Attends !

Il doit sûrement bouger, se lever, je l’entends en sourdine parler, puis une porte claque.

— Je me suis disputé avec Helena, j’ai… comment dire ? Elle était beaucoup trop familière… trop entreprenante avec les grosses pointures qui pariaient. Et elle a eu le toupet de me dire qu’elle ne supportait plus ma jalousie ! Tu le crois ça ?

Je ricane, car je visualise vraiment bien la scène.

— Ça te pendait au nez. Elle serre les dents et se retient de te dire tes quatre vérités depuis trop longtemps.

— Ouais, je sais, soupire-t-il. On s’est expliqué et puis on s’est réconciliés.
Il laisse un moment et reprend avec un sourire dans la voix.

— Sur l’oreiller.

— Je ne veux rien savoir ! Même pas en rêve ! Tu es mon frère, tu n’as pas de vie sexuelle, tu es innocent comme l’enfant qui vient de naître. Je t'interdis de me raconter.

Il rit, fait mine de passer outre mes ordres, puis me lance plus sérieusement :

— Bon… Alors, c’est quoi l’urgence ?

— J’ai… J’ai perdu Anton.

— Quoi ? Sélenne !

— Il avait une entrevue avec le chef de la mafia locale hier, je l’ai laissé en plan pour aller me coucher. Ce matin plus de Russe. Et l’Italien est aussi aux abonnés absents. Sa femme ignore où ils sont.

— Et Youri ? Il t’a dit quoi ?

— Chut ! Je n’ai pas osé le mettre au courant. Tu imagines ? Je vais me faire découper en morceaux, il va vouloir se venger de mes idées de vacances.

—Aïe ! Oui, je te comprends ! De quoi as -tu besoin ?

— Tu n’as aucune idée du but réel de notre voyage ? Des rumeurs, des infos…

— Non, rien. Mais je vais fouiller et essayer de tirer les vers du nez de Youri.

— OK, merci. Je te rappelle fin de journée.

— Sois prudente, quoi que tu entreprennes, hein !

— Tu me connais, frérot.

— Justement ! Donne des nouvelles et ne fais pas trop chier les Ritals.

Je raccroche, pas plus avancée, mais le moral un peu plus haut. Je vais retourner au Cabaret, mais cette fois je suis armée. On ne sait jamais qui s’en est pris à mon homme et je ne serai plus jamais sans défense. Même les beaux visages et les mines sincères peuvent cacher les pires des monstres. Ma mésaventure avec Rick est gravée dans ma mémoire. Si Angela est mêlée à la disparition de mon amant, je serai sans pitié.

Christmas Mafia.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant