7. Sélenne

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Anton me maintient dans une étreinte solide comme le fer. Ses doigts s’enfoncent durement dans le haut de mes bras et seront la cause de mes futurs bleus.

— Anton ! Tu me fais mal, je m’écrie en lui balançant un coup de pied vicieux dans le tibia.

Il jure en russe et de ce que je connais de cette langue, j’en prends pour mon grade.

— Tu es une vraie furie, je ne te lâcherai pas tant que je n’ai pas ta promesse que tu te comporteras correctement.

— Quoi ? C’est vous ! C’est vous les instigateurs de cette plaisanterie tout sauf amusante et tu oses me faire une leçon de bonnes manières ?

Je me débats tant et si bien qu’il est obligé de resserrer sa prise et pour son plus grand malheur, son avant-bras se rapproche de moi. J’en profite pour le mordre méchamment dans le biceps.
Je jette un regard à ma complice tout en me libérant et constate qu’Adriano n’est pas non plus aussi souriant et content de lui qu’au début de leur explication.
Mon amant fait mine de revenir vers moi, mais je le stoppe d’un geste de la main.

— Si tu ne veux pas recevoir une balle, tu as intérêt à avoir une sacrée bonne raison de m’avoir fait un coup aussi foireux, je grogne le regard plongé dans le sien.

— Allons… moy krasivyy ! (ma belle) Tu peux comprendre. J’ai vanté tes mérites, mais mon ami ici présent m’a fait remarquer que tu avais l’air d’avoir trop bon cœur, que tu risquais de te sacrifier pour moi. Je ne voulais que prouver que ton cerveau avait le dessus sur ton cœur.

— Et puis, il faut le voir comme un rite de passage, ajoute l’italien en ricanant.

Il n’a pas le temps de continuer qu’Angela lui envoie un coup de coude dans les côtes. Le son émis prouve qu’elle y a été de bon cœur sans remords pour son mari. Merci la solidarité féminine. Je la remercie d’un sourire et me tourne vers mon compagnon.

— Donc… je commence en croisant les bras pour éviter de récupérer mon arme glissée dans le creux de mon dos, donc… ce n’était qu’un bizutage.

Anton piétine nerveusement d’un pied à l’autre. Il sent les ennuis arriver au galop, il me connaît trop pour ne pas se demander si ça valait le coup de se foutre de ma tête au final.

— Le mot est un peu fort, répond-il en passant les doigts dans ses cheveux.

— Choisis tes mots mon gars. Réfléchis bien ! Qu’était-ce alors ? Un baptême du feu ? Une blague de poivrots ?

— Une preuve de votre… supériorité ? … Fidélité ?

— Tu t’enfonces le russe !

— Et toi aussi Adriano, tu n’es pas en reste ! complète ma coéquipière. Vous devriez avoir honte !

— Je suis d’accord, vous nous avez inquiétées, on vous pensait blessés, prisonniers ou pire… morts ! Et vous, vous arrivez avec le sourire et vous estimez que tout va bien dans le meilleur des mondes ?

— J’exige des excuses, termine Angela.

Les hommes se regardent et je lis dans leur attitude qu’ils ne veulent pas plier, pas avouer devant l’autre qu’ils ont foiré.

— Non ! Nous sommes dans notre droit. Nous sommes des chefs de clans, nous ne présentons pas d’excuses !

Anton acquiesce à la réponse de l’Italien. Les hommes font bloc et ne veulent rien admettre. Pire, ils n’ont pas conscience de l’inquiétude qu’a provoquée leur disparition.

— Et moi, je vous affirme une chose messieurs, je déclare en prenant une décision dont j’espère qu’elle leur donnera une leçon salutaire. Tant que vous ne nous aurez pas fait des excuses correctes et trouvez comment vous faire pardonner, vous serez invisibles pour nous. Disparus comme lors de votre pseudo enlèvement.

Les complices râlent en même temps, refusant mes exigences les trouvant absurdes et infantiles.

— Et… comme gage, vous devrez…

Je cherche quelque chose de suffisamment humiliant pour laver l’affront fait à notre honneur sans pour autant qu’ils refusent de s’y plier.

— Vous viendrez aider à la fête de Noël de mon association pour les enfants orphelins, termine avec un sourire satisfait la jolie blonde.

Les hommes se détendent visiblement, heureux de la simplicité de la punition quand j’ai une illumination.

— Oui … mais déguisés en père Noël.

Leur regard choqué réchauffe mon cœur. Ce qui me fait réaliser que la température a baissé depuis quelques minutes. Je frissonne dans la veste légère que j'ai mise en prévision d'une éventuelle bagarre.

— Bon, on rentre. Bonne nuit les gars.

Et je retourne vers la voiture, crochetant le bras d'Angela pour l'emmener avec moi, en accélérant le pas.

— Hey, attendez-nous ! s'écrie Adriano.

Nous ne répondons rien et nous installons dans le véhicule. Angela bloque les portières avec le système de verrouillage central avant que les deux mafieux ne puissent nous rejoindre. Elle ricane devant leur mine déconfite et descend la vitre d'un minuscule centimètre, tout juste suffisant pour communiquer avec le camp adverse.

— Angela ? Ouvre, veux-tu ?

— Non… débrouillez-vous pour rentrer. Et profitez de ce temps pour réfléchir aux conséquences de vos actes. On ne joue pas avec les sentiments de sa femme. Nous ne sommes ni vos hommes de main ni vos employés.

Son visage de Madone innocente est un parfait contraste avec sa voix froide.
Le chef de clan frappe le carreau du plat de la main, le visage blanc de colère. Perdre la face n'est jamais agréable.

— Vous allez nous laisser, ici ? À pied ? Ton amie a tiré dans les pneus, je te rappelle ! s’indigne le mafieux plus aussi content de lui.

— Oui, c’est ça. Bonne nuit, mon chéri.

La pâtissière est tout miel et sucre, mais inflexible. Je l’adore !
Je croise le regard bleu glacier de mon Sibérien et lui fais un gentil signe au revoir. Son expression me promet une vengeance à la hauteur de sa fureur, mais tant qu'il sera dehors et moi dedans, je ne changerai pas d'avis. Il gèlera en enfer avant que je recule et le laisse jouer avec mes sentiments.

La voiture s'éloigne dans la nuit, je jette un regard dans le rétroviseur, deux silhouettes noires au bord de la route nous regardent partir.

— J'espère qu'il ne leur arrivera rien, s'inquiète déjà mon amie.

— Pfff… des durs à cuire comme eux, je te parie qu'ils seront là avant l'aube.

Je ferme les paupières et pose la tête contre la fenêtre.

— Que dirais-tu d'un verre et d'une soirée entre filles en les attendant ? me suggère Angela.

— Je dis que j'ai envie de danser et de m'amuser. Les vacances, c'est fait pour ça au fond.

Christmas Mafia.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant