Ma condition de "grande taille"

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"Avez-vous déjà été en situation de surpoids?"

La majorité répondrait "non". Moi aussi.

"Avez-vous déjà été dans un magasin qui n'a pas votre taille d'habits?"

La majorité répondrait "non". Moi je réponds "oui, tout le temps".

Mes réponses peuvent paraître incohérentes. Suis-je trop fine pour les habits qu'on trouve en magasin? Dans ce cas-là je pourrais aller chercher des habits au rayon enfants.

Non, ce n'est pas mon cas. Pourtant, mes réponses ne sont pas des mensonges, je peux l'assurer. Où est le problème dans ce cas?

Pour mieux comprendre, faisons mon profil:

Je fais 173 cm pour 80 kg. Jusqu'ici, rien d'anormal.

Où peut bien se trouver le problème? Faisons le compte des particularités physiques:

Mon corps n'est pas vraiment fin ni musclé. Je serais plutôt du genre imposante avec mes épaules digne d'un camionneur, mais j'ai des formes bien placées et féminines malgré tout. J'ai un petit ventre, qui fait office de coussin quand je dors dessus. Très confortable.

Je trouve mon corps joli. Certes, mais cela ne nous explique pas où se trouve le problème de cohérence dans mes réponses. Parlons de tailles maintenant:

Je fais du 40 aux pieds, ce qui est plutôt dans la norme pour ma taille. Je porte des hauts en L ou XL selon les marques et mon besoin de confort. Pour le bas, je fais du 44EU.

Il est là le problème. Je fais du 44. Certains trouvent ça immense, mais moi je l'aime bien mon fessier-airbag. Quand je regarde mon corps, ce que je préfère c'est mes fesses. C'est mon atout séduction, la partie la plus harmonieuse de mon corps. Vous vous rappelez de mon petit ventre? Des fois je me regarde dans le miroir et je rentre mon ventre, "pour tester". Je suis arrivée à la conclusion que le ventre et les fesses vont ensemble. Je ne serais pas jolie, selon moi, avec juste un immense fessier (un peu trop Kardashian, pour être honnête).

Dans l'ensemble, je suis bien dans ma peau, même si je ne serais jamais championne de sprint. je ne fais pas excessivement beaucoup de sport, je mange beaucoup et pourtant, mon poids reste stable depuis quelques mois.

Tout pourrait très bien aller dans le meilleur des mondes, mais ça n'a pas toujours été comme ça.

J'ai passé mon adolescence à voir les tailles de mes pantalons augmenter. Et plus je vieillissais et devenais une femme, plus mon choix en matière de pantalon se réduisait, jusqu'à ce que j'arrive au-delà du 42. Ma mère m'avait menacée: "si tu dépasses le 42 et les 75 kilos, je ne te paye plus les pantalons."

C'est ainsi que je me suis enfermée dans un cycle de déni. Dans chaque magasin je cherchais le 42 magique, celui qui allait être confortable pour moi, dans le maigre choix que j'avais. J'ai cherché longtemps, j'ai même acheté des habits qui ne m'allaient pas, juste pour me convaincre que je ne faisais pas du 44.

Je ne POUVAIS pas faire du 44. Le 44 c'est immense non? Pourtant quand je regardais mon fessier, je ne voyais pas quelque chose d'aussi énorme que ce que j'imaginais. Quand je regardais ma silhouette, je n'arrivais plus à me sentir aussi belle qu'avant tant j'étais mal à l'aise dans mes pantalons.

J'ai essayé de me motiver pour me mettre au sport. Le problème c'est que c'est pas vraiment mon genre et que j'en fais déjà un, l'équitation, qui fait du muscle mais ne réduit pas autant la graisse que le crossfit.

Je me suis donc dit que j'allais manger moins, vu que je mangeais déjà sainement. J'en suis presque arrivée à faire des crises de boulimie. J'ai abandonné l'idée et ai continué à manger comme je l'avais toujours fait.

J'étais enfermée dans ma bulle de déni, renforcée par le fait que le 44 n'existait pas dans les magasins où j'avais mes habitudes. Si même les magasins n'en vendaient pas, c'est que ce devait être hors-norme.

J'ai mis longtemps à le comprendre, mais ce n'est pas moi et mon corps le problème. Le problème ce sont les grandes marques qui matraquent la société à coup d'idéaux impossibles à atteindre pour certaines femmes. En quoi une mannequin quasi-anorexique représente la population?

Pour eux, dépasser un 40 c'est impossible. Au-delà de 40, tu ne mérites pas d'avoir un pantalon confortable qui te plaît. Au-dessus de 40, tu es obèse, tu dois aller dans des magasins spécialisés.

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est eux qui poussent les gens à penser ça. Combien de fois j'ai dit que je faisais un 42, un 44 et que l'on ma regardée en disant "ah ben on dirait pas".

Bien entendu que non, je ne suis pas ce qu'ils imaginent, je ne suis pas cette obèse que les grandes marques les poussent à penser.

C'est dur d'accepter qu'on fait un 44, que la majorité des magasins n'a plus notre taille, qu'on devra toujours se tourner vers du XL en priorité. On a l'impression de pas avoir notre place.

J'étais enfermée dans mon cercle de déni, achetant du 42 inconfortable dans l'espoir de se convaincre qu'on en fait pas du 44. Et là, j'ai commencé à voir les choses bouger, lentement mais sûrement.

J'ai vu des magnifiques mannequins taille 46 défiler pour de la lingerie.

J'ai vu apparaître des collections grandes tailles sur des magasins en ligne.

J'ai vu des campagnes contre le "body-shaming".

J'ai enfin vu le bout du tunnel.

J'ai continué à aller dans mes magasins habituels, même si je dois souvent chercher plus longtemps et admettre qu'il y a des fois où ce que je veux n'existe pas pour ma taille. J'ai cessé d'acheter de l'inconfortable pour me concentrer sur mes sensations avant de me soucier de la taille du pantalon. Je suis fière d'affirmer que je fais un 44, même si c'est parfois un choc quand on voit la largeur du pantalon.

Mon acceptation de moi-même et de mon fessier qui a longtemps été autant mon complexe que ma partie du corps préférée s'est terminée le jour où j'ai appelé ma mère pour lui expliquer que j'étais très bien dans ma peau avec mon 44 et mes 80 kg et qu'elle ma répondu "c'est bien ma fille, je suis fière de toi."

À tous ceux qui sont pas à l'aise dans leur peau, il ne tient qu'à vous de changer et d'évoluer vers un meilleur vous-même. Votre corps vous appartient et ce ne sera jamais à celui qui est à côté de vous de juger qui vous êtes. Vous êtes beau comme vous êtes, et c'est ça le plus magnifique.

De toi à moiWhere stories live. Discover now