De toi à moi

Désir égoïste

Parfois, alors que je contemple ma vie et ce que j'ai vécu, une phrase me vient en tête.

"J'aimerais mourir avant mes proches, pour ne pas avoir à pleurer leur mort."

C'est égoïste. Je ne veux garder que la joie et les souvenirs d'eux vivants. Je ne veux me rappeler que du positif et mourir dans cette heureuse béatitude.

La tristesse, le deuil, la mort sont autant de choses naturelles qui me font peur. Je ne veux pas dire adieu à mon présent en le qualifiant de passé heureux et oublier ces instants où l'on riait. Je ne veux pas me confronter à la réalité de la disparition prochaine d'êtres chers.

Si je mourrais avant eux, alors je ne serais pas triste. Je n'aurais pas à vivre leur décès et à voir mon monde tel que je l'ai connu disparaître avec eux. Je resterais pour l'éternité dans le souvenir de mon doux quotidien et de ma vie. Je n'aurais jamais à vivre le déchirement de devoir enterrer ma famille et mes amis. Je ne serais jamais seule face à cette souffrance, entourée de ceux qui me sont chers jusqu'à la fin.

Et puis je mets à la place de ceux auxquels je tiens. Je me vois, couchée dans un cercueil, morte, entourée de tous ceux que j'ai aimés et appréciés, vivants et dévastés. Je m'imagine le visage de ma mère, à laquelle on aurait arraché la chair de sa chair. Je m'imagine aussi mon père, stoïque, garder ses émotions pour lui, pour être capable de soutenir ceux qui restent et me pleurent.

Je n'ai jamais la force d'imaginer plus. Rien que de songer que mes parents devraient enterrer celle qui devait partir après eux me fait trop mal.

Mon désir, en plus d'être égoïste, va à l'encontre du cycle de la vie. Les nouvelles générations doivent dire adieu à celles qui les ont précédées et enseigner le passé à celles qui viendront. C'est l'ordre des choses qui règne depuis toujours et régnera jusqu'à la fin des temps.

C'est triste de voir disparaître une période de sa vie, les personnes que l'on a aimées, mais il reste les souvenirs, que l'on peut chérir.

La mort est une ombre qui plane sur tout le monde. Elle est normale et malgré la tristesse qu'elle inspire, on doit y être confronté pour se rappeler l'importance des moments que l'on passe avec les autres.

La souffrance de perdre un être cher est une épreuve, pas une punition.

Parfois, je réfléchis à ce désir égoïste qui m'anime, et je me souviens que je me dois de vivre ma vie avec la conscience que la mort existe, pas en étant si effrayée par elle qu'on en oublie combien la vie peut être belle quand on la vit pleinement.