On m'avait dit qu'à l'adolescence je me poserais des questions sur mon corps, que j'aurai du mal à l'accepter, que j'aurai des complexes qui me gâcheront la vie.
Je pensais que les gens avaient tort me concernant, que j'étais l'exception qui confirme la règle.
Jusqu'à ce que je regarde mon corps, à 17 ans, et que je me dise que je n'étais pas vraiment jolie. Je me suis tout de suite mise à songer à tout ce que j'aimais chez moi, mais je suis vite arrivée à la conclusion que même si je trouvais mes yeux passable, ce n'était pas ce qui allait faire de moi une personne attirante.
Mon principal problème vient d'une de mes amies. Dans les faits, ce n'est pas de sa faute, du moins pas directement. Il y a deux ans, lorsque j'ai commencé à la fréquenter, je me suis vite trouvée face à mon opposé, presque ma nemesis. Elle était petite là où j'étais grande, menue où j'étais imposante, fine où j'étais enveloppée. Elle avait des soucis de perte de poids subites quand moi je regardais ma balance en espérant que ça soit plus petit que 75 kilos sans grand espoir. Elle portait les même habits depuis ses 12 ans quand je devais aller me chercher des pantalons toujours plus grands chaque année. Elle avait des dizaines de prétendants quand j'avais un désert affectif.
Je n'ai jamais prétendu qu'être célibataire me dérange, mais après avoir pris conscience de ce fossé physique entre elle et moi, je voulais juste que quelqu'un qui ne soit pas de ma famille (trop peu objective) me complimente et me dise que mon corps allait très bien comme il était.
Je n'avais jamais eu un sens aigu de la mode, plutôt axé sur le "plus tu es colorée, meilleur c'est". Je n'avais aucun souci à m'afficher, mon image n'avait aucun problème pour moi, aussi longtemps que je ne mettais pas des habits trop moulants ou trop révélateurs de mon ventre.
Un jour, ma sœur, archétype de la fille-allumette sans un seul effort, regardait mes hanches tandis que je me changeais et m'a demandé: "c'est quoi ces traits rouges?"
Je lui ai répondu que c'était des vergetures, la preuve que ma peau n'était pas très élastique. Jusque là ça ne m'avait jamais vraiment posé de problème. Et puis elle m'a dit: "tu devrais mettre de la pommade, c'est pas très joli."
Je ne sais pas ce que j'ai pensé en entendant ma sœur dire ça. Je sais juste qu'à partir de là j'ai réfléchi en me disant que peut-être que certains voyaient ça comme une imperfection physique, mais moi pas. Même après ce commentaire fort peu délicat, je considère toujours mes vergetures comme une marque de la vie plus que quelque chose de laid.
Un jour que je me promenais sur YouTube, je suis tombée sur la vidéo d'une fille qui expliquait que les vergetures pouvaient être difficiles à accepter mais qu'elles étaient le signe que ton corps avait vécu et qu'il ne fallait pas en avoir honte. Je me suis donc mis à réfléchir à ce qui me faisait honte dans mon corps, si ce n'était pas les vergetures.
J'ai pensé à mes joues un peu trop rebondies, à mon derrière un peu trop gros (bien que j'aime dire que c'est un airbag), à mon ventre pas très plat, à mon acné juvénile, à ma pilosité excessive. J'en rigole aujourd'hui, j'essaie de me convaincre que mon ventre rebondi est harmonieux avec le reste de mon corps, que de toute façon personne ne voit les petits poils qui commencent à repousser sous mes bras.
Je pensais qu'une fois que j'assumerais mon corps tel qu'il était, tout irait pour le mieux. Mais c'est faux. Il y a des jours où je pourrais presque croire à ce que je dis. Il y en a d'autres où je reconsidère mes choix de vie et je maudis mes origines et ma génétique de me faire vivre ça. Il y a des jours où je pourrais pleurer de frustration quand je ne suis pas assez souple pour faire ce que tous les autres semblent réussir. Il y a des jours où je prie pour que mes poils disparaissent à jamais. Il y a des jours où je m'imagine combien ce doit être génial de pouvoir trouver des pantalons à sa taille sans problème. Il y a des jours où j'aimerais pouvoir manger tout ce que je veux sans être préoccupée par la diète que je vais devoir m'infliger le lendemain. Il y a des jours où j'adorerais m'énerver contre mon amie quand elle se plaint qu'elle doit maigrir alors qu'elle est déjà parfaite.
Je ne sais pas comment font les autres pour gérer ça, mais moi je trouve ça dur et j'espère qu'un jour ce sera moins difficile de vivre en étant fier de ce que la nature nous a offert.
Quand bien même je pourrais paraître horrible, je me rappelle que d'une certaine façon, il existe une justice en ce monde:
Ma sœur, fine comme une allumette a une scoliose et doit porter un corset qu'elle déteste et qui lui fait mal.
Mon amie, magnifique et courtisée, est intolérante au lactose et doit songer à prendre des pastilles avant de manger ne serait-ce qu'un mille-feuilles.
On doit tous apprendre à vivre avec nos complexes, personne ne naît parfait et celui qui pense être au-dessus de toutes ces considérations esthétiques est soit un menteur, soit un fou.
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De toi à moi
SpiritualOn a tous un jour rêvé d'être spécial, d'avoir une destinée qui nous est propre ou qu'il nous arrive des trucs incroyables comme dans les livres, les films et les séries qu'on regarde. Malheureusement, la vie c'est pas comme dans les films. C'est mê...