4-Obscurité

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Obscur, pesant, perturbant, voici les seuls mots que Noa aurait utilisé pour décrire la situation dans laquelle il se trouvait. Il pouvait ressentir son corps et avait comme des réflexes musculaires mais rien n'y faisait, même ouvrir les yeux était impossible. Il devait rester là à attendre.

Il eut le temps de se poser tout un tas de questions, combien de temps avait pu passer depuis qu'il était simplement devenu une ombre ? Pourquoi et comment pouvait-il avoir conscience d'être une ombre ? La sensation qu'il éprouvait était vraiment très étrange, comme s'il attendait qu'on lui dicte ses mouvements, que quelqu'un le débloque. Des heures passèrent, peut-être des jours ? Ou seulement quelques minutes...

Le temps était une notion bien plus complexe lorsqu'on avait l'occasion de réfléchir exclusivement à cela. Au bout d'un moment interminable l'esprit de Noa se dispersa, il pensa à ses amis Helen et Mateo qui lui manquaient terriblement. Il espéra que ces deux là étaient déjà à sa recherche. Mais en même temps comment auraient-ils pu le trouver, le phénomène qu'il était en train de vivre était inexplicable, mystique même. Mais il devait arrêter de se lamenter, peut-être y avait-il un moyen de régler son problème tout seul. Noa se sentait prisonnier, comme enveloppé dans une coquille si dure qu'elle était impossible à casser, peut-être qu'il pourrait quand même fissurer cette "coquille".

Il essaya alors de toutes ses forces de bouger ses membres, d'ouvrir les yeux, ou simplement de froncer les sourcils. Mais rien, la force n'était pas utile, pourtant il était de plus en plus convaincu qu'il pourrait faire quelque chose. Sa situation était totalement paranormale, pourtant il n'avait pas peur, en même temps après la nuit qu'il venait de passer rien ne pourrait plus lui faire peur. Il était bizarrement très calme, il réfléchissait. Et si cette situation paranormale pouvait se résoudre de manière tout aussi paranormale ? Sa première idée fut d'essayer de projeter son esprit pour appeler à l'aide, comme de la télépathie.

Cette idée en fit germer une autre, plutôt que d'essayer la télépathie, pourquoi ne pas essayer de bouger mais avec son esprit? Il s'imagina hors de cette ombre entrain de la commander, plutôt de la guider en bougeant un corps matérialisé. C'est alors qu'il sentit comme un mouvement, ou peut-être avait-il rêvé ? Seulement les heures passaient toujours, interminables.

Rien de plus encourageant ne s'était produit ensuite jusqu'à la tombée de la nuit. C'est alors que, comme Lola l'avait dit, il se matérialisa à nouveau. Noa eu l'impression qu'il revivait, il n'avait plus senti l'air dans ses poumons depuis si longtemps. Et son visage s'illumina lorsqu'il aperçut Lola, il avait aussi l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité. Cependant, elle n'avait pas oublié la nuit précédente et elle reprit sa crise comme si la journée n'avait pas coupé leur conversation plus tôt, elle était quand même un peu plus calme :

- J'ai eu vraiment peur ! J'ai cru que tu étais mort tué par la créature, j'ai imaginé les pires scénarios!
Et elle réalisa dans quelle situation elle venait de se mettre.
- C'est pas vraiment que je... Enfin que tu...
- Que je ? Demanda Noa intrigué.
- Je voulais juste pas me retrouver toute seule, encore... Répondit-elle sans beaucoup de conviction.
Sur son visage on lisait l'inquiétude, elle n'était pas très forte pour cacher ses sentiments.
- Ne t'inquiète pas pour ça, dit Noa avec un sourire en coin. Je compte pas te laisser tomber et je vais trouver un moyen pour nous sortir d'ici. Cette créature m'intrigue beaucoup mais pour cette nuit je vais rester ici avec toi.
Il lui raconta alors la nuit précédente sans oublier un seul détail et il mentionna même le visage qu'il avait cru voir sur la masse sombre qui le pourchassait.
- Il y a un gros mystère à résoudre autour de cette créature finit-il par dire.
Les deux adolescents continuèrent de parler en émettant des hypothèses toutes plus folles les unes que les autres, leur conversation dura toute la nuit, ils n'avaient pas ressenti la fatigue, ce qui était assez surprenant.

La nuit s'était passée sans encombre hormis le gros bruit d'explosion au début et les frottements qui avaient suivis. Le jour pointait déjà à l'horizon et c'est ce moment que choisit Noa pour proposer quelque chose à Lola.
- Écoute, je crois qu'on peut réussir à bouger la journée j'ai eu l'impression de réussir hier mais vraiment très peu et j'ai eu une idée. Tu peux la refuser mais ça vaut peut-être le coup d'essayer. Je pense qu'on devrait essayer de se tenir la main ou les bras avant de devenir des ombres. Peut-être qu'avec un contact on pourra communiquer.
- Tu penses vraiment qu'on peut bouger ? J'avais abandonné cette idée avant même la fin de la première journée. Je veux bien essayer mais je ne suis pas très convaincue...

Ils se prirent les mains et n'attendirent que quelques secondes, un peu gênés par la situation, avant de se dématérialiser pour la seconde fois pour Noa. Le soleil était apparu et les deux adolescents avaient à nouveau disparu, enfin pas vraiment, n'importe qui aurait pu remarqué les ombres anormales sur le sol de l'accueil. Mais qui se serait vraiment posé des questions ? Plutôt que deux ombres on ne pouvait plus en voir qu'une seule puisque Noa et Lola se tenaient la main. Il fut le premier à essayer d'entrer en contact avec Lola il essaya de parler et attendit une réponse, qui ne se fit pas attendre. Il avait l'impression que la voix de son amie résonnait dans sa tête.

- On peut s'entendre! C'est génial ! S'exclama-t-elle.
- On se sent tout de suite moins seuls dans cette obscurité, c'était vraiment pesant ! Ajouta Noa
- Il faut qu'on fasse ça tout le temps, c'est quoi la prochaine étape ? Demanda-t-elle.
- On essaye de bouger maintenant ? Hier j'ai eu l'impression de ressentir un mouvement après avoir essayer de m'imaginer hors de cette ombre, en train de la contrôler avec un vrai corps. C'est vraiment très difficile mais j'ai l'impression qu'on peut y arriver surtout si on se soutient.
- Alors on va y arriver !

Ils essayèrent et essayèrent encore, et au bout d'une bonne heure, Noa entendit à nouveau Lola s'exclamer:
- J'ai réussi ! Dit-elle, j'ai senti un mouvement !
- Bravo! Je sais qu'on va y arriver
- C'est vraiment très bizarre, ajouta-t-elle. J'ai l'impression de réapprendre à marcher comme après une blessure, non même comme quand je suis née.
- Mais bien sûr ! S'exclama Noa. Il faut y aller doucement ! Depuis tout à l'heure je cherche à faire des grands mouvements, je me visualise debout et grand. Mais c'est comme si on se retrouvait dans la peau d'un bébé ! Il faut tout réapprendre depuis le début !
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda Lola.
- Je veux dire qu'il faut se lancer comme un bébé. Imagine toi à quatre pattes, rappelle toi, enfant quand tu apprenais encore à tenir debout. Il faut y aller pas à pas.
- Alors on essaye !? Dit Lola, une pointe d'impatience dans la voix.

Ils recommencèrent leurs essaient et Noa aboutit enfin à quelque chose. Il sentait qu'il avait bougeait, et bien plus que la fois d'avant puis le mouvement s'arrêta. Il le reprit aussitôt. Il s'extasiait devant ce qu'il pouvait faire au fur et à mesure. Ça évoluait lentement mais sûrement, apparement, Lola n'était pas de son avis puisqu'il l'entendit se mettre en colère :

- Aaaaaaah ! J'en ai marre ! J'ai l'impression de ne rien faire ! Je m'arrête toutes les 3 secondes !
- Détends toi. Dit Noa étrangement calme. C'est normal. Quand on apprend à marcher on tombe. Maintenant c'est pareil les temps d'arrêt c'est comme quand on tombe. Il faut juste continuer de se relever.
Sa voix était étonnamment confiante, il était assez sûr de lui alors que la situation ne s'y prêtait pas vraiment. Ça rassura énormément Lola qui recommença à s'acharner bien plus déterminée qu'en colère à présent.

Les deux adolescents fatiguaient de plus en plus comme s'ils consommaient de l'énergie, comme quand ils faisaient du sport. Ils finirent exténués l'un comme l'autre et arrêtèrent de s'acharner. Ils attendirent seuls dans cette obscurité infinie mais bien plus rassurés que la veille.

La Communauté de l'Ombre [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant