Le chemin du feu

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Il fait si froid. Je ne ressens que la glaciale caresse du temps. Je sens mon cœur devenir glace et ténèbres. Je me sens perdre ma chaleur et mon espoir de vivre. Je ne peux que me perdre dans mon esprit, mon esprit si tourmenté,  qu'il y est difficile de regarder derrière la brume. Je pourrais pleurer, mais les larmes ne règlent rien. Le froid est plus combatif que mon chagrin. Ma peau me brûle sous la brise mordante du froid. Je ne gémis pas, ils en seraient trop heureux. Je ressers mes haillons sur moi en essayant d'y trouver un peu de bonheur, mais le tissu est si froid que je ne peux même plus imaginer à quoi ressemble la douceur d'un rayon de soleil caressant ma peau.
La petite cellule dans laquelle  je me trouve, ne comporte aucune fenêtre. Le temps passe et je ne peux même pas le saluer. Il me file entre les doigts à une vitesse que j'ignore. Personne ne me dit rien. C'est leur façon de faire. Ils veulent que je perde la tête jusqu'à ce que je supplie. C'est ce qui les fait fantasmer.
J'essaie de réchauffer mes mains noueuses et cassées avec mon haleine, mais un faible souffle sort de ma bouche si gercée. Je ne suis qu'une ombre dans les ténèbres de ma cellule. Je ne suis que la femme qui a parlé, maintenant je me tais. Je couperais ma langue si je le pourrais, mais je n'ai aucun instrument. Je n'ai que le vide et la douleur. Je mérite bien plus pour mes actes, mais je me tais et j'encaisse.

Une faible lumière apparaît dans l'ombre accompagné de silhouette. Ils ouvrent ma cage et entrent. Je ne vois aucun visage, aucune âme. Un me donne un coup de pied au visage. Je sens la chaleur couler de ma joue. Je me sens devenir flamme au milieu du froid.
Un autre me cogne avec son poing et je me sens devenir chiffon malgré la raideur de mes membres.
Je ne peux plus réfléchir correctement et je me sens sombrer dans les ténèbres de ma cellule.
Je perçois d'autre torture, mais mon âme n'est plus à l'écoute. Elle se cache de cette douleur et de cette peine. Elle cache sa lumière des ombres menaçantes qui ne souhaitent que son malheur.

Je reprends mes esprits quand je me sens soulever. Ils me forcent à me mettre debout en touchant quelques parties de mon corps. Je suis à bout de force, je ne peux me supporter moi-même. Ils me traînent jusqu'à une lumière si éblouissante qu'elle me brouille la vue.
Ma vision revient subitement et je me rends compte que je suis sur la route principale en route vers mon village.
La lourdeur que je sentais au poignet est les chaînes de métal qui me coupe la peau.
Nous marchons au rythme de ma claudication. Quand je commence à faiblir sous mon faible poids, un coup de bâton me remet à ma place. Je ne peux qu'avancer dans le silence écrasant de la nature. Le chemin de terre battu semble me narguer avec ses bosses qui me font trébucher  à chaque pas.

La ville apparaît telle une ombre menaçante avec son immense mur protecteur.
Je revois ma petite sœur courir vers ce même mur, mais avec tout le bonheur du monde dans ses petites mains. Je n'apporte, pour ma part, que le malheur.

Nous marchons dans les rues où les villageois nous attendaient armés de bâton et de légumes. Je reçois la première tomate devant la maison du boucher où il a quelque jours, j'achetais ma viande. Je ne pleurs pas, je ne cris pas, je marche. Je sens la douleur, pas des attaques, non de la haine que je ressens chez des gens que je considérais comme mes amis.

Je peux comprendre j'imagine. J'ai osé dire le fond de mon âme. J'ai bien trop parlé.

Je m'avance vers l'estrade. Je ne résiste pas quand les hommes m'attachent  aux bois. Je ne résiste pas quand il allume les flammes. Je ressens enfin un peu de chaleur.

Je ressens enfin la libération de mon être et pour une dernière fois, je hurle mes tourments.

La fin des cheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant