6. Prodigioso

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Les jours avaient passé, lentement. Terriblement lentement.

Et ils se ressemblaient tous.

Ils avaient ce même goût amer de solitude, cette même odeur abjecte d'amertume. Ils étaient sombres, ils étaient froids. Le soleil peinait à trouver sa place et les étoiles avaient fui le ciel, plongeant la nuit dans une pénombre angoissante.

Tout était affreusement fade.

C'était comme si les couleurs avaient fini par se délaver, abandonnant la bataille, s'avouant vaincues. Les gris s'étaient imposés en maître, prenant le pas sur les verts tendres et les orangés chaleureux. Ils se dessinaient de manière anarchique, passant de l'argile à l'anthracite sans suite logique, en de longues traînées décousues qui donnaient un aspect sale au paysage. Et le panorama avait perdu de sa superbe, tout paraissait terne, sans nuance, sans vie. C'était d'une tristesse à briser les cœurs les plus aguerris.

Les bruits ambiants avaient doucement commencé à s'éteindre et il ne restait d'eux qu'un faible fond sonore que le silence oppressait un peu plus jour après jour. Et les quelques sons qui résistaient encore résonnaient désormais de la plus sournoise des manières : ils se manifestaient au cœur de la nuit ou dans les ruelles sombres, que la faible lumière du jour fuyait, se faisant tantôt grinçants tantôt traînants. Ils devenaient plus pesants que le silence et finissaient par réveiller la peur, la faisant doucement passer les défenses pour se frayer un chemin glacé dans l'âme des plus courageux. Alors elle s'infiltrait dans la moindre cellule, chuchotant de sa voix doucereuse et transformant les ombres en monstres terrifiants.

Chaque instant prenait des allures de cauchemar. Chaque seconde était devenue un calvaire infâme qu'elle ne pouvait pas fuir. Elle était enchaînée ici et elle n'avait pu être qu'une triste spectatrice de tout ce bric-à-brac.

Une fois son Lucky Charm activé, elle était retournée dans sa chambre. Elle avait retrouvé ses murs roses et la douce odeur du pain chaud, de simples éléments en apparence mais qui étaient des repères bienvenus dans le bazar de sa vie. Elle avait alors fait tomber sa transformation et c'était avec un soulagement sans bornes qu'elle avait accueilli Tikki dans le creux de ses mains. Le petit kwami s'était empressé de venir se frotter contre sa joue pendant de longues secondes, dans un geste de réconfort qui était à deux doigts d'arracher des larmes à la jeune fille. Elle avait savouré chaque minute de ces instants, profitant de la chaleur et de l'amour que dégageait sa minuscule amie, se délectant de voir la solitude faire ses bagages.

Puis une fois l'émotion passée, elle s'était levée, prête à quitter sa chambre. Elle avait un ami à sauver mais avant d'entamer quoi que ce soit, elle voulait voir ses parents. Elle voulait s'imprégner de leur présence, de leurs odeurs réconfortantes. Elle voulait se délecter de leurs mots bienveillants, y puiser la force et le courage dont elle aurait affreusement besoin pour continuer.

Elle était descendue, les appelant avec force, heureuse de pouvoir les revoir après tout ce capharnaüm.

Malheureusement, l'esprit de Thomas Astruc en avait décidé autrement.

Alors seuls ses hurlements de désespoir vinrent combler le silence de l'appartement.

Elle se recroquevilla sur elle-même, agrippant violemment ses cheveux. Elle avait cherché ses parents partout, dans les moindres recoins, sans succès. Les sanglots vinrent alors se mêler à ses cris et respirer lui devint désormais difficile. Tikki tentait vainement de la calmer mais Marinette n'écoutait rien d'autre que son cœur brisé. Elle pleura et pleura encore, jusqu'à laisser son corps déshydraté et vide.

Le calme retomba dans la pièce. Le calme avant la tempête.

Car après la peine, vient la rage.

IRL - Fanfiction MiraculousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant