Chapitre Cinq

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-Avant, des milliers de personnes, comme toi et moi arpentaient les rues de Londres. Ils avaient tous une famille, des amis, des rêves et des projets. Aucun d'entre eux ne se ressemblaient. Ils étaient tous différents, uniques et spéciales. Ces gens-là, ils ont beaucoup aimé. Mais ils ont détesté, aussi, détesté si fort que ça les a consumé de l'intérieur. Ça les a grugé comme une infection dans le corps d'un vieil homme malade.

La jeune fille marqua une pause, et refreina les larmes dans ses yeux.

-Le cri des oiseaux était plus gai, avant. Je me souviens encore des magnifiques couchers de soleil quand un brouillard constant ne planait pas sur le haut de la ville. Le monde était forgé de millions de couleurs, toutes plus belles les unes que les autres. Rien n'empêchait le vent ni les hautes vagues de venir s'écraser sur nous. Chaque journée laissait place à la mort, à la vie, au cycle éternel de toute chose. Si tu les avais vu, les sourires des gens lorsque les fleurs bourgeonnaient au printemps et la première neige en hiver. Tu aurais souris, toi aussi. Parfois seulement, la beauté ne suffit pas. Parfois les hommes se cachaient dans la laideur pour faire croitre leur amour de soi, leur puissance. Ensuite, ils érigaient sur leur grands mots des discours de haine et de cruauté, donnant une jolie façade à une maison aux piliers pourris.

Dehors, une fine pluie s'écrasait contre la fenêtre dans la chambre de Petite. Petite écoutait son ainée d'une oreille distante, en dessinant dans la buée de son souffle. Elle dessina un coeur qu'elle remplie ensuite de petits points avec le bout de son petit doigt.

-Alors ils sont où les autres?, demanda-t-elle distraite.

Grande regarda Petite et de nouveau, ses yeux se remplirent de larmes. Elle replaça une mèche de cheveux derrière l'oreille de Petite.

-Ils ne sont plus là, c'est tout.

-Pourquoi on est juste nous deux?

-C'est ainsi. Peut-être est-ce la chance ou le hasard, peut-être est-ce le destin qui fait que nous avons toutes les deux survécu.

Petite haussa les épaules, ne sachant pas quoi dire. Dans sa petite tête, les mots compliqués de Grande trottaient dans son esprit comme des poulains maladroits.

-Un jour, tu sauras, Petite, et tu m'en voudras.

Le corbeau et le parapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant