"Levi, il est l'heure d'allumer le feu, viens."
Appela Hansi qui venait de toquer à la porte du petit bureau étouffant. Le caporal restait silencieux, assis sur le rebord de sa fenêtre. Quelqu'un venait à chaque fois le déranger. Tch.
"Je sais qu'ils n'y seront pas, mais... Venir pourrait te faire du bien."
Il n'avait même pas pu ramener son corps. Quel incapable. Il jeta un dernier coup d'œil à ce vide qui l'appelait tant, avant de redescendre et de fermer la fenêtre. Il traversa son bureau, puis ouvrit à Hansi. Ils sortirent tous les deux de la base vers les grands bûchers censés brûler les corps. Mais il n'y avait pas de corps. Levi serrait au fond de sa poche le bout de tissus qu'il n'avait pas quitté depuis l'expédition. Ses ailes. Il lui avait arraché son insigne, et le gardait auprès de lui à chaque moment. Les tâches de sang étaient devenues brunes, mais cela restait son sang à elle. Tout ce qu'il avait pu ramener: un pauvre insigne déchiré et tâché. Dans un coin, il observa les soldats mettre le feu aux grands tas de bois. Beaucoup pleuraient la mort de leurs camarades. Levi, lui, n'avait plus de larmes depuis longtemps.
"Que leur arrive-t-il, après, tu crois?"
Lui demanda Hansi, le regard perdu dans la danse des flammes. Levi haussa les épaules.
"Rien. Ils disparaissent, c'est tout. Ils cessent d'exister.
- Et s'ils restaient encore là, mais que nous ne pouvions juste plus les voir?
- ...
- Ils sont peut-être encore là, tu ne crois pas? Quelque part... À t'observer.
- Ils doivent être déçus que je les ai laissés mourir.
- Ce n'était pas ta faute.
- Qui est responsable, alors?
- Le titan.
- Celui qui dort paisiblement dans notre cave? Ils mériteraient mieux, comme vengeance. Elle mériterait mieux."
Sur ces mots, Levi tourna les talons et partit. Hansi le regarda s'éloigner, ne sachant pas quoi faire pour l'aider. La perte de son escouade était un coup dur, pour lui. Pourtant il en avait déjà perdu, des camarades, mais il n'avait jamais semblé aussi éreinté. Il s'enferma dans son bureau. Il avait vu les bûchers, cela ne lui avait pas fait aller mieux. Rien n'allait mieux depuis l'expédition. Il y avait toujours ce calme, ce silence trop pesant pur lui. Il rouvrit la fenêtre. Tout ce qu'il voulait, c'était la revoir. Il monta sur le rebord, se tenant debout au-dessus de ce vide. Il suffisait qu'il tombe, et il la rejoindrait. Elle l'attendait, quelque part. Elle l'attendait. Et il allait la rejoindre. Il ferma les yeux, prêt à sauter.
"Caporal!"
Une voix douce tinta comme une clochette.
"J'arrive..."
Souffla-t-il.
"Caporal, ne faites pas cela..."
Il leva un pied au-dessus du vide, avant de sentir une force le retenir. Il ouvrit les yeux.
"Qu'est-ce qui vous prend?"
La voix venait de l'intérieur de la pièce. Il se tourna lentement.
"Petra..."
Elle se tenait derrière lui. Elle était pieds nus, sa robe était incroyablement blanche flottant autour d'elle, sa peau était pâle, ses cheveux roux étincelaient et volaient lentement autour de son visage. Ses petits sourcils étaient froncés. Il se laissa tomber dans le bureau.
"Que fais-tu là?"
Souffla-t-il.
"Et vous, que faites-vous là, hein? Quelle est cette folie?"
Là, en effet, il devenait fou.
"Tu ne peux pas être réelle... Tu n'es pas elle..."
Elle soupira en posant ses poings sur ses hanches.
"Mais que dites-vous, caporal? Y aurait-il une autre Petra pour veiller sur vous?
- Non... Il n'y en a qu'une.
- Et bien, vous voyez! C'est moi.
- Mais... Pourquoi?...
- Je le reconnais, je n'ai pas été très présente, ces derniers jours, je suis désolée.
- Mais...
- Je ne savais pas si vous sauteriez ou pas, j'étais vraiment inquiète! J'ai cru ne pas pouvoir vous arrêter."
Elle le grondait. Petra le grondait. Petra était là.
"Qu'est-ce qu'il vous prend de faire une folie pareille? Ce n'est pas parce que je ne suis plus là qu'il faut tout balancer en l'air, quand même!"
Il tendit la main pour la toucher. Sa joue n'était ni chaude, ni froide, c'était à peine s'il ressentait toucher quoique ce soit.
"Ohé, vous m'écoutez, quand je vous parle?"
Elle remuait ses mains devant ses yeux, exaspérée qu'il agisse ainsi.
"Et puis fermez cette fenêtre, bon sang! Il fait nuit, ce n'est pas le moment d'aérer votre bureau."
Râla-t-elle en s'approchant de la fenêtre. Elle la ferma elle-même tout en continuant à râler.
"Je vous préviens, si vous recommencez vos bêtises, je fermerai cette fenêtre à double tour et je cacherai la clef!"
Rajouta-t-elle.
"Bon, aller, il est l'heure de manger, un soldat va bientôt vous amener le repas. Je n'en reviens que vous mangiez dans votre bureau, vous pourriez mettre des miettes partout, et renverser de la sauce sur le beau bois verni! Là, franchement, vous allez trop loin!"
On toqua à la porte. Levi sursauta.
"Caporal, je vous apporte de la soupe chaude."
C'était Eren. Levi, confus, lui ouvrit, se sachant pas quelle réaction aurait le cadet à la vue de Petra. Ce dernier entra et vint poser le plateau sur le bureau, à côté de Petra. Il ne lui jeta pas un seul regard. Elle se pencha vers le bol.
"Mhhh! Il a l'air bon, ce potage!"
S'exclama-t-elle en humant le parfum de la soupe.
"Qu'y a-t-il, caporal?"
Demanda Eren, se demandant pourquoi le caporal le regardait de cette façon. Ce dernier allait lui répondre lorsque Petra posa un doigt sur ses lèvres et lui fit un clin d'œil.
"... Rien. J'ai faim, c'est tout."
Le visage d'Eren s'éclaira.
"Est-ce vrai? Cela fait des jours que vous n'avez rien avalé! Ah, je suis soulagé.
- Oui, donc maintenant casses-toi."
Eren partit en souriant et Levi claqua la porte derrière lui.
"Le potage va refroidir, caporal."
Il se tourna vers la jeune femme et s'appuya en posant ses mains sur le dossier d'une chaise.
"Tu comptes m'expliquer, j'espère?
- Le potage est chaud mais l'air autour est froid, donc le potage va refroidir jusqu'à être à la même température que l'air autour de celui-ci."
Il souffla et contourna le bureau avant de se laisser tomber dans son fauteuil. Elle tournait dans la petite pièce en observant les meubles.
"Vous n'avez pas fait la poussière dernièrement, ce n'est pas propre."
Il commença à boire sa soupe en haussant les épaules.
"Alors? Elle est bonne, hein? C'est Hansi qui l'a préparée.
- Trop sucrée.
- C'est Hansi qui l'a préparée.
- Tu le faisais mieux."
Elle rit un instant en se grattant la joue.
"Mais non, mais non...
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Une remontée dans le temps (Rivetra)
FanfictionElle lui parlait et lui souriait. Elle le suivait partout et, dès qu'il était seul, revenait inlassablement le voir. Tout ce qu'elle voulait, c'était l'aider. Lui n'avait plus que son souvenir, il était brisé en deux, une part de lui partie pour tou...