Encore quelques secondes

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Petra était dans une fureur sans pareille. Elle comptait faire payer à ce titan de malheur les crimes atroces qu'il avait commis. Eren paniquait, il était terrorisé à la seconde où il avait vu le corps de Gunther. Auruo et Erd étaient tout aussi en colère que moi. Que croyait-il, ce titan? Qu'ils n'étaient qu'une simple escouade? Ils étaient l'escouade Levi, une escouade d'élite formée de soldats personnellement choisis par le caporal chef Levi, le plus fort soldat de toute l'humanité. En quelques minutes, ils avaient mis ce titan à terre, il ne restait plus qu'à lui porter le coup de grâce, ce qu'Erd allait faire.

Le titan ouvrit un œil, trois minutes à peine après qu'ils lui aient crevé les yeux. Il croqua Erd, dont les morceaux s'éparpillèrent au sol. Il ne pouvait pas faire cela! Il devait rester encore au moins deux minutes... Le titan fixa Petra. Un seul œil? Il avait pu régénérer en priorité un seul œil pour voir plus rapidement? Quoi d'autre ne savaient-ils pas? Que pouvaient-ils faire contre des créatures contre lesquelles ils ne savaient rien?

Le titan se releva, son œil toujours fixé sur elle. Gunther était mort. Erd était mort. C'était à son tour. Sa bouche était grande ouverte, ses yeux écarquillés. Tétanisée, elle fixait le titan qui la regardait. Il prit son élan. Il allait courir vers elle. Il allait la tuer. Elle ne pouvait rien faire contre un monstre pareil. Il avait eu Gunther, il avait eu Erd, et maintenant il allait l'avoir, elle. Le titan se mit à courir.

"Petra! Redresse!"

Hurlait Auruo, un des derniers encore en vie. Il pouvait s'époumoner, mais Petra ne réagissait pas. Elle ne réagissait plus. Elle n'entendait même plus Auruo. Elle allait mourir. Elle le savait. Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas mourir. C'était trop tôt. Avait-elle parlé à son père pour la dernière fois? Avait-elle parlé au caporal pour la dernière fois? Elle voulait rentrer à la maison voir son père. Elle voulait rentrer à la base revoir le caporal. Elle voulait encore se battre pour l'humanité. Elle voulait encore se battre pour son caporal. Son père l'attendait, elle ne pouvait pas lui faire cela, il allait être tout seul sans elle.

Et son caporal? Qu'en penserait-il, lui, qu'elle meure comme cela? Elle ne voulait pas l'abandonner. Elle n'était pas si faible que cela, pourquoi devait-elle mourir, ici, maintenant? Pourquoi à cet instant précis? N'avait-elle pas le droit à un peu de temps encore? Elle voulait tellement pouvoir rester un an de plus avec le caporal. Ou même un mois, un jour. Ou juste quelques secondes de plus avec lui. Ce n'était rien, quelques secondes, elle pouvait bien les vivre, ces quelques infimes secondes, non? Elle n'avait même pas dit tout ce qu'elle voulait au caporal. Le remercier d'avoir pu passer du temps avec lui, d'avoir eu quelques instants son attention. Elle n'avait même pas pu le faire, et n'allait plus jamais en avoir l'occasion. Elle ne pourrait plus jamais le revoir, ni lui parler. Voir ses cheveux d'ébène tomber en mèches parfaitement imparfaites devant ses fins yeux qui se posaient sur elle. C'était injuste, elle ne lui avait même pas dit au-revoir. Elle l'appela dans ses tous derniers moments, en vain, utilisant tout son souffle et toute sa force.

Puis le titan atteint sa cible.

Tout s'arrêta, même le titan restait pantelant, les bras pendants, un unique œil reformé perdu dans les yeux de son énième victime. Elle était là, petite, brisée contre l'arbre telle une brindille que l'on aurait misérablement écrasée du pied, alors qu'elle ne voulait pas mourir. Auruo, désemparé, voulut l'attaquer. Il manqua sa cible, et le titan le tua; une attaque suicide en somme. Le titan s'empara d'Eren rendu tellement fou de rage qu'il n'arrivait plus à combattre, et partit, laissant seule et immobile l'horrible scène de massacre.

Le caporal avançait dans la forêt, dépassant les corps de ses soldats qui venaient de tomber au combat.

Elle n'allait pas en faire partie. Il allait la retrouver, en plein combat contre le titan, et ils allaient venger leurs camarades ensemble.

Ah, Gunther était pendu à son câble, la nuque tranchée, comme un titan. Le buste d'Erd était par terre. Auruo était à terre, lui aussi. Tous morts.

Mais pas elle. Elle, elle allait bien.

Il aperçut une énorme tâche de sang contre un arbre.

Tout, mais pas ça.

Puis il y vit une silhouette menue aux cheveux roux et courts ondulant lentement au gré du vent.

Non, pas ça.

Il avança vers cette jeune femme dont les yeux grands ouverts fixaient définitivement le ciel.

Pas elle.

Il s'arrêta, au-dessus de son corps écrasé contre le bois, recouvert de la cape verte des ailes de la liberté. Une cape qui s'imbibait lentement de sang. De son sang.

Cela ne pouvait pas être elle.

Il approcha sa main, effleurant sa peau froide du bout des doigts.

Pas elle. Elle, elle avait toujours la peau chaude.

Sur sa joue blanche il y trouva une larme qui n'avait pas encore séché. Une unique larme, qui glissa de son doigt et plongea dans la flaque de sang dans laquelle il marchait. Ses bottes étaient recouvertes de sang. De son sang.

Ce n'était pas son sang à elle, c'était impossible.

"... caporal... désolée..."

La voix volait au vent, se faisant rapidement emporter comme si elle n'avait jamais été là. Levi sursauta, s'agenouillant tout de suite auprès d'elle pour la prendre dans ses bras. La sensation de la décoller de l'arbre était atroce. Son dos était en miette, c'était comme tenir une poupée.

Elle était encore en vie, c'était obligé. Il n'avait pas pu imaginer ces mots, elle lui avait parlé et allait s'en sortir.

"Petra, regarde-moi, je suis là!"

La supplia-t-il, tournant vers lui sa fine tête ensanglantée. Ses yeux n'avaient pas bougé, ils étaient toujours aussi affreusement fixes. Seulement une autre larme s'était échappée de ses yeux, coulant sur sa tempe et tombant sur le bras de Levi. Il tenta d'essuyer son visage qui était couvert de sang partant de son nez et de sa bouche. Ce nez un peu rond et adorable qu'elle fronçait de temps pour faire les plus belles grimaces qu'il n'avait jamais vue. Sa bouche dont les lèvres si roses qui étaient, là, bleues.

"Non, non, regarde-moi... Tout va bien aller..."

Sanglota-t-il en berçant ce corps froid et désarticulé contre lui. Il n'y avait plus aucune chaleur... Plus aucune vie en elle.

"Tout va bien aller, tout va bien aller..."

Répétait-il en boucle, ne s'arrêtant de la bercer. Elle était là, dans ses bras, mais... Elle était là, mais... Il hurla à la mort, tentant de se libérer de cette douleur insupportable qui le consumait sadiquement, sans jamais le tuer, lui. Elle n'avait pas le droit de mourir là, c'était trop tôt... Pourquoi si rapidement? Il hurla encore, hurla le nom de celle qui ne pouvait plus l'entendre, celle dont le corps était là mais dont la personne était partie où il ne pourrait aller.

"Tu aurais pu au moins m'emmener avec toi."

Souffla-t-il, serrant ce corps vide contre lui.

Une remontée dans le temps (Rivetra)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant