Chapitre sans titre 2

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Et bien, il s'en était fallu de peu pour que cet inconnu ne la surprenne. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait paniqué à ce point. Après tout, elle avait l'autorisation de venir de la part de Louis le propriétaire. Elle connaissait celui-ci depuis sa plus tendre enfance, il avait été son entraineur lorsque jeune, elle se voyait déjà patineuse professionnelle. Malheureusement en essayant de mener de front ses entrainements quotidiens à la patinoire, ses répétitions dans un groupe de musique local et ses études, elle avait enchainé les blessures. Elle avait alors dû faire un choix avant de tomber d'épuisement. ça n'aurait pas été raisonnable, comme disait sa mère, d'abandonner ses études, alors il lui fallait sacrifier la glace ou la musique. Et c'est sans regret qu'elle avait choisi la musique car malgré son amour du patinage, elle détestait la compétition. Les regards des juges, les critiques voire la haine de certaines adversaires et toute cette préparation physique la minait. Lola avait craint un temps de ressentir un manque mais Louis avait été extraordinaire. Bien que déçu de voir une athlète prometteuse interrompre sa carrière, il avait compris que son destin était ailleurs. Il l'avait entendu chanter plusieurs fois et avait reconnu son talent. Grâce à lui, elle avait pu continuer à profiter de la patinoire sans contrainte. Elle avait terminé avec succès ses études avant que sa carrière musicale ne décolle, il y a de cela 10 ans. Tout naturellement, lorsqu'elle avait éprouvé le besoin de se ressourcer, elle s'était tourné vers lui. Il l'avait longuement écouté et il lui avait conseillé de revenir à Vannes pour un temps. Il lui laisserait à disposition la patinoire en dehors des heures de cours et d'ouverture. Elle n'avait pas hésité longtemps et avait booké le premier vol pour Paris, omettant de passer pour une fois par son assistante. Elle avait eu l'impression par cette simple action de reprendre sa vie en main, de ne plus dépendre des autres. Cela avait été exaltant. Elle avait fait sa valise comme n'importe qui. Elle avait mis la perruque informe qu'elle utilisait parfois pour dissimuler sa cascade de boucles noires si caractéristique. Elle avait également mis ses lentilles de couleur marron qui dissimulait le vert piqueté de doré de ses yeux. Une paire de grosses lunettes cachait un peu plus ses traits. Un uniforme d'étudiant, jeans t-shirt et baskets complétait sa métamorphose. Ainsi accoutrée, elle paraissait 20 ans. Elle avait ensuite commandé un taxi pour filer vers l'aéroport. Personne n'avait fait attention à elle. Elle avait enfin pu se détendre. Arrivée à Vannes, elle avait appelé une compagnie de transport privé pour louer une voiture avec chauffeur et  s'était précipité à la patinoire faisant fi de l'heure et de sa fatigue. Qu'importait le décalage horaire, l'envie de patiner était la plus forte.

Si seulement cet homme ne l'avait pas dérangé ! Elle aurait pu rester encore des heures.

Lola repensa à la grande silhouette masculine qu'elle n'avait fait qu'apercevoir mais qui avait provoqué sa fuite. Un frisson lui échappa. "Allons, n'y pense plus, il ne t'a pas reconnu. Il faut quand même que j'en parle à Louis, il m'avait assuré que je serais tranquille." Elle maudit cet inconnu qui l'éloignait de sa cachette secrète. Elle avait bien failli se tordre la cheville à courir avec ses patins aux pieds. Elle ne savait pas comment elle avait pu enfiler ses protège-lames si rapidement puis courir ainsi chaussée vers la sortie. La peur lui avait assurément donné des ailes. Heureusement qu'Antonio, le chauffeur nouvellement embauché, l'attendait dehors. Celui-ci avait pour consigne de se tenir prêt à partir.  Elle se cala plus confortablement au fond de la banquette et délaça ses patins. "Quelle déception quand même, je n'ai vraiment pas eu le temps d'en profiter.

Quel était son programme déjà ? ah, oui valider la pochette de son album avec son graphiste préféré. Cela ne devrait pas lui prendre trop de temps, Émeline était une perle. Elle savait toujours traduire un album par une pochette. Elle consulta sa montre 5h30, calcula le décalage horaire, zut trop tôt pour l'appeler. Il était 23h30 à New-york et quand bien même Émeline était un oiseau de nuit elle devrait attendre au moins 9h du matin là-bas pour l'appeler, voire 9h30 histoire de lui laisser le temps de boire sa boisson préférée un triple latte aromatisé au caramel qu'elle commandait tous les matins chez Starbucks et sans laquelle elle se disait incapable de travailler.

Deuxième priorité aller chercher de quoi se nourrir. Elle demanda à Antonio de s'arrêter dans le premier magasin ouvert. Elle était euphorique, faire ses propres courses, cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps. Elle sélectionna avec soin les indispensables, eau, pâtes, lait, pain. Elle espérait qu'il y avait un frigo. Elle acheta également un duvet et un oreiller ainsi qu'une casserole, une assiette, des couverts, une éponge et du produit vaisselle. Tout le nécessaire pour faire du camping en somme.

Ensuite, Lola était libre. Quelle merveilleuse sensation ! Elle avait tellement hâte de découvrir son acquisition : une longère typique bretonne. Un coup de folie, elle n'avait vu la battisse qu'en photo et la liste des travaux était aussi longue que son bras. Son agent, le seul au courant de son projet l'avait traité d'inconsciente. Mais elle se sentait prête à tout, soudainement pleine d'une énergie nouvelle à l'idée de bâtir quelque chose de concret. Elle n'y connaissait strictement rien certes mais cela l'indifférait. Tout s'apprenait n'est ce pas, cela ne devait pas être si compliqué de passer un coup de peinture ou de poser du carrelage. Confiante, elle se cala de nouveau confortablement au fond de la banquette, se laissant conduire.

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Un si grand projetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant