Un si grand projet

Chapitre sans titre 7

Lola avait bien avancé avec Emeline, sa pochette d'album prenait forme. Au moins une chose qui avançait, pensa-t-elle en raccrochant le téléphone. Elle avait quitté la patinoire hier emplie d'une énergie qui allait lui permettre de tout réussir. Du moins c'est ce qu'elle avait pensé mais arrivée chez elle, la vision de désolation avait quelque peu douché son enthousiasme et un peu déprimée, elle avait passé la soirée à manger de la glace et à regarder la télé.  Et puis au matin suivant, elle s'était reprise et s'était attaquée à un grand ménage nécessaire. Depuis son arrivée,  elle avait tenté beaucoup de choses, la plomberie, le ponçage, le jardinage, mais n'avait rien terminé. Il fallait qu'elle prenne le problème différemment et avec plus de méthode.

Décision 1 : faire un grand ménage dans chaque pièce. Se débarrasser des choses inutiles ou cassées et optimiser les espaces. Peut-être devrait-elle regarder un tuto sur des aménagements feng shui ?

Décision 2 : Arrêter de regarder des tutos. C'est fou le temps qu'elle avait déjà perdu à sauter de vidéos en vidéos.

Décision 3 : Se remettre à la conduite. La voiture devait lui être livrée lundi. On était dimanche, elle avait donc un peu de temps pour s'y préparer.

Décision 4 : Réparer chaque pièce une par une. à commencer par la chambre qu'elle occupait. La tapisserie jaunie la déprimait trop. Ensuite s'attaquer à la salle de bain, peindre les murs décrépis, réparer quelques carreaux et surtout enfin régler le problème d'eau chaude... puis continuer de pièces en pièces. La liste était infinie.

Décision 5 : s'attaquer au jardin et apprivoiser cette jungle. Il lui semblait entendre de petits miaulements mais impossible pour le moment de repérer d'où provenait exactement ce bruit.

Décision 6 : Arrêter de penser à son voisin.

Lola noua un foulard dans ses cheveux libérés de la perruque, retroussa ses manches, alluma la radio antique qui trônait dans le salon et s'attaqua au ménage avec énergie. Elle mit la matinée à nettoyer sa chambre et la salle de bain, faisant de fréquents arrêts pour chauffer de l'eau à la cuisine. Tout était poussiéreux mais la maison n'était pas sale à proprement parler. Certains endroits devaient recevoir une attention particulière mais lorsqu'elle aurait terminé et mis un bon coup de peinture, la maison serait plus lumineuse et infiniment plus agréable à vivre. Elle repensa à Émeline. Sa jeune collègue lui manquait, c'était sa seule amie à New York. Les gens qu'elle rencontrait là bas ne voulait la fréquenter que par intérêt. Emeline était différente, complètement absorbée par son ordinateur et ses créations. Elle s'inquiétait sincèrement pour elle et  avait tenté de la raisonner. Lola ne s'était pas laissé démonter et l'avait calmement invité à la rejoindre. Ensemble, elles pourraient travailler sur la pochette et profiter de cet endroit qu'elle avait décrit comme paradisiaque. Après tout, c'est ce que cet endroit allait devenir, ce n'était pas vraiment un mensonge. Emeline avait accepté avec enthousiasme sous réserve d'avoir un bon réseau wifi. Elle avait raccroché avec la promesse de la rappeler une fois qu'elle se serait organisé. Son chat devait être gardé et elle avait prévu d'assister à un concert qu'elle ne voulait surtout pas manquer. C'était dans deux semaines mais après ça, elle était libre.  Lola espérait que ce temps serait suffisant pour rendre cet endroit habitable. Elle décida de s'accorder une pause en entendant une plainte émaner de son estomac. Elle posa le balai et se dirigea vers la cuisine. Après inspection de son frigo, elle se décida pour des pates carbo car avec toute l'énergie dépensée, ce n'était pas dans la salade qu'elle allait reprendre des forces. Et puis au diable le régime. Elle n'avait de compte à rendre à personne. Avec un sourire de pur bonheur, elle ajouta à sa préparation une bonne dose de gruyère râpé puis s'assit sur le rocking chair sur le porche extérieur. Son assiette à la main, elle fixa longtemps sans la voir la maison voisine. 

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Thibault n'arrivait pas à se concentrer. Il regardait sur sa tablette les chorégraphies des adversaires de ses athlètes afin de les analyser et jauger la concurrence. Mais le bruit qui émanait de chez sa voisine le rendait fou. Toute la matinée la radio avait été allumée à un volume sonore élevée, mais là ça dépassait tout. Il était resté à l'intérieur pour échapper à ce vacarme mais il était maintenant 17 heures et sa patience s'était envolé. Il s'était promis de l'ignorer mais il pourrait toujours le faire lorsqu'il l'aurait étranglé. Résolu, il se leva et partit au pas de charge chez sa voisine. Il fulminait, qui était donc cette femme pour perturber son monde ainsi ? Elle allait l'entendre. Et pourtant, passé le portillon rouillé, le son d'une voix caressante qui couvrait le bruit de la radio le fit stopper net. Il contempla la belle femme devant lui. Elle avait des cheveux noirs aux reflets bleutés, longs et qui tombaient en cascade dans son dos. Elle se tenait debout au milieu du jardin méconnaissable. En si peu de temps, la demoiselle en détresse avait fait des merveilles. On commençait à voir le potentiel. Elle avait taillé les buissons envahissants et ramassait maintenant les branches et les feuilles qui jonchaient le sol. Elle portait un vieux jeans et un t-shirt taché et cette tenue  ajoutait un charme canaille irrésistible à la belle. Il se trouva subjugué, fasciné par le doux mouvement de ses hanches qui accompagnait le tempo de la musique. Elle se tourna et l'aperçut. Le râteau dans ses mains tomba.

- "Qu'est ce que vous faites là ?

-  Bonjour. La politesse semble vous être inconnu. " lui répondit-il d'un ton cassant en s'avançant.

- Bonjour, répliqua-t-elle avec un regard noir. "Excusez moi mais vous m'avez surprise, je pensais être seule.

- Vous le seriez si vous ne mettiez pas la musique si forte.

- Je suis chez moi il me semble et j'écoute toujours la musique de cette manière.

- Alors il va falloir changer, mademoiselle. Votre musique s'entend jusque chez moi."

Il passa devant elle rapidement, monta les deux marches du porche, contourna le trou laissé par la mésaventure de leur rencontre et stoppa la musique infernale. Lola soupira. Le silence s'abattit sur eux. Il la regardait comme si elle n'était qu'une indésirable. Qu'avait-elle fait pour provoquer autant de haine en lui ? Un miaulement désespéré rompit le silence pesant. Lola jeta un regard incertain autour d'elle. Prise dans la musique, elle avait provoqué une véritable tornade dans son jardin. Il restait encore beaucoup de travail mais la taille des buissons envahissants avait créé énormément de déchets qu'elle avait rassemblé en une énorme pile et les miaulements semblaient provenir de dessous.

Sans plus s'occuper de son voisin arrogant elle s'agenouilla au sol pour tenter de déterminer l'endroit où se trouvait l'animal.