Partie 6 : 17:39

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L'escalier n'en finissait pas. Cela devait bien faire une heure que nous marchions, et nous ne discernions toujours pas le bas du gouffre. Le son du vent et de la marée résonnaient dans la grotte, dans un écho lugubre. Le froid nous pénétrait les os et nous anesthésiait les muscles.

Cela faisait longtemps que je n'avais plus conscience de mes doigts et des mes orteils. Les marches étaient glissantes et l'obscurité ambiante allait bien avec notre état d'esprit.

L'étroitesse du passage nous obligeait de passer les uns après les autres, et à chaque pas que nous faisions, nous craignions de déraper et de tomber dans le précipice.

Je sentais mes paupières se faire lourdes. Je n'en pouvais plus de tout ça. J'avais juste envie de m'allonger et de ne plus jamais me réveiller. Être mort. Ça devait être sympa quand même. Ne plus se soucier des gens, ne plus se soucier des attentes des uns et des autres, ne plus se soucier de réussir dans la vie... Oui, ça devait être sympa. Et pour cela, j'avais juste à faire un pas de côté. Alors je chuterais dans le vide abyssal, et je rejoindrais Luke et Evy. On serait bien, ici, tous les trois.

Je m'arrêtai, choqué par mes pensées suicidaires. Mes amis, devant moi, continuèrent leur chemin sans remarquer que je ne les suivais plus.

Qu'est ce qui m'arrivait ? Jamais l'idée de me tuer ne m'était venue en tête avant ce jour. Mais réfléchis-y. Tout serait bien plus simple si tu étais mort. Juste un pas. Qu'est ce que c'est, un pas ? Tu n'auras plus jamais à te soucier de tout ça. Plus à devoir partir en Argentine, faire des études qui ne te plaisent pas. Plus à devoir chercher un métier. Plus à devoir te soucier de tes amis, plus à devoir régler les disputes entre Luke et Thomas.

Je fermais les yeux, essayant de reprendre mes esprits. Luke ne se chamaillera plus jamais avec Thomas parce qu'il était mort. Comment aurais-je pu oublier un seul instant que son corps reposait encore sous la pierre, là-haut ?

Cet endroit... il était mauvais. Il prenait possession de notre esprit, nous donnait des idées de meurtres et de suicides.

Exactement comme avec Evy, tout à l'heure. Je ne faisait que revoir, encore et encore, ses yeux au moment où ils avaient croisé les miens pour la dernière fois. Les mêmes que sur la chose que j'avais aperçu en haut. Car je ne pouvais plus le nier. Qui que se soit, quoi que se soit, cette chose nous suivait. Je sentais son regard posé sur mon dos, à guetter chacun de mes gestes, attendre que je fasse le moindre pas de travers pour se jeter sur moi et me tuer.

Mais, à part avancer, à part lutter de tout mon être contre le poison qui envahissait mes pensées, je ne pouvais rien y faire.

Il fallait juste réussir à sortir d'ici, coûte que coûte.

EnfermésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant