[ 6 Septembre 1945 ] - Verrückt

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En ce jour, ou plutôt soir, nous fûmes finalement arrivés à destination. Aucun de mes subalternes n'avait l'air très enjoué d'être là, et honnêtement, ça se comprenait ! Nous venions de gagner la guerre et on les mettait à nouveau en danger dans cette mission de secours de dernière minute en terrain ennemi. Il y avait plutôt intérêt à ce que ça en vaille la peine, où je risquais la page blanche pour mon tout dernier rapport de bataille...

Vous ne savez pas ce que c'est, un rapport de bataille ? Mais si, vous en voyez tous les jours ici... Ce sont des sortes de "résumé" d'une mission que l'on doit à tout prix faire transmettre à nos supérieurs. Et comme je suis le meilleur, je peux vous dire que j'en ai écris, des rapports glorieux ! Et... d'autres qui l'étaient moins. Mais bon, on va se concentrer sur le positif hein ? Parce que... l'endroit dans lequel je me trouvais me fout encore les glandes aujourd'hui. Non, je ne me pisse pas dessus actuellement.

Nous étions descendus de l'avion, nos fusils mitrailleurs en main afin d'éviter les mauvaises surprises de dernière minute. La terre battue nous menai vers un grand portail glauque en ferraille noir sur lequel nous pouvions lire: Verrückt Asylum. Plus loin, l'ombre d'une immense bâtisse se reflétait, rendue presque fantasque par les rayons de la lune. L'un des gars s'avança et ouvrit le portail en ricanant :

- " Hey les gars, regardez ça ! Pourquoi s'inquié- "

Au même moment, un éclair éclata et des lumières s'allumèrent comme par magie au sein de l'Asile abandonné. Une silhouette apparut quelques secondes à la fenêtre du 1er étage, avant de disparaitre avec un rire presque enfantin.

Sur le moment, je me dis que si l'on avait été dans un film d'horreur, cette scène aurait été vraiment cliché. Le seul problème, c'est qu'on était pas dans un film d'horreur. Les soldats de l'escouade furent tellement apeurés que celui qui avait touché la grille attrapa son arme et appuya sur la gâchette sans la moindre hésitation. Pour tirer sur QUOI ? Sur rien, il était juste terrorisé. Et quand les hommes ont peur, ils deviennent violents. Imaginez donc ce que peut faire un homme avec une arme lorsqu'il se retrouve dans ce genre de situation...

Mais c'était moi le chef de cette escouade. C'était à moi de leur parler afin de mener cette mission à bien. Et c'est ainsi que je mis ma dernière et unique cigarette entre mes lèvres. Je n'avais jamais été du genre à peser mes mots, alors je me contentait simplement de les débiter comme ils venaient.

- " Bordel mais vous êtes quoi, des fillettes ? " commençais-je d'une voix éraillée. " On est ici pour mener une mission. Vous avez peut-être peur, mais pas moi. Alors on rentre, on ramène McCain, on sort, et on va tous fêter la fin de la guerre avec nos familles. Si vous êtes ok avec ce plan, alors suivez-moi. "

De toutes façons, ce n'était pas comme s'ils avaient vraiment eu le choix. C'était moi qui donnait les ordres. Je donnais un petit coup dans l'épaule de Smokey ; le pauvre qui avait prit peur et tiré dans tous les sens. Ses mains devinrent plus stables et je le sentis reprendre confiance en lui. Peut-être avais-je réellement un talent d'orateur après tout ?

Nous nous engageâmes dans les tréfonds de l'Asile. C'était... glauque. Tout avait été pensé pour être horrible. Les murs étaient sales et poisseux, des traînées de sang séché accompagnaient les fauteuils de torture. On pouvait presque entendre les plaintes des victimes de ces monstruosités au fur et à mesure que l'on s'enfonçait dans cet enfer.

Pour contrer la peur naturelle des hommes, j'avais deux choses. Ma fidèle cigarette au bec, menaçant de périr au moindre petit courant d'air. Puis Banana à qui je faisais la discussion. Nous ne parlions pas de grand chose d'intéressant, mais c'était suffisant pour nous enlever ces images sanglantes de la tête. Il était châtain aux yeux verts, détenant le regard déterminé de la jeunesse qui s'engage. À son âge, j'étais pareil et, quelque part, j'aimais à me comparer à lui. Il avait une famille, lui aussi. Une fiancée dont il parlait avec beaucoup de passion. Je ne pouvais m'empêcher de sourire en pensant au bonheur que nous ressentirions en rentrant chez nous.

J'avais presque réussi à m'isoler de toute sensation désagréable extérieure lorsque j'entendis un grand fracas derrière moi. Une porte s'était miraculeusement verrouillée derrière Banana et moi, nous séparant de Smokey et de l'autre soldat. Ils tapaient contre les vitres en nous appelant. C'est à ce moment-là que j'entendis une nouvelle fois le rire de l'enfant. Et c'est tout ce que j'entendis. " Ahah, Splash. ".
Les vitres se teintèrent de rouge écarlate, les poings disparurent. À la place, les visages livides de Smokey et du soldat inconnu, nous fixant avec des yeux jaunes brillants. Ce n'était pas leur... couleur naturelle.
Banana me secouai, tentant de me réveiller de ce cauchemar. Je clignai des yeux, mes oreilles sifflant d'un réveil si brutal. Et là, je compris ce qu'il se passait.

Des morts vivants. Nous étions attaqués par des putains de zombies. J'empoignai mon arme, prêt à me battre. Nous n'avions pas le temps de comprendre ce qui avait pu se passer; il fallait se battre maintenant.
Après ça, je ne me souvins que d'une chose. Alors que j'étais mal en point, que j'allais mourir. Ce n'était pas à ma famille que j'accordais ma dernière pensée, pas à mes victoires, ni au combien de cigarettes j'aurai pu m'enfiler avec un peu plus de temps. Nan... Je pensais à Banana. John Banana, qui était en train de se défendre et de lutter pour sa survie. John Banana, jeune, châtains aux yeux verts, qui avait une fiancée et qui était en train d'enregistrer ses dernier moments tandis que Smokey lui bouffait la jambe.

Ses souvenirs, son existence, sa détermination, son mariage... Maintenant, tout serait effacé. Tout serait oublié, comme s'il n'avait jamais existé. Et c'était peut-être entièrement de ma faute.
Je promettait alors de ne jamais oublier ces derniers moments, juste avant que mes paupières ne deviennent trop lourdes à soulever et ne se ferment à jamais.
Je vais mourir ici, alors que la guerre est terminée. Adieu chéries...

Tank Dempsey : deuxième entrée, terminée.

L'Agartha: [ TANK Dempsey ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant