Daphné était ensevelie sous la roche, à mi-chemin entre la cahute du chef de gare et les premières marches de l'escalier qui remontait au septième étage, lorsqu'un sifflement se faufila dans son oreille et vint glacer son sang. Un frisson la parcourut et elle se figea, là, engloutie sous des milliers de tonnes de granit, immobile au centre du halo lumineux que dessinait sa baguette, la voix de celui dont on lui avait toujours vanté les mérites la tétanisant.
Le Survivant était à Poudlard et le Seigneur des Ténèbres le voulait ou il attaquerait.
Daphné savait la voix amplifiée par un sort, les pierres épaisses et le passage secret presque inconnu, mais elle se sentit plus vulnérable que jamais lorsque le silence, qui ne l'avait pourtant pas dérangée jusque-là, se fit à nouveau, remplaçant les mots du mage noir.
Elle eut envie de courir, de rejoindre Pré-au-Lard et de prier pour que Theodore n'ait pas encore franchi le portail quand elle le rejoindrait aux Îles Sorlingues. Elle voulait se jeter dans ses bras, tant pis si lui ne voulait plus l'enlacer, mais les seuls bras qu'elle rencontrait, c'étaient ceux de la peur qui, à droite comme à gauche, surgissaient de l'obscurité pour lacérer de leurs doigts avides sa misérable peau.
Les larmes jaillirent de ses yeux, les sanglots de sa gorge et Daphné ne fit rien pour les retenir. Elle était seule, seule comme jamais elle ne l'avait été et sa magie en devint si faible que sa baguette s'éteignit.
Elle plaqua son dos contre la paroi du conduit, dernier appui qui lui restait, et se laissa glisser au sol, s'enroulant dans sa cape comme si elle pouvait la protéger.
Sa trachée brûlait, ses poumons aussi, sa tête tournait, et Daphné comprit à temps que c'était parce qu'elle avait cessé de respirer.
Lâche, sa bouche se rouvrit aussitôt et l'air fit danser sa poitrine assoiffée.
Sa tête vacilla et ses genoux s'en portèrent fort, la recueillant entre eux au mépris de sa colonne vertébrale qui se tordit à leur bon vouloir. Son souffle désormais emprisonné dans l'étoffe de sa jupe, il n'y avait plus un bruit dans le couloir, juste un silence qui vrillait ses oreilles et qu'elle voulait voir disparaître.
Comme elle le faisait parfois quand elle était seule, elle posa une main sur son ventre et darda ses ongles qu'elle enfonça tout doucement dans sa peau, tendue comme après un repas trop copieux. Elle n'avait jamais fondamentalement détesté ce qu'elle cachait, elle s'était juste efforcée d'en oublier l'existence. Mais ce soir... Ce soir elle voulait le déloger de ses entrailles, le repousser au loin même si ça ne servait à rien parce que, de toute façon, Theodore était parti et que, même libérée de ce poids, la bataille ferait rage à Poudlard dès que le Seigneur des Ténèbres comprendrait que Harry Potter ne se livrerait pas.
Cinq croissants étaient imprimés dans son épiderme quand elle réalisa que cette chose qu'elle laissait grandir en elle, c'était la présence qui l'empêchait d'être seule, oubliée dans ce tunnel qui la terrorisait. Elle ne servait à rien, ne la protégerait de rien, tout simplement parce que c'était à elle de la protéger, à elle de prendre les décisions pour ce petit être comme elle avait toujours laissé les autres prendre les décisions pour elle.
Elle enferma sa baguette dans son poing sans la rallumer et scruta inutilement le noir, la tête tournée à droite, vers Pré-au-Lard, puis à gauche, vers l'escalier.
Elle repoussa le sol de ses poings et s'engagea sur la gauche presque sans hésiter. Theodore avait voulu partir et elle l'avait laissé faire, elle n'avait plus rien à faire sur ses traces.
*
Cachée derrière le faux mur du septième étage, baguette brandie et sens en alerte, Daphné entendait tout. Les sorts qui, dans le couloir, fusaient, les objets qui explosaient, les cris qui se perdaient, les pas qui s'affolaient. Et surtout les corps qui tombaient. Il n'y en eut pas beaucoup, au septième étage. Deux ou trois, et encore, Daphné n'était pas sûre que toute vie les avait délaissés. Mais l'un d'entre eux chuta tout près d'elle et, entre le sol et la pierre en trompe-œil, du sang coula jusqu'à son pied, manquant de la faire hurler.
Elle se demanda à qui il appartenait alors que sa teinte se fonçait et que son ruisseau se séchait, vaincu par la caresse de l'air.
Un allié ? Un ennemi ? Mais qui était quoi ? Et elle, qu'était-elle et pour qui ?
Ne pas le savoir lui donna le tournis. Mais pour peu de temps.
Car quand la rumeur de la bataille s'enfuit dans un couloir voisin, Daphné réalisa que ça n'avait pas d'importance. Quel qu'en fût le vainqueur, Theodore était parti et il était toujours là.
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Nonchaloir
FanfictionJusqu'à ce qu'elle entende leurs cris percer les murs du manoir, Daphné ne s'était jamais posé de questions. Elle était digne, tous ne l'étaient pas, de là où elle venait il était plus sage de l'admettre que de chercher à le comprendre. Et puis... e...