Le jour où Dazai quitta la Mafia, Chuuya fut aux anges.
Il était rentré de mission tard dans la nuit, épuisé, pour trouver sa voiture en cendres et une convocation urgente de la part du parrain. Un genou à terre, le chapeau sur la tête, il avait écouté Mori tourner autour du pot pendant un moment avant de lâcher la bombe :
-Dazai-kun a quitté nos rangs.
Chuuya avait haussé les épaules, incertain de ce qu'il ressentait. Mori pensait peut-être qu'il allait faire le sentimental, pour la simple et bonne raison que Dazai avait été son partenaire ? Si c'était le cas, il se trompait lourdement. Ils avaient beau avoir formé le duo le plus dévastateur de la Mafia, Chuuya n'avait jamais cessé d'être agacé par Dazai, ses plaisanteries douteuses et ses manies. Tout chez lui l'énervait, depuis ses bandages ridicules jusqu'à ses insupportables démonstrations d'intelligence.
Bon débarras.
Il rentra chez lui, et la première chose qu'il fit fut d'examiner sa cave pour déterminer quelle cuvée lui siérait le mieux pour célébrer ça. Le Petrus 1889 lui sembla parfait, et il déboucha la bouteille avec délectation avant de se servir un verre, savourant d'abord la robe du vin et ses arômes avant d'y tremper ses lèvres.
Seul dans son salon, installé dans un fauteuil de cuir noir face à sa cheminée, il regardait le feu flamber avec un vague sourire aux lèvres ; et de sa main gantée, il faisait occasionnellement tourner le vin dans son verre.
-Saleté de Dazai, murmura-t-il pour lui-même en se resservant une première fois. J'ai jamais pu te saquer.
.
-Je suis content que tu sois parti, ajouta-t-il pour lui-même en se resservant une troisième fois. Compte pas sur moi pour te regretter.
.
-Jamais foutu de me respecter, marmonna-t-il en se resservant une cinquième fois. C'était ça le problème avec toi, Dazai. Un des problèmes, d'ailleurs.
Sa voix, rendue vibrante par l'alcool, mourut progressivement tandis qu'il contemplait les braises de son âtre. La bouteille était encore à moitié pleine, mais il n'avait plus l'impression de boire pour fêter quelque chose. Toute la joie qu'il avait ressentie s'était évaporée en même temps que l'alcool amenuisait ses sens, et il était là, face à un feu éteint, en train de penser à Dazai.
-Putain de thon à la con. Pourquoi t'es parti ?
Il se resservit un verre de vin, et plongea son regard dans le liquide vermeil comme s'il y trouverait la réponse. A défaut, il le but.
-J'étais pas assez bien pour toi ? Tu vas chercher d'autres partenaires, hein, c'est ça ?
La pensée l'énerva soudainement, et le verre explosa dans sa main, se brisant en éclats tandis que le vin ruisselait sur sa manche. Il avait envie de continuer à parler, mais sa pensée brouillée ne pouvait plus se formuler, la langue engourdie par l'alcool et le déni en boule dans sa gorge.
Pourquoi t'es parti comme si la Mafia ne comptait pas pour toi ?
Comme si je ne comptais pas pour toi ?
Chuuya avait envie de casser autre chose, mais perdre le contrôle était la pire éventualité possible –il ne devait surtout pas laisser Corruption prendre le dessus, parce que... parce que le seul qui pouvait le contrôler n'était plus là, désormais. Dazai devait errer quelque part dans Yokohama sans ressentir la moindre once de remord.
Dazai ne ressentait rien.
Alors pourquoi Chuuya lui faisait-il le plaisir d'être indigné, outré, en colère et même en rage, confus et perdu, au fond triste, incapable d'accepter le fait qu'il l'avait abandonné ?
-Je te déteste, murmura Chuuya entre ses dents serrées.
Il se leva de son fauteuil, trébucha, tomba à genoux, et les débris de verre entamèrent ses vêtements et la peau dessous ; il le sentit à peine, abattu sur le tapis par le poids de l'ivresse et de ses sentiments.
-Je te déteste, Dazai, hoqueta-t-il de nouveau. Je te hais, et si je te recroise...
Il chercha comment finir sa phrase, mais ne trouva pas, et il cherchait encore la pire malédiction possible quand Kouyou le trouva le lendemain matin.
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Cinq fois où Chuuya maudit Dazai...
Fanfic... Et une où il le remercia d'être là. Soukoku.