La Dictature du Sang I

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Une silhouette sombre se détachait sur la butte surplombant le village. Sans un seul doute, celle d'un cavalier avançant au pas sur le chemin provenant de la grand route, située sur l'autre versant du léger relief. En effet, il commençait déjà à faire sombre, et il ne faisait pas bon d'être dehors en pleine nuit, et surtout pas en cette période de l'année. La silhouette se détacha lentement sur le fond du ciel mauve, sur lequel les premières étoiles apparaissaient déjà... la constellation du Dragon scintillait déjà malgré l'heure peu tardive, la nouvelle lune permettant aux légers rayons dorés des astres d'être bien visible et de prévenir les voyageurs encore en chemin de faire halte au plus tôt. Pourtant, le cavalier solitaire était le seul à se diriger vers le petit hameau depuis la grande route. Le martèlement des sabots de son étalon noir sur la terre asséchée du chemin résonnait dans l'étrange silence qui régnait, presque surnaturel, comme si toute vie avait quitté les environs pour s'enfuir au delà de l'horizon. Les oiseaux taisaient leur chant pourtant si mélodieux, les criquets ne vrombissait plus dans leur habituel vacarme, pourtant si rassurant, et aucune petite tête curieuse de surgissait des myriades de terriers qui devaient pourtant être habités de renards, blaireaux, chiens de prairie, ou d'autres créatures bien moins sympathiques pour lesquelles une proie solitaire et humaine serait pourtant un met de choix. Le silence que seul les claquement des sabots venait briser était lourd, oppressant, et semblait s'étendre sur tout le village, dans lequel nul chien n'aboya à l'odeur étrangère de l'étranger, aucun enfant ne couru à sa rencontre, aucune petite foule ne s'attardait sur la place centrale à écouter les dernières nouvelles apportées du reste du duché par les pigeons voyageurs. Le petit hameau aurait pu sembler simplement endormi sans l'absence presque surnaturelle du moindre son. Ainsi, il avait plutôt l'air mort, et la nature environnante semblait garder le silence cérémonieusement afin de ne pas troubler son repos éternel. Le vent lui même avait cessé de soulever les herbes folles de la prairie et les épis épars des champs en friche.

L'inconnu arriva au niveau des premières maisons. Petites, de bois et de chaume, elles semblaient pourtant robustes, et devaient avoir vu vivre des générations d'humains se succéder entre leur murs sans faillir à leur tâche de les protéger des horreurs de l'extérieur. Des monstres. Des spectres. Des hommes. Les années se lisaient dans la suie déposée autour des cheminées, dans la rayures barrant les longues poutres, dans la saleté des murs et dans les fragments accumulés de planches cassées, dont on repoussait sans cesse le remplacement jusqu'à ce qu'un hiver particulièrement rude s'abatte sur le duché d'Orbourg.

L'inconnu observa les environs d'un rapide regard circonspect. Il n'y avait pas grand chose à dire sur son apparence, sinon qu'il portait un long manteau noir dont la capuche était volontairement rabattue sur son visage pour en cacher les traits. Il voyageait probablement dans l'anonymat, comme de nombreuses personnes d'importances bien variées - ce pouvaient être autant des princes héritiers que des criminels recherchés, dont les avis de recherche étaient d'ordinaire placardés dans toutes les auberges. Cependant, sa discretion ne pouvait faire ignorer le bas du fourreau glissant sur la selle à chacun de ses pas, attaché à la ceinture de l'inconnu, ni l'imposant arc passé en bandoulière et le carquois qui l'accompagnait, dont un couvercle cachait le contenu - qui ne faisait pourtant aucun doute. L'inconnu s'arrêta à l'entrée de la place centrale du village, et descendit de selle d'un mouvement leste et gracieux, révélant une agilité naturelle. Saisissant l'étalon par la bride, il s'avança sur la terre battue, sur laquelle mille et une traces de passage se mélangeaient dans un chaos total. L'inconnu s'y intéressa pourtant fortement, et sembla y trouver un certain intérêt, suivant du regard une piste que lui seul semblait percevoir. Il jeta un nouveau regard circonspect autour de la place. Le soleil se couchait, et il lui fallait probablement trouver quelqu'un pour l'héberger - mais toujours aucune âme qui vive. D'un pas assuré, la silhouette encapuchonnée s'approcha de la potence du puit qui flanquait le centre de la place et, se saisissant du seau attaché au rouleau, le jeta au dans les tréfonds du sous sol, d'où provint un bruit d'éclaboussure. Lentement, il fit tourner la manivelle pour relever le seau, et le plaça devant le museau de sa bête pour lui permettre de boire.

SINISTRALEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant