Quand j'entre en trombe dans le lieu qui abrite quotidiennement l'éveil de ma fille depuis bientôt quatre mois la directrice m'attend. Peu fière elle m'entraîne directement dans son bureau.
Je suis choqué.
Les traits de ma Clémentine sont déformés par la peur et l'incertitude. Je ne comprends pas ce qui se passe. Elle se jette dans mes bras. Je la serre aussi fort que je peux. Je ne sais pas quoi lui dire.La police arrive peu de temps après moi. Le commandant Constant fait irruption dans la pièce avec deux subordonnés. J'ai envie de lui mettre mon poing dans la gueule. Je n'y peux rien c'est plus fort que moi, à chaque fois que je le vois ça me rappelle qu'il s'est tapé ma mère. Mais j'admets que c'est un bon flic. S'il se déplace en personne c'est qu'ils n'ont pas pris à la légère l'appel de Clémentine et qu'ils pensent que c'est sérieux.
Ça l'est ?
Je sens mes jambes commencer à flancher sous moi. Il faut dire que Clémentine se laisse complétement aller. Je ne suis pas sûr d'avoir de la force pour deux. D'ailleurs ça doit se voir parce que la policière nous fait asseoir et demande qu'on nous apporte un verre d'eau.
Martin interroge une des employées de la crèche dans un coin de la pièce. Je n'avais pas vu qu'elle était là. C'est elle qui a laissé partir ma fille avec on ne sait qui. La pauvre elle a l'air aussi dévasté que nous. Elle est jeune, elle doit avoir le même âge que moi. Je ne l'avais jamais vue autrement que souriante. Le genre de fille toujours de bonne humeur. Elle a la cote avec Clara, parmi toutes les personnes dévouées qui travaillent ici c'est une de ses préférées ; elle a toujours droit à des risettes.
Elle a fait confiance. Elle sait qu'elle n'aurait pas dû. Elle ne s'est pas doutée. Si elle avait su... Il disait bien connaître Madame. Elle l'a cru.
Le deuxième flic venu avec Martin note tout scrupuleusement.Je sens que Clémentine commence à perdre patience. Ou perdre ses nerfs, je ne sais pas. Elle est en boucle et n'arrête pas de me demander où est notre fille. J'ai envie de lui crier que si j'en avais la moindre idée on ne serait pas là. A la place j'enfonce son visage dans mon cou et la maintient contre moi. J'ai besoin de sentir sa chaleur même si ses larmes me trempent.
Convaincu que la pauvre fille n'y est pour rien Martin la libère et s'adresse enfin à nous. Avec son blouson en cuir et son jean noir il s'assoit face à nous, les mains sur les cuisses avec l'air de quelqu'un qui veut en découdre. Il me fait penser à un cow-boy.
— Est-ce que vous avez la moindre idée de qui pourrait s'en prendre à votre fille ?
On secoue la tête simultanément.
— Vous avez des ennemis ? des gens avec qui vous vous êtes disputés dernièrement ? ou qui pourraient vous demander une rançon ?
Clémentine sort de sa torpeur :
— Une rançon ? Mais pourquoi nous ? On n'a pas d'argent !
C'est vrai qu'on ne roule pas sur l'or. On vit quasi-exclusivement sur le salaire de prof de Clémentine. Autant dire pas grand-chose. J'ai enchaîné les petits boulots que j'ai pu en parallèle de mes études mais depuis la naissance de Clara je n'ai plus vraiment le temps. Mais ça n'est pas un problème entre nous. On sait bien que je ne serai pas étudiant toute ma vie et que notre situation s'améliorera. Et puis tant qu'on a un toit sur la tête on est heureux, on ne demande pas plus. Après toutes les batailles qu'on a menées pour être ensemble ça nous suffit amplement. C'était déjà le cas il y a huit mois mais depuis que notre princesse est née ça l'est encore plus.— D'après l'éducatrice l'homme qui a enlevé votre fille était de type caucasien, la quarantaine, plutôt grand, brun, avec une barbe. Ça vous dit quelque chose ?
Olivier ! Ce salaud. S'il a touché à un cheveu de ma fille je le bute. Visiblement le portrait dressé a fait tilt chez Clémentine aussi. Elle parle de lui à Martin.
— Mais il ne ferait jamais ça ! Ce n'est pas possible !
Putain elle le défend encore.
J'essaie d'imaginer. Je suis déjà convaincu que ce type est une ordure, mais est-il capable d'avoir enlevé mon bébé ?Qui est capable de ça ?
Martin récapitule :
— Donc vous êtes divorcés depuis deux ans, il vit mal votre séparation, essaie régulièrement de vous récupérer depuis même s'il sait que vous avez refait votre vie et eu un enfant, mais il ne vous a jamais menacé ou menacé de s'en prendre à votre fille.
— C'est ça. Il y a des moments où ça va, il semble tourner la page. Et puis d'autres où il s'obstine à me convaincre de donner une autre chance à notre couple. Je l'évite au maximum mais on travaille dans le même lycée donc c'est compliqué... Et puis on a une fille ensemble alors je ne peux pas complétement le sortir de ma vie, même si Garance est adulte. Mais il ignore complétement Clara et s'adresse toujours à moi comme si j'étais seule. Même Maxime... Au début il le défiait à la moindre occasion mais maintenant il fait comme s'il n'existait pas.
— Donc on peut le qualifier d'instable.
Martin commente pour lui-même et jette un œil au gratte-papier pour vérifier qu'il ne loupe rien. C'est de l'inquiétude que je perçois dans son regard ?— L'enfant est partie avec un bonnet et une écharpe rouge foncé et un manteau bleu marine. Vous confirmez que votre fille était habillée comme ça ?
J'acquiesce.
Oui ce sont ses vêtements. C'est moi qui l'ai habillée ce matin. Elle a aussi un legging écru et la petite robe en molleton bleu nuit que ma mère lui a achetée. Celle avec un cœur brodé sur la poitrine.
— Autre chose ? Il y a quoi dans son sac à langer ?
Je réfléchis.
— Pas grand-chose... Une tenue de rechange. Et un doudou.
Là je regarde Clémentine. Le sac c'est elle qui l'a préparé hier soir. Je ne sais pas lequel elle a choisi. Clara a reçu un nombre incalculable de lapins, chats et autres oursons à sa naissance de la part de nos proches. Elle n'a pas encore élu celui qui dont elle ne pourrait plus se passer. Celui qu'elle mâchouillerait jusqu'à l'usure. Celui qu'il ne faudrait pas perdre.
— Je lui ai mis Lapinou. C'est un lapin rose avec des oreilles blanches, indique Clémentine à Martin.
Il tique.
— Ce n'est pas ça qui va nous aider. A peu près toutes les petites filles de Sète ont un lapin rose comme doudou.
C'est censé nous rassurer ? Je serre plus fort la main de Clémentine dans la mienne. Il continue :
— Bon. Rentrez chez vous et restez joignables. On va vérifier si votre ex-mari est chez lui. Je vous appelle dès qu'il y a du nouveau. Et si quelqu'un vous contacte vous nous prévenez illico, c'est bien compris ?L'enquêteur et ses sbires nous abandonnent et partent à la recherche de notre fille.
Faites qu'ils la retrouvent vite.
Et nous ? On devrait rentrer à la maison et profiter d'une soirée en amoureux comme quand on laisse Clara chez mes parents le temps d'une nuit pour se retrouver un peu ? Je regrette ces quelques nuits passées loin de ma fille.
On fait le trajet pour rentrer dans un silence de mort.
Quand on arrive Clémentine monte directement à l'étage. Je la regarde monter les marches une à une ; on dirait un zombie. D'habitude avec elle c'est plutôt quatre à quatre.
Ça fait un an pile qu'on a emménagé ici. Quand on a compris que Clémentine était enceinte on a tout de suite voulu trouver un nouveau cocon pour abriter la famille qu'on allait devenir.
La famille.
Nous ne sommes plus un couple désormais ; nous sommes une famille.Sauf que Clara n'est plus là.
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Son doudou était rose et blanc (Demain nous appartient - Clemax - NOUVELLE)
FanfictionQue devient-on en tant que parent quand notre enfant nous est arraché ? Quand tout bascule en une journée c'est à cette douloureuse question qu'est confronté Maxime, jeune papa désemparé. Cette histoire courte est inspirée des personnages de la séri...