Chapitre 9

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— J'ai hâte d'en apprendre plus sur ce fameux, Marin. L'homme des bois, l'homme de la pampa, l'homme proche de la nature, l'homme...

Je suis intervenue pour qu'Emmanuelle, ma meilleure amie, cesse ses grands discours inquisiteurs.

— N'oublie pas de prendre une photo, je veux absolument voir à quoi il ressemble, a-t-elle lancé en bondissant sur le lit de ma chambre. D'ailleurs, tu ne m'as jamais parlé de ce type avant la semaine dernière.

Elle s'est roulée sur le matelas avant d'enfoncer ses doigts dans ses sublimes cheveux frisés. Je me serais damnée pour avoir une telle chevelure, brillante, étoffée, sensationnelle. Au lieu de cela, ma crinière terne et sèche cassait à chaque coup de brosse. Il fallait dire que je l'avais maltraitée par le passé.

— Encore une touffe de cheveux noirs qui se barre.

— Toujours mieux que des cheveux blancs ! a répliqué mon amie en tournant la tête dans ma direction.

Ses petits yeux ronds fatigués me dévisageaient.

— Qui y a-t-il ?

— Rien, a-t-elle répondu. Je n'ai plus le droit de te regarder sans raison ?

— Dix-huit ans d'amitié. Je te connais trop bien pour savoir que tu tais l'une de tes pensées. Sois franche, vide ton sac. Je t'écoute.

Dans mon entourage, Emmanuelle, brunette parfois insolente, était la seule à me faire part de ses avis sans les atténuer. Elle s'adressait à moi sans prendre de gants. Bien sûr, quand elle me voyait basculer, broyer du noir, elle savait nuancer ses propos tout en parvenant à se faire comprendre et entendre.

Je l'avais rencontré pour la première fois à l'école, au CP. Avec ses parents, elle venait tout droit de la Guadeloupe. Le choc d'un hiver rude avait eu raison de son sourire. Dans son coin, la petite demoiselle à couette pleurait. Ses sanglots brisaient mon cœur d'enfant. J'en avais parlé à ma sœur qui avait cafeté aux parents qui s'étaient donné pour mission de se rapprocher d'une famille nouvellement arrivée à Ville Franche. Ils se trouvaient un chouïa dépaysés et ne connaissaient personne. Nous les avions accueillis à bras ouverts. C'était encore la bonne époque, une période faste en rire et en joie de toutes sortes.

— Je risque de poser les questions qui fâchent.

J'ai réfléchi.

Plus que quelques heures avant mon rendez-vous avec Marin, autant mettre toutes les chances de mon côté et ne pas me retrouver de mauvaise humeur.

— Tu as raison. Garde ton avis pour toi, tout du moins pour ce soir.

— Hé ! C'est la première fois depuis longtemps que je te vois aussi enthousiaste. Un enthousiasme mesuré... toujours mieux que rien !

— Je crois que j'apprécie l'idée de prendre l'air et de me mêler à la foule.

Emmanuelle s'est redressée sur le lit duquel elle s'est élancée pour me sauter au cou. Cette femme était d'une énergie à toute épreuve. Un vrai cabri.

— Mon petit doigt me souffle que le seul à l'origine de ton humeur, mieux lunée qu'à la normale, est notre cher Marin. Quand vais-je le rencontrer ? J'ai l'impression que tu passes plus de temps chez lui que chez moi. À chaque fois que je t'envoie un message, tu es en sa compagnie. Souvent en fin de journée, d'ailleurs, a-t-elle joué des sourcils en m'enlaçant avec douceur. Je te sens stressée. Je te donne un peu de force, a-t-elle murmuré en m'étreignant un peu plus fort, de quoi me procurer un bien fou.

— Tu crois que cette robe fera l'affaire ? l'ai-je interrogée en m'étudiant dans le miroir.

— La robe pull noir est un indémodable. Elle ne dévoile pas grand-chose, mais suggère beaucoup. Nous savons toutes les deux que la séduction est avant tout une question de suggestion, non ?

Bleu Magnétique (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant