Fermes les yeux

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Les jambes tremblantes, je m'étais hissée de l'autre coté de la rambarde. Les gens autour de moi avaient commencé à s'arrêter pour m'observer d'une drôle de façon. Je n'y fis pas attention et glissais un regard vers le bas, mauvaise idée. Me reprenant tout de suite. Je repensais à l'oiseau que j'avais observé il y a quelques jours, son beau plumage et ses ailes bien dépliées. Faisant de même avec mes bras, quelqu'un derrière moi cria :

- Ne bouges plus petite !

Qu'est ce qu'il s'imaginait, que j'allais l'écouter gentiment ? Surement pas après ce que les adultes avaient voulu me faire croire. Et, inspirant une dernière fois l'aire frais, je me penchais un peu plus en avant. Je fis un pas dans le vide, puis tout alla très vite :

Je basculais dans le vide mais des bras me retinrent fermement. Je me débâtais et tachais de me soustraire à la poigne de fer qui avait attrapé mon poignet. Je tortillais mon bras, une fois, deux fois, l'homme grogna, trois fois, il lâcha. Ma robe se souleva dans ma chute et mes cheveux planèrent. Durant un instant je crus m'envoler. Des bourrasques de vent me passaient partout. Autour de moi et les gens criaient. En bas, les voitures filaient à toute allure et je m'en approchais dangereusement. La peur me fit fermer les yeux et alors que je devais toucher le sol, ma chute s'éternisa. Je me mis alors à compter : Un, Deux,Trois... Toujours rien, je continuais de tomber encore plus bas. Le vent s'engouffrait partout et ma chute s'éternisa. Je fermais les yeux en espérant la ralentir d'avantage. Après de très longues secondes, je me risquais enfin à regarder ce qu'il y avait autour de moi. Je me rendis compte que tout était silencieux et blanc tel du coton enrobant chaque partie de mon petit corps frêle.

J'avais imaginé plusieurs fois marcher sur un nuage et je crois que c'est ce qui s'en approchait le plus. La douceur me berçait et amortissait le moindre de mes mouvements, le plus infime soit-il. Je me questionnais malgré la fatigue qui progressait en moi tel un ver dans un fruit. Ou me trouvais-je ? Papi m'avait-il attrapé ? Avais-je volé ? D'une toute petite voix, je me fis entendre :

- Je ... je suis là !

A qui je m'adressais ? Qui me répondrait ? Tant d'interrogations sans réponse, pas une seule ...

J'étais bien décidée, je ne bougerais pas d'ici.

Les heures passèrent et... toujours rien. Quand soudain j'aperçus une silhouette au loin.

Je me mis debout tant bien que mal. Il n'y avait ni haut, ni bas, aucuns repères. La silhouette était restée immobile et semblait m'observer. Je levais les yeux vers elle et susurrais du bout des lèvres :

- Papi ?

Mais rien ne répondit à ma question car la silhouette avait disparue.

Je ne voulais pas être à nouveau seule, non plus jamais je ne voulais être abandonnée par quelqu'un. Alors, dans un élan, je me mis à courir, à toute vitesse. Je n'avais plus de force mais j'utilisais ma colère; ma peur, ma douleur, ma tristesse, ma détermination et ma détresse. J'étais à bout, au bout de ma vie, au bord des larmes. Il n'y avait personne, personne pour moi, pour me prendre dans ses bras, me réconforter et me dire que tout allait s'arranger. Décidément rien n'allait plus, qu'avais-je fais pour en arriver là ?

Les questions se bousculaient dans mon esprit pour ne former qu'un amas de pensées incohérentes. Épuisée, les jambes tremblantes, je m'arrêtais à bout de souffle et tentais de calmer les larmes qui menaçaient de me submerger à chaque instant.

En vain. Elles dévalèrent mes joues comme une rivière dévale les flancs d'une colline. Ma respiration saccadée et irrégulière m'empêchait de reprendre ma course folle. Alors je restais là, sans rien dire, secouée par de violent sanglots qui ne s'arrêtaient plus.

La disparition de PapiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant