Ma Lumière Dans La Pénombre

Chapitre 4 - ELLE

Mon ancien meilleur ami est là, face à moi et ne semble pas trouver les bons mots ou bien la force pour me parler. Il était devant chez moi son regard planté dans le mien, muet. Il fait un pas vers moi, puis la minute d'après il me serre dans ses bras.

"Emi, je suis tellement désolé, si tu savais."

Je renifle son odeur et mes yeux se ferment pour profiter de ce moment. Moi, qui ai réfléchi à toutes les manières de l'envoyer balader ces trois dernières années, je me retrouve dans le même état que lui quelques secondes auparavant, incapable de dire quoi que ce soit sans être sûre que mes larmes ne couleront pas le long de mes joues.

"Tu es l'une des personnes qui comptent le plus à mes yeux Emilia, et malgré tout ce que tu peux penser aujourd'hui, je n'ai cessé de m'inquiéter pour toi, durant ces trois années."

En quelques instants, ma tristesse se transforme en colère suite à ses paroles. C'est trop facile de revenir aujourd'hui me dire ça alors qu'il a été absent tout le long. Je le pousse, affrontant à nouveau son regard attristé.

"Tu aurais pu venir me voir, m'écrire ou même m'appeler, c'est ce qu'aurait fait un vrai meilleur ami, non ? Tu as fuis. Tout ce que tu me rabâchais à longueur de journée, c'était des conneries, on était pas une équipe toi et moi, on l'a jamais été. C'est bien beau d'être venu chez moi prendre des nouvelles, mais c'est pas mes parents, ni mes frères qui avaient besoin de réconfort, c'était moi." Je lui lance d'une traite tout ce que j'ai sur le cœur, les larmes aux yeux espérant secrètement qu'il me contredise.

"Je ne savais pas comment réagir. C'est vrai, toute cette histoire est en partie à cause de moi. Je ne pouvais pas venir te voir comme si de rien n'était. Tu as raison, on était pas une simple équipe, t'es bien plus Emilia." souffle t-il, le regard baissé vers le sol. " Rien de ce que je pourrais te dire, ne pardonnera mes actes, j'aurais dû être là pour toi et c'est vrai, j'ai été lâche et j'ai fuis mes responsabilités, mais laisse moi me rattraper." Il me tend son petit doigt, chose que l'on faisait à l'époque lorsque l'on se disputait, pour se pardonner et se promettre de ne plus refaire la même erreur. "J'ai besoin de toi dans ma vie Emilia."

Je ne peux pas dire que ses paroles ne me touchent pas, ce serait me mentir à moi-même. Evan a toujours eu une place très importante pour moi et pour ma famille d'ailleurs, on était presque comme des faux jumeaux, toujours ensemble, toujours le sourire, on s'entendait si bien. Lorsqu'on a rencontré les autres, nous ne nous sommes jamais éloignés, nous étions toujours les mêmes et nos amis savaient bien que nous étions indissociables l'un de l'autre et que nous nous défendrions toujours quoi qu'il advienne. On était sûrement le duo le plus solide de la bande, une amitié sincère. Le brun et l'ancienne blonde sont aujourd'hui réunis et malgré ma colère et ma tristesse envers lui, je ne peux qu'admettre que ce lien qui à l'époque nous liait n'a pas disparu. Je lui en veux, c'est plus qu'évident, mais malgré moi je n'ai qu'une envie, le prendre dans mes bras et tout oublier et c'est d'ailleurs ce qui se produit.

Mes bras se verrouillent autour de lui et un sourire se forme sur mon visage lorsque je reconnais son parfum. Il me caresse le dos et pose un baiser sur mon front, avant que je ne niche mon visage au creux de son cou, comme pour m'assurer qu'il est vraiment là et que ce n'est pas un rêve.

"Tu m'as tellement manqué." me murmure t-il, en me soulevant du sol.

Je lâche un petit rire, et lui pose un bisou sur la joue. Lorsqu'il me repose, c'est comme si un bout de moi-même qui m'avait été volé vient de m'être rendue, je me sens à nouveau complète, forte et prête à affronter mon passé. Nous asseyons sur les marches, puis il m'avoue que c'est, comme je m'y attendais, son grand-père qui l'a prévenu de mon retour et qu'il a pris le chemin jusqu'ici dès qu'il l'a su.

"J'ai croisé Célia au café de son père, quelle hypocrite celle-là."

Mon meilleur ami lâche un petit rire et me regarde du coin de l'œil.

"Oui, elle travaille là-bas maintenant, elle a raté son année et a arrêté ses études l'année après l'accident."

J'hoche la tête, un brin satisfaite de son échec, puis je ne peux m'empêcher de lui demander s'il a des nouvelles des autres.

"Du peu que je sais, Robin a été, lui aussi, embauché par son père dans son entreprise. Maxwell fait encore ses études dans la fac de droit où vous étiez, il a redoublé une année. Les autres, je n'ai aucune information et puis je n'ai pas cherché à en avoir."

Je le remercie d'avoir répondu, même si cela ne m'apporte rien de savoir tout cela, puis repose pour regard sur lui. Le jeune garçon turbulent que j'ai connu a bien grandi, même si physiquement il n'a pas l'air d'avoir changer, sa petite barbe de trois jours étant la seule chose qui ait apparu, il a l'air beaucoup plus mature que trois ans en avant.

"Et toi, tu as réalisé ton rêve ?"

Je comprends rapidement quand un sourire fier prend place sur son visage. Il a réussi. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, au moins l'un de nous deux aura réalisé son vœux.

Depuis tout petits, nous avions deux objectifs bien distincts. Je voulais devenir une avocate réputée dans tout le pays tandis que lui, souhaitait ouvrir sa propre école de musique étant lui même un grand passionné.

"Emilia, Evan, à table !" nous appelle ma mère, en ouvrant la porte d'entrée. Nous nous regardons puis nous nous précipitons dans la salle à manger afin de déguster ses merveilleux plats dont seule ma mère a le secret.

Une fois tout le monde installé à table, et les assiettes bien remplies, nous nous mettons à manger tout en se remémorant le bon vieux temps, et je ne peux m'empêcher de jeter des petits coups d'œil à Evan lorsque mes parents font référence à nos bêtises d'enfants, nous faisant parfois éclater de rire. Malheureusement ce moment est vite coupé par ma mère et ses nombreuses interrogations.

"Emilia, tu sais qu'il va falloir qu'on en parle." me lance ma mère, une phrase rempli de sous-entendu mais que tout le monde assis à cette table comprend très bien.

Je lâche un soupire, frustrée que ma mère ait décidé de gâcher ce bon moment.

"Mais bon sang Emi ! Tu aurais pu sortir bien plutôt si seulement-" s'exclame ma mère en haussant le ton.

"Si seulement j'avais accepté ta proposition ? Mais merde, j'ai pas juste rouler sous état d'ébriété, j'ai tué une femme putain ! Je crie folle de rage sans la laisser terminer sa phrase. Je me lève de table seulement quelques minutes après m'y être installé et décide de sortir prendre l'air.

Ce retour à la normale est beaucoup trop éprouvant pour moi. Seulement deux semaines après être sorti, j'ai déjà eu deux face à face avec des personnes de mon passé, et voilà que maintenant je dois supporter les plaintes de ma mère par rapport à mes choix.

J'allume une cigarette et mon cœur qui battait très rapidement recommence à prendre un rythme régulier. Je soupire puis marche tout en observant les étoiles. Je savais que ça n'allait pas être évident de revenir trois ans après et de reprendre ma vie, mais je ne m'attendais pas non plus à ce que soit aussi difficile.

"Emi !" Hurle une voix derrière moi, que je reconnais immédiatement. Lorsqu'il arrive à mes côtés, il ne dit rien et m'accompagne sans même savoir où cette promenade va nous mener.

Quelques instants plus tard, nous arrivons à l'entrée du petit parc où je m'étais posé un peu plus tôt avec mon frère. Nous nous installons tranquillement sur le banc que nous fréquentions tout les soirs, quelques années en avant, et nous nous mettons à discuter de tout et de rien, comme si nous ne nous étions jamais quitté.

Il faut avouer que ces moments m'avaient terriblement manqué. Mon meilleur ami m'avait terriblement manqué.

"Tiens tiens, on laisse des tueuses en liberté maintenant."

Mon souffle se coupe à l'entente de cette phrase et de cette voix. Je ne pensais pas le revoir aussi tôt. Laissez moi retourner dans ma cellule.