-Par mon boxer petit bateau ! je m'exclame dans un hoquet.
-Oula.
-Mais regarde !
-Non merci. Je sais à quoi ressemble un slip.
Je lève les yeux au ciel et pointe le sol du doigt.
-Notre petit Univers est en train de se modifier ! Y a des putains de fleurs en train de pousser.
De ses yeux verts, je le vois scruter le sol parsemé de quelques fleurs encore timides et de la profusion de bourgeons en train d'éclore, pendant que moi, incapable de rester stoïque, je sautille de joie.
-Ce sont des muguets et des chrysanthèmes.
-Alors comme ça t'es botaniste à tes heures perdues ? je le taquine.
-Non. Mais je connais ces fleurs. Elles ne poussent pas ensemble normalement.
-Et pourtant ! Aujourd'hui elles ont décidé de s'unir.
Je me penche et cueille une fleur.
-Tu viens d'assassiner un muget.
Je lève les yeux au ciel, excédé par toute sa poésie.
-Eh oh ! Il a rien senti et puis, derrière lui poussera un encore plus joli muget ! T'inquiète paupiettes.
-Mais est-ce que c'était vraiment nécessaire ?
-Yep.
Je le tends à mon ami et lui offre le muguet.
Celui-ci fronce les sourcils.
-Nous ne sommes pas le 1er mai, si ?
-Peu m'importe. Je veux t'offrir cette fleur, elle symbolise le bonheur.
Il secoue la tête tout en prenant la petite fleur, sans me toucher, entre ses doigts pâles.
-Elle te symbolise toi.
-Dis pas merci surtout ! Je savais pas que monsieur le Bernard-l'hermite était, en fait, aussi mal poli qu'une huître ! je m'écrie sans relever ce qu'il vient de dire.
Mon ami sourit alors et me remercie, les yeux émus par une émotion dont lui seul a le secret.
Nous décidons finalement de marcher au milieu des fleurs et alors que nous marchons, je l'interroge à nouveau :
-Bon, si tu n'occupes pas ton temps à faire de la botanique... Que fais-tu pour faire passer le temps, alors ?
-Alors... Je regarde les gens.
Il s'arrête de parler pour réfléchir à ce qu'il va dire, puis reprend :
-En fait, je crois que je passe mon temps à le faire. Observer les gens à leur insu, sans être vu. Parce que, quoi qu'on en dise, c'est qu'ils sont vachement intéressants, les gens.
-Pourquoi sans être vu ? Ça fait un peu vieux stalker pervers tout ça...
-C'est juste... En général les gens ne m'aiment pas. Autant qu'ils ne me voient pas, donc. Je ne cherche pas à les déranger... simplement à les aimer. Ce n'est pas grave si cela signifie les aimer de loin.
-Pourquoi ils ne t'aiment pas ? je demande, carrément surpris.
Il baisse la tête pour regarder sa fleur qui me paraît plus terne que quand je l'ai cueilli.
-Je ne parle pas beaucoup et puis, quand ils me voient, ils voient ce qu'ils ne veulent pas voir. Enfin, la plupart du temps.
-Les gens sont bizarres.
-Je peux les comprendre, moi.
-Vraiment ?
Il me regarde un instant puis baisse à nouveau la tête comme un enfant gêné, ou comme un vieux avec un lourd secret sur les épaules.
Et tout le reste de notre petite promenade, il ne dit plus un mot. Il n'y a plus que moi pour lancer des remarques que j'espère drôles afin de combler le silence.
Et au fil de la nuit, le petit muguet cueillit plus tôt semble pris d'un vieillissement accéléré. Ça finit par le rendre tout gris puis, il disparaît dans l'air sans laisser de trace.
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Mes Mouchoirs de Papier
Short StoryVous allez peut-être être surpris mais une nuit, un visiteur a pénétré mes rêves et tout s'y est vu chamboulé. Ici, mon Univers s'est remis en question et avec lui, l'absence de certitudes est devenue tenace. Comme une seconde peau, j'ai revêtu la p...