Pourquoi es-tu triste ?

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-Pourquoi est-ce que tu es triste ?

-Pourquoi est-ce que tu es joyeux ?

-Parce que... J'ai observé le monde et j'y ai vu l'existence ! Et toi ?

-Parce que j'ai observé le monde et j'y ai vu l'absence.

Je me tourne vers lui, un peu surpris.

-L'absence de quoi ?

-D'espérance je crois bien. Et aussi... Aussi de ce besoin d'existence. Ce besoin d'existence qui conduit l'humain à tout faire pour vivre heureux et comblé, pour mourir dans la paix, sans regret et sans absence...

Je tente de tresser mes longs cheveux Soleil qui commencent sérieusement à m'agacer tout en méditant les mots de mon ami.

-Je ne suis pas d'accord. Moi, j'ai vu l'existence dans la plus brutale de ses fantastiques imperfections. J'y ai vu des gens luttants pour trouver le bonheur, j'y ai vu des gens cherchant à instaurer une paix équitable pour tous. Des gens chercher une existence meilleure pour leurs enfants et les enfants de leurs enfants !

-Tu es un bien bel observateur... L'observateur de l'Optimisme, se moque-t-il d'un air désolé.

Je me tourne vers mon ami et laisse tomber mes longs cheveux infatigables en cascade dorée sur mes oreilles :

-Je ne vais pas te mentir, c'est vrai, le monde est imparfait et encore rempli d'absence ! C'est chiant. Mais le monde lutte. Il lutte de toutes ses forces pour arranger les choses. Et tant qu'il y aura de ces gens pour lutter, il y aura des gens pour combler l'absence. L'absence est une fragmentation, l'absence... se reconstruit.

Il me fixe de ses yeux verts et semble ému par de telles paroles.

-J'aime tes mots.

-Moi aussi, j'aime tes maux.

Nous nous regardons parce qu'après tout, autour de nous, il n'y a que le néant des choses qui se sont oubliées. Et en nous, résonne l'abondance de ce que l'on ne veut pas encore révéler, mais qui ne saurait tarder à l'être !

-Bon alors ? Pourquoi es-tu triste ? Je veux la vraie raison, moi !

-Car les âmes me traversent et s'entrechoquent en moi. J'y garde... le souvenir ? Leur souvenir. Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire.

Sous le coup de la surprise je m'exclame :

-Depuis quand tu nous cites du Gustave Flaubert, toi ?

Les yeux de mon ami brillent intensément, comme ceux d'un enfant, et il hausse les épaules.

-En tout cas, c'est sûr, t'es pas Flaubert.

-Et pourquoi ça ? m'interroge-t-il.

-T'as pas sa calvitie.

Je pointe sa tête de mon index tandis que lui, grimace.

-Coup dur pour Flauflau.

Nous sourions une dernière fois cette nuit avant qu'il n'enfonce ses mains dans ses poches et me tourne le dos, disparaissant ainsi dans notre monde tout noir.

Pour être totalement honnête avec moi-même, je n'ai pas compris sa réponse à ma question et sûrement que je ne la comprendrai jamais. C'est très frustrant !

Mes Mouchoirs de PapierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant