Chapitre 4

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- Où as-tu appris cette musique !

Etant donné que je ne comprends pas sa réaction, je réponds le plus honnêtement possible.

- Je, heu, je l'ai entendu en rêve.

Comme elle ne répond pas, je lui demande d'expliciter ses pensées, puis elle finit par me dire que cette mélodie que je venais de jouer, était l'unique composition de ma grand-mère, cette même composition qu'elle avait présenté aux jurys pour son entrée au conservatoire le plus réputé de la région. Elle a ensuite ajouté que c'était totalement improbable que j'ai pu jouer cet air, car l'œuvre de Mamie n'avait jamais été diffusé nulle part, et qu'aucune trace écrite de cette partition n'avait été retrouvée. Notre discussion s'achève suite au téléphone qui sonne. Maman m'explique qu'elle n'ira pas travailler à cause des chutes de neiges la nuit précédente, alors elle décide de d'aller réveiller mes sœurs pour les emmener se promener, tandis que moi je préfère rester ici.

Une fois que je me retrouve seule, je remarque une atmosphère étrange qui enveloppe la maison, c'est une sensation très douce et apaisante. Je me remets alors à jouer du piano, je mets tout ce que j'ai dans cette interprétation de la création de ma grand-mère, et à la fin du morceau, je suis essoufflée de l'intensité que j'y ai mis.

Aussitôt après la fin de la dernière note, je sens un courant d'air frais passer à proximité, je me sens étrange, j'éprouve une sensation que je n'avais jamais connu au paravent. Je regarde autour de moi, me sentant observée, mais ne trouvant rien, je pars à la cuisine me chercher de quoi boire. Une fois dans la cuisine et le dos tourné, j'entends le piano sonner, alors je me dis que c'est sans doute le chat des voisins qui est entré par une fenêtre, alors je passe à autre chose, mais très vite, d'autres notes sonnent de plus en plus rapidement et fluidement, ce qui donne au final la mélodie de Mamie. Choquée je lâche mon verre par terre, où celui-ci se casse, et me précipite voir comment est-ce possible.

Je m'effondre au sol en pleur en découvrant ce que je vois. Mamie est là, assise sur son siège de piano où je me tenais également il y a quelques minutes, et elle joue sa propre composition, puis elle tourne la tête vers moi, et j'aperçois son doux visage qui se demande pourquoi je pleure. Elle s'approche de moi et me prend dans ses bras, jusqu'à ce que je me rende compte que je ne peux pas la toucher car ce n'est que son esprit. Elle englobe mon visage de ses mains invisibles puis elle me promet qu'elle m'aime, que tout va bien, qu'elle a toujours été là pour veiller sur moi, et qu'elle continuera de le faire tout le temps que j'en aurai besoin. Elle me dit aussi de ne parler de ça à personne, et qu'apparaître en rêve était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour me faire passer des messages.

 Elle me dit de rester forte pour aider Maman et mes sœurs dans la vie, et de surtout profiter de chaque instant sans se prendre la tête avec le genre de questions que je me pose souvent.

Alors que nous pleurons maintenant toutes les deux, elle commence à s'évaporer, comme dans mon rêve.

Avant qu'elle ne disparaisse complètement, nous nous échangeons nos derniers sourires, et nous nous disons à quel point nous nous aimons. Quand elle a disparu entièrement, je me remis à pleurer encore plus, pour tout un tas de raisons. D'abord parce que j'ai vu pour la première fois ma grand-mère, ensuite parce qu'elle est déjà repartie et que je n'ai pas eu le temps d'en profiter pleinement, et puis parce que ça m'a libéré de savoir qu'elle m'aime, et de l'entendre de sa propre bouche.

Maintenant que j'ai repris mes esprits, je m'allonge sur le tapis du salon et respire lentement.

En y pensant, c'est de ma Mamie que je manquais le plus dans ma vie, maintenant que je l'ai rencontré et que nous nous sommes dit l'essentiel, je me sens totalement heureuse et reconnaissante de ma vie, mon vide s'est rempli par l'amour qu'on me porte, je ne crains plus rien ni personne, et je peux me sentir enfin libre d'être moi-même.

L'âme du pianoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant