ÉPILOGUE

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Ces trente dernières années, les progrès de la médecine, en particulier de la génétique et des neurosciences, ont été tels que la France s'est dotée en 1982 d'un Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) dont les travaux ont donné naissance aux premières lois de bioéthique de 1994. Ces lois ont été régulièrement actualisées et, parfois même, remises à plat en fonction de l'évolution de la recherche et des ouvertures qu'elle proposait. Encore aujourd'hui, ce comité émet régulièrement des avis, comme celui de 2013 spécifique aux « neuro-améliorations » (voir avis CCNE n° 122 dans les sources en fin livre) et à leurs dérives potentielles. Les neurosciences ont fait des avancées importantes grâce à l'imagerie médicale, qui a permis de comprendre les zones du cerveau impliquées dans les diverses activités humaines, la mise au point de nouveaux médicaments, plus puissants et ciblés, et la neurochirurgie, aidée par la précision des robots.

Mais elles ont aussi fait des avancées notables grâce aux progrès des microprocesseurs, de leur miniaturisation et de leur puissance de calcul. Ainsi, la limite entre « soin des personnes malades » et « augmentation des capacités humaines » est devenue ténue. La tentation est grande, par exemple, de manipuler les esprits dans un but mercantile ou politique, de créer des soldats améliorés par les biotechnologies pour les rendre plus performants au combat, ou bien, peut-être un jour, de créer des « citoyens zombies » contrôlables à souhait au sein d'une dictature. Alerté en permanence par le CCNE, l'Office Parlementaire Français surveille de près tous les travaux de recherche dans ce domaine et évoque « la tentation de modifier l'espèce humaine en augmentant les capacités de certains individus privilégiés et informés » ou « l'utilisation des neurosciences dans les techniques de manipulation à des fins commerciales et prédictives du comportement des consommateurs », ou encore « les dévoiements [possibles] de la gestion de l'interface homme/machine. » (Extrait de l'article RMS 152 — voir les sources en fin de livre).

Pour bien comprendre où nous en sommes aujourd'hui, et pourquoi les parlementaires surveillent de près ce domaine, il faut remonter quelques années en arrière, aux travaux du professeur José Delgado. Né en 1915 à Ronda en Espagne, il a étudié la médecine à Madrid où il a été professeur associé de physiologie. Il rejoint ensuite l'université de Yale, en 1950, pour travailler sur la lobotomie. Il y a expérimenté, chez l'animal puis chez l'homme, la stimulation électrique du cerveau (l'E.S.B. = Electrical Stimulation of Brain) et la lecture de certains signaux. Stimulation et lecture étaient alors réalisées grâce à des électrodes implantées dans des parties précises du cerveau et reliées par des fils à un circuit électrique externe. En raison de problèmes d'hygiène et d'autonomie, Delgado a mis au point un système radio-contrôlé qu'il a nommé le « stimoceiver ».

En 1952, il écrit son premier article sur le sujet. Il y affirme que « le transmetteur peut rester dans la tête d'une personne durant toute sa vie. L'énergie pour le faire fonctionner est transmise par des ondes radio », il fait peut-être référence ici à l'induction électromagnétique. En stimulant différentes régions du cerveau, il parvient à contrôler des animaux comme des « jouets électriques ». En pressant différents boutons, il peut faire ouvrir et fermer les yeux à un singe, lui faire tourner la tête, bouger la langue et les lèvres, provoquer un grognement, le faire éternuer, bailler, augmenter ou diminuer fortement la quantité de nourriture consommée, le faire tomber en sommeil profond ou le maintenir éveillé, modifier son rythme cardiaque... (Extrait de l'article Wikipédia — voir sources).

Delgado fait également des expériences sur des humains et réussit à forcer quelqu'un à plier les doigts contre sa volonté. Il découvre également que toute une gamme d'émotions et de comportements peut être électriquement provoquée chez les humains et les animaux : l'individu n'ayant pas la capacité de résister à un tel contrôle stimulé électriquement. Dans une célèbre expérience menée en Espagne (1963), le Dr Delgado est confronté à un taureau de 1000 livres. Alors que la bête à cornes se précipite vers lui avec agressivité, le Dr Delgado utilise un signal radio pour activer une électrode implantée profondément dans le cerveau de l'animal, et le taureau stoppe net aux pieds du Docteur.

Les flammes du Crépuscule    (Dans l'ombre du Crépuscule - Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant