10 décembre 2013, 10 h 05, dans les environs de Tonnerre.
Le ciel était limpide, ce jour-là, d'un gris bleufroid et sans profondeur comme il l'est souvent en hiver. Le soleil rasait lescollines et ses rayons faisaient scintiller comme des diamants les myriades decristaux de glace sur le sol et sur les branches nues des plantes. L'air quisortait du nez et de la bouche se transformait immédiatement en une buée blancheet bien dense, avant de s'évaporer à quelques centimètres du visage. Accroupientre deux rangées, un homme taillait sa vigne et vérifiait les fixations deses ceps en prévision de la saison prochaine. Ses cheveux poivre et sel, sataille mince et élancée, son visage long et rectangulaire lui conféraientplutôt des airs de Don Quichotte que de viticulteur bourguignon. Il est vraiqu'il n'exerçait ce métier que depuis quatre ans : il n'avait pas encoreeu le temps de s'arrondir comme la plupart de ses confrères, amateurs de bonnechère et de bons vins. Auprès de lui, trois ouvriers taillaient les ceps dans les rangées adjacentes. Un quatrième, en arrière, changeait les piquets cassés et réparait les fils endommagés. En hiver, le travail ne manquait pas dans la vigne et les cinq hommes s'activaient malgré le froid qui leur mordait la peau et engourdissait leurs extrémités. De temps en temps l'un d'eux se redressait, s'étirait, sautillait sur place pour dégourdir ses jambes et faire circuler son sang, puis allait prendre une tasse de café chaud dans le camion garé au bout de la parcelle, avant de reprendre son travail.
Ce fut José, le contremaître qui changeait les piquets, qui remarqua le premier la fourgonnette noire sur la départementale en bas du coteau. Elle s'arrêta dans le virage, sembla hésiter un long moment, puis recula et s'engagea enfin dans le chemin qui montait à leur parcelle. José fit signe à son patron que quelqu'un venait les voir. Jules se redressa lentement pour éviter l'étourdissement et, du haut de son mètre quatre-vingts, observa le véhicule grimper en dandinant sur le chemin de terre bosselé. Le noir de la fourgonnette ne lui disait rien de bon, pas plus que les deux silhouettes sombres à l'avant. Le sécateur électrique à la main, il remonta la rangée pour accueillir les visiteurs.
La fourgonnette s'immobilisa à quelques mètres derrière son camion et l'homme en costume anthracite, assis du côté passager, en descendit prestement. Ses chaussures noires, parfaitement cirées, atterrirent sur une marre de boue gelée, juste en dessous de sa portière. La fine pellicule de glace se brisa d'un coup et projeta l'eau sale jusque sur son bas de son pantalon. L'homme fit la moue en regardant l'état de ses souliers et de son costume. Puis, feignant d'ignorer l'incident, il s'avança vers Jules d'un pas décidé en lui tendant la main :
— Commissaire Lanvin, je suppose ?
— Non, seulement Monsieur Lanvin », corrigea Jules tout en lui serrant brièvement la main. « Je ne suis plus commissaire depuis quatre ans maintenant. Je m'occupe de ma vigne, comme vous le voyez.
— Oui, c'est exact... » L'homme jeta un rapide coup d'œil aux quatre ouvriers, un peu plus loin, qui s'étaient arrêtés de travailler pour les observer. Il revint vers Jules. « Je suis le commandant Dumoulin de la DCRI. Y aurait-il un endroit où nous pourrions nous entretenir tranquillement ?
— Nous pouvons parler ici, dit Jules. À part les oiseaux et les renards, personne ne nous entendra.
— Il y a vos ouvriers... Et puis, je préférerais un endroit plus agréable pour parler, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je viens de me farcir trois heures de route dans ce tape-cul immonde et je n'aurais rien contre un bon fauteuil et un café chaud.
— Nous sommes en plein travail, ici, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué », rétorqua Jules, sèchement. « Il faut préparer la vigne avant le retour du printemps, changer les piquets et les fils cassés, tailler les ceps... On a plusieurs hectares à faire... Je n'ai pas vraiment le temps de bavarder.
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Les flammes du Crépuscule (Dans l'ombre du Crépuscule - Tome 2)
AcciónLa vengeance est un plat qui se mange... brûlant ! Et le Crépuscule est enfin prêt à cracher ses flammes sur le monde. Cela fait quatre longues années que Claudia rumine sa vengeance et son plan est désormais au point : d'un côté elle va faire paye...