C'est après une journée de travail fatigante que Bill décida d'enfin fermer les yeux et profiter d'un repos bien mérité. Il s'endormit presque instantanément mais rouvrit les yeux dans le courant de la nuit, alors qu'il se sentait mal installé et qu'il gigottait de gauche à droite pour trouver son confort. Il remarqua que Marie, sa compagne, n'était pas là. Habituellement, elle était toujours bouillante et réchauffait beaucoup trop le lit. Pas de doute, il faisait bien trop frais. La couette était absente elle aussi. Bill ressentit cette désorientation qui nous prend parfois au réveil et qui ne cesse qu'à l'instant où l'on ouvre les yeux. C'est ce qu'il fit. Il peina à trouver un l'éclairage suffisant pour reconnaître sa chambre à coucher. Il tâtonna du bout des doigts pour trouver l'interrupteur de sa lampe de chevet. Il sentit la rugosité d'un mur sans revêtement ni peinture. Pris d'un court élan de panique, il se redressa et laissa à ses yeux endormis le temps d'accommoder, ce qu'ils ne firent pas. Il était au sol. Il sentit que son lit avait disparu, tout comme sa table de nuit, sa lampe de chevet, ses vêtements de nuit et peut être l'intégralité de sa chambre.
Il se releva, nu, et tâtonna sur le mur le plus proche. Il posait lentement un pas après l'autre et s'attendait chaque fois à heurter quelque chose, un meuble, un mur. Rien. Il se déplaça plus vite. Toujours rien. Puis il décida de quitter le mur contre lequel il était appuyé pour marcher dans la direction opposée. Il fit d'abord un pas, puis un deuxième. Il entamait tout juste son troisième pas quand il heurta un second mur. Bill se mit à nouveau à tâtonner contre le mur pour trouver un coin ou une arrête quelque part et se recréer une représentation mentale de la pièce. D'abord à gauche, rien. Puis à droite, rien non plus. Sa vue ne s'éclaircissait pas malgré qu'il fût réveillé depuis une bonne minute. Il fut clair que Bill se trouvait dans un couloir. Il se demanda où il était, et comment il était arrivé là. Il s'immobilisa et repensa à sa soirée. Il se souvint être rentré chez lui et ne pas en être ressorti jusqu'à l'heure du coucher. Il ne se souvint pas avoir déjà été somnambule mais il y avait un début à tout. L'idée ne fut pas rejetée. Son appartement ne contenait pas de couloir, il pensa être sur le palier, en dehors de son appartement mais il ne sentait pas la moquette au sol et ne trouvait pas les témoins lumineux indiquant les sorties de secours ou la minuterie. De plus, il aurait senti qu'il passait devant une porte, ou une irrégularité quelconque. Après réflexion, impossible d'avoir la moindre idée d'où Bill pouvait se trouver. Il ne céda pas à la panique qui frappait à sa porte. Bill était un individu rationnel et pensa tout à fait justement qu'il suffisait de marcher sans s'arrêter et qu'il finirait bien par trouver une limite au couloir dans lequel il se trouvait. Il entreprit de se placer au centre du couloir, les bras tendus, le bout des doigts de chaque main en contact avec les deux murs et d'avancer dans un sens. Il fit quinze pas lentement. Certain qu'il atteignait les limites de la pièce, il lança ses bras devant lui, comme pour anticiper une collision proche. Il trébucha vers l'avant, surpris par le vide qui continuait de s'étendre, et fit trois grands pas pour se rattraper. Il repositionna ses bras sur les cotés et continua d'avancer plus rapidement. Il marcha quelques dizaines de secondes, une minute peut être, à une cadence presque soutenue. L'obscurité totale devenait très gênante et psychologiquement écrasante.
Bill perdit son sang-froid et se mit à courir. Ce fut sa façon de se débattre, de baisser les bras, de céder exceptionnellement à la panique pour retrouver un peu de lumière. Il ouvrait parfois les yeux un peu plus grands et se créait des illusions de flash lumineux qui lui laissaient penser, le temps d'un instant, qu'il avait enfin trouvé ce qu'il cherchait. Il s'arrêta finalement, fatigué. Il s'assit d'abord, puis s'allongea sur le ventre, la tête à l'intérieur des bras. Il pensait qu'ainsi, il réinitialiserait son réveil, qu'il se réapproprierait l'obscurité. Puis il laissa son cœur se calmer et se remit en route, en trottinant. L'incompréhension de sa situation ainsi que l'invraisemblance d'un couloir sans fin firent naître un effroi sans précédent qui s'empara de son cœur. Il courut ainsi une vingtaine de minutes. « Il y a quelqu'un ? » cria-t-il ? Personne ne répondit, pas même son l'écho. Il insista « S'il vous plait ? », puis s'effondra en sanglot. Toute rationalité avait désormais quitté son raisonnement. Il acceptait l'idée que ce couloir puisse être enterré, qu'il fût seul en ces lieux et qu'on l'y laisserait mourir de faim ou de soif. Il laissait son imagination travailler et anticipait qu'après 3 jours de marche, il finirait par trouver un troisième mur et qu'il n'en serait pas beaucoup plus avancé. Était-il dans son tombeau ? Après quelques dizaines de minutes, son corps s'était refroidit. Des vêtements, ou une couverture, lui manquaient autant, si ce n'est plus, qu'un brin de lumière. Il devait se remettre en marche pour se réchauffer, en sachant qu'il s'épuiserait plus vite s'il faisait des efforts physiques. Peut-être était il parti dans le mauvais sens ? douta-t-il. Il fit un pas en sens inverse puis se raisonna. « Rien ne m'indique quelle direction est la meilleure, autant rester sur mon premier choix ».
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Le Dédale de la Providence
NouvellesBill se réveille, au milieu de la nuit, hors de son lit, dans le noir, dans un lieu qu'il peine à reconnaître à tâtons. Il semblerait que le sort lui joue un mauvais tour en défiant sa logique.