Nous roulons depuis seulement dix minutes, mais le temps semble s'arrêter. Une tension est palpable. Eliott baragouine des mots dans son coin, regardant les nuages par la fenêtre. Greg fixe la route, les mains fortement agrippées au volant, blanchissant les jointures de ses doigts. Sa mâchoire est durement contractée.
Je crois qu'il est en colère.
Mais pas autant que moi.
Il vient de nous arracher à notre vie, juste parce qu'il le veut, l'enfoiré.
Il a toujours aimé tout contrôler, et ça depuis toutes ces années où nous nous connaissons. Disons seulement qu'avant, je n'avais pas conscience de tout.
Je suis arrivée dans la bande, ou plutôt le gang à l'âge de dix-sept ans. Je m'étais enfuie de la dernière maison d'accueil où j'avais été affectée.
Depuis mes dix ans, j'avais été placée dans douze familles d'accueil au total. Ça commençait à chiffrer. Mes parents étaient des toxicos, complètement accros à leurs poudres, oubliant souvent ma présence, si ce n'est tout le temps. J'ai appris à me débrouiller très tôt, j'y étais obligée. Deux mois après mes dix ans, je suis rentrée de l'école et je les ai retrouvés avachis sur le canapé, inanimé. Je n'avais pas compris, au début, pendant idiotement qu'ils dormaient seulement. J'étais allé dans ma chambre, pour sortir lorsque le soleil était couché et que la faim me tiraillait le ventre. Ne les voyant toujours pas bougés, j'avais commencé à les pousser pour les faire réagir. Mais rien, absolument rien. J'avais paniqué. Je m'étais mise à pleurer, les secouant de toutes mes maigres forces. Mes pleurs bruyants avaient alerté nos voisins qui m'avaient finalement éloigné des corps pour appeler les pompiers. Ils étaient morts.
Mon cauchemar ne faisait que commencer.
J'étais entrée dans le circuit des familles d'accueil, n'ayant aucune famille pour s'occuper d'une pauvre gamine de drogués. J'avais vite compris qu'étant une nouvelle n'était pas une bonne chose. Je me faisais frapper, martyriser par les autres enfants. Ils passaient leurs temps à rire de moi, pendant que je pleurais.
Je suis resté deux ans dans ma première famille d'accueil. J'avais subi pendant ces deux longues années les coups physiques et psychologiques. Puis, j'avais pris mon courage, et j'avais rendu à mon tour les coups.
J'ai donc été placée dans une nouvelle famille, puisque l'ancienne avait fait une réclamation lorsque j'avais levé ma main sur leur enfant. Et le défilé ne s'est jamais arrêté, ne restant que quelques mois avant de changer.
Personne ne pouvait plus me supporter, j'étais une véritable furie. Je leur rendais à tous les coups que la vie m'avait donnés.
À mes dix-sept ans, une nuit, j'avais pris la décision de partir, de tout quitter. J'avais l'espoir de trouver mieux, et je suis tombée sur le gang.
Ils étaient bien pires que les gamins que j'avais eus dans ces familles, mais ils m'avaient offert un toit contre des heures de travail. Je faisais le ménage, pour terminer par être affilié au poste de serveuse à mes vingt-et-un ans. Ils possédaient plusieurs endroits, rendant d'aperçu leurs affaires légales, comme le bar dans lequel j'étais. Alors que rien n'était absolument légal là-dedans.
Ça m'allait. À l'époque, je ne demandais rien d'autre. J'avais un toit sur la tête, de la nourriture et on me respectait.
Si je respectais les règles, alors tout se passait bien. Je fermais les yeux sur ce qu'il se passait devant moi, n'essayant pas de jouer les curieuses.
Ils avaient une très grande maison où j'étais logé au premier étage, partageant ma chambre avec une autre fille dont je ne connaissais pas le nom. Je ne cherchais pas à me faire des amies, je voulais simplement qu'on me foute la paix. Et j'avais tenue plusieurs années, ne parlant qu'un minimum, jusqu'à ce que je me rapproche de Kyle, le meilleur ami de Greg.
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Destins liés 3 (L'ombre du passé) - Sous contrat d'édition avec Shingfoo
РомантикаFuir son passé est souvent de mauvais augure. Rien ni personne ne peut s'échapper éternellement. Les vieux démons finissent toujours par nous rattraper. Julia est une jeune femme qui tente de vivre sa vie le plus paisiblement possible, sans vague. S...