J'ouvre les yeux avec une boule au ventre. La même boule qui se love en moi depuis trois ans déjà, le jour des résultats de l'examen d'entrée en médecine. J'ai échoué deux fois. Je prie pour que ma troisième tentative ne se solde pas par un cuisant échec.
Je bascule mes jambes sur le sol et regarde le lit défait de Grand-mère, partie depuis quelques heures. Elle se lève de plus en plus tôt ces temps-ci, prenant des heures supplémentaires à l'atelier. Elle travaille beaucoup trop. J'ai beau savoir qu'elle le fait pour nous, pour le bien du Niveau Deux d'Antrum, je ne peux m'empêcher de trouver ça injuste. Grand-mère à suffisamment souffert pour toute une vie, elle ne mérite pas de se tuer à la tâche, quand bien même fût-ce pour le bien du plus grand nombre.
Je me lève, toisant la petite chambre que nous partageons de toute ma hauteur. Cet espace me semble de plus en plus étroit. Il y a à peine de la place pour deux lits, une table et deux chaises. Rien de superflu.
Me débarrassant de mon pyjama, j'enfile la biocombinaison soigneusement pliée à mes pieds. Celle-ci me recouvre des chevilles à la nuque d'un tissu bleu foncé, la couleur de mon sexe et de ma tranche d'âge. Et de ma condition, bien sûr. Les teintes claires ne sont réservées qu'aux ingénieurs et aux politiciens du quatrième niveau. Ici, au deuxième sous-sol, nous n'avons droit qu'aux nuances sombres.
Une fois mes bottines lacées et mes cheveux vaguement attachés en un chignon flou, j'appuie ma main sur le coffre mural pour en sortir une cartouche d'oxygène.
– Désarmement de la cartouche enclenché, dit la voix robotisée, s'échappant du haut-parleur dans le mur. Il vous reste environ trois heures et trente-quatre minutes d'oxygène. Extinction de la pièce.
Les lumières se baissent jusqu'à s'éteindre alors que je glisse la cartouche dans la poche de ma combinaison, juste au-dessus de ma poitrine. Je pianote un instant sur l'écran de mon bras gauche et lui ordonne de détecter l'oxygène. Le message ne tarde pas à s'afficher.
« Cartouche enclenchée. Déploiement du masque. »
Je sens les nanites fourmiller sur ma nuque, puis le long de mon crâne. La biocombinaison recouvre mes cheveux, jusqu'à la base de mon front, puis fait glisser un voile transparent jusqu'à mon menton. Cet écran salvateur me permettra de respirer en dehors de la chambre, certaines zones d'Antrum comme les couloirs étant considérablement réduites en oxygène. Je déteste me sentir prisonnière de toutes parts de ce vêtement, mais c'est un mal nécessaire.
Je sors de la pièce en prenant soin de la verrouiller derrière moi. Grand-mère et moi ne possédons pas grand-chose, mais nous protégeons les maigres souvenirs laissés par nos disparus.
Impatiente de savoir si j'ai réussi l'examen ou non, je me dirige vers l'aile est, où se trouvent les écoles et la bibliothèque. C'est là que, quelques semaines plus tôt, j'ai passé pour la troisième fois le concours d'entrée en médecine. J'avais sacrifié une cartouche entière d'oxygène pour cela, et j'avais travaillé dur pour l'avoir, n'hésitant pas à faire de nombreuses heures supplémentaires au centre de distribution. J'avais étudié sans relâche, une fois de plus, pour obtenir le passe-droit que j'attends depuis toujours, celui d'aller à l'étage d'en dessous et de devenir médecin.
– Jaleena ! s'exclame une voix derrière moi.
Je me retourne. Cléo, mon amie d'enfance, s'avance vers moi avec un grand sourire aux lèvres. Elle habite à quelques chambres de la mienne, pourtant je ne m'attendais pas à la trouver d'aussi bon matin. Le service de Cléo ne commence que l'après-midi et dure une bonne partie de la nuit ; elle travaille dans les cuisines.

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Six Pieds Sous Terre
خيال علميLes Anciens ont détruit le monde. Ils ont forcé l'humanité à descendre sous terre pendant que la Terre guérissait. Mais la Terre n'a pas guéri. Il ne reste pas grand-chose de l'humanité. Les survivants ont trouvé refuge dans un biodôme souterrain :...