Chapitre 1

11.8K 412 90
                                    

Lui

Elle pleure. Je n'aime pas les gens qui pleurent.

Rectification.

Je n'aime pas voir les gens pleurer. Mais ça fait dix minutes que j'attends Chris à l'arrêt de bus et qu'elle est là, assise sur un banc sous un arbre, sans capuche alors qu'il pleut. Qui reste sous la pluie sans capuche alors qu'il pleut ?

Elle, apparemment.

Je n'ai jamais su expliquer pourquoi je n'aime pas voir les gens pleurer. Aussi loin que je m'en souvienne, je n'aimais déjà pas voir les personnages de dessins animés pleurer.

C'est trop personnel, les larmes, c'est à partager avec personne. Je n'ai jamais pleuré devant personne. Je n'ai jamais pleuré avec personne. Je ne suis pas de ces mecs qui se la jouent machos pour se sentir viril, loin de là. J'aime seulement me retrouver seul face à ma peine et avoir tout le loisir de me dire que ma vie est merdique sans que d'autres ne viennent me sortir des phrases bateaux qui sont censées me rassurer alors qu'ils essaient seulement de se donner bonne conscience.

Il est 16h20. Je suis arrivé en avance, je suis toujours en avance. Le problème c'est que Chris, lui, est toujours en retard. Je le connais depuis toujours, enfin, depuis la maternelle. Il pleurait la première fois qu'on s'est rencontrés : c'était à la rentrée des classes et il pleurait parce que sa mère venait de partir. Il avait un bonnet rouge. Je suppose qu'il y a certains avantages à ne pas avoir de mère : moi, j'étais content d'être là et de pouvoir jouer avec d'autres enfants. Je lui ai arraché son bonnet rouge et il a arrêté de pleurer pour venir me casser la figure. C'est mon meilleur ami depuis.

Je m'étire en baillant bruyamment alors qu'un quatrième bus passe devant moi. Chris ne devrait plus tarder. J'ai du mal à croire qu'on est déjà vendredi, cette semaine d'examen est passée à une vitesse folle et même si je ne me suis toujours pas remis de mes nuits blanches à réviser, tous les vendredis on va faire un foot avec les gars du quartier à côté de la fac alors j'ai repoussé mes heures de comas réparateur pour honorer ma parole. Si ça me permet en plus de passer du temps loin de chez moi, c'est très bien. Mais plus les minutes passent et plus je sens que Chris, lui, n'a pas décalé son rendez-vous avec son lit. En-même temps, s'il y a une personne dans notre promo qui a bossé plus que moi, c'est sûrement lui. Je comprendrai qu'il me laisse en plan, mais je lui botterai le cul quand même. Par principe.

Mon regard se perd au loin, de l'autre côté de la route, à travers le grillage qui délimite les frontières du parc. J'aime ce parc, on l'a renommé Central Parc (avec un c), Nanie et moi, parce qu'il nous paraissait immense quand on était petits. On pouvait y courir et s'y perdre pendant des heures sans se fatiguer. On s'était promis d'aller un jour à New York et de passer une journée entière à courir dans le vrai Central Park pour voir lequel se fatiguerait en premier.

Un jour, j'irais ...

Je pensais qu'elle était assise sur un banc, mais en y regardant vraiment, je crois qu'elle est assise à même le sol, sur l'herbe mouillée. Il pleut, bon sang ! Elle doit être trempée. Je me demande ce qui a pu lui faire autant de peine pour qu'elle passe toutes ces minutes, assise là, sans se soucier de la pluie, sans se soucier de rien. Seule face à sa peine. Est-ce qu'elle a envie de rester seule ? J'aurais eu envie qu'on me laisse seul. Je crois.

Un cinquième bus passe. Je regarde mon sac de sport posé lamentablement sur le sol mouillé. Je regarde mes baskets abimées à force de jouer au foot avec, toujours sur des terrains vagues impraticables. Je regarde mon téléphone au moment où il vibre : c'est Chris, il ne viendra pas. Je regarde l'heure : 16h30.

Je la regarde.

Elle a un bonnet rouge. Et elle pleure.


✦✦✦


Elle

Treize minutes.

Cela fait treize minutes qu'il attend à l'arrêt de bus, pourtant quatre bus sont passés et il n'est monté dans aucun. Il a l'air d'attendre quelqu'un. Moi aussi, j'attendais quelqu'un. Moi aussi, j'avais l'espoir que quelqu'un vienne me retrouver ici. Mais plus les minutes défilent, et plus je sais que personne ne viendra.

On dit souvent que c'est quand tout va mal qu'on se retrouve seul : bullshit. On est toujours seuls, simplement, on ne s'en rend compte que lorsque l'on a besoin d'être entouré. Peut-être que je devrais aller lui dire que personne ne viendra et qu'il ferait mieux de ramasser son sac de sport avant qu'il ne soit trop abimé par la flotte ?

D'ailleurs, mon sac à moi est totalement ruiné. Mon jean aussi, au passage. J'ai toujours un mal de chien à faire partir les tâches d'herbe sur les vêtements. Tant pis.

Je regarde mon téléphone : trois appels manqués de Maya et un message avec un cœur. Elle sait que tout ne s'est pas passé comme prévu, elle aurait déjà eu de mes nouvelles sinon. On a passé tellement d'heures au téléphone à discuter de cette histoire ...

Elle a beau être entrée dans ma vie assez tard, elle fait partie de mes amis les plus chers. C'était mal parti, pourtant, quand elle m'a sauté dessus en début d'année, à huit heures du matin le jour de la rentrée pour me dire qu'elle ne mordait pas et qu'il n'y avait donc aucune raison de laisser une place d'écart entre elle et moi dans l'amphithéâtre. J'avais haussé un sourcil en la regardant bizarrement. Qui fait ça, sérieusement ? C'est une norme sociale ! Quand on a le choix, on laisse une place d'écart entre nous et le monde. On ne va pas s'assoir à côté de la seule personne à bord dans un bus vide, n'est-ce pas ?

On est d'accord.

Mais pas Maya.

Elle a pris mon sac pour le poser par terre et a tapoté sur le siège en me souriant. Nous sommes en plein mois de janvier et cela fait donc cinq mois qu'on ne se lâche plus.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise ici, j'ai commencé à compter quand il est arrivé, mais je commence à avoir les jambes engourdies à force de les serrer entre mes bras, la tête posée sur mes genoux. Je me redresse et m'appuie contre l'arbre sous lequel je suis abritée tout en m'étirant.

Je suis restée trop longtemps dans une position inconfortable mais je n'ai pas mal physiquement. Non. J'ai mal ailleurs. J'ai mal partout. Est-ce qu'on peut avoir mal à quelque chose d'intangible ? Lorsque l'on dit « j'ai mal au cœur », on ne parle pas réellement de l'organe, n'est-ce-pas ? Et pourtant, tout le monde le dit, alors c'est qu'on peut. Moi, j'ai mal à la vie.

Un cinquième bus passe, il se lève. Génial. Maintenant je suis réellement seule. A croire que personne ne vit dans ce quartier ! Je soupire ... Il a enfin cessé de pleuvoir, alors je ressors mon casque et lance ma playlist pour les jours tristes. Je ferme les yeux et appuie ma tête contre l'arbre au moment où la voix d'Ed Sheeran envahit mon crâne pour me chanter son amour éternel.

Toi, au moins, t'es toujours là Ed.

✦✦✦

Mes Lyly'z

Quel plaisir de vous retrouver ici et de vous dévoiler ENFIN le premier chapitre de "Midnight Sun".

J'espère que ce premier aperçu vous aura séduits !

J'ai très hâte de vous lire à mon tour et de connaître vos impressions/remarques.

Love u all xx
Lyly

PS: N'oubliez pas de voter et commenter !

Le Soleil de Minuit (SOUS CONTRAT D'ÉDITION) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant