Chapitre 3

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Lui

Je baisse la tête, le regard fixé sur l'endroit où elle a posé ses mains sur moi, puis je relève la tête et la regarde s'éloigner.

Un six sur dix.

Même pas en rêve. Je ramasse mon sac à la hâte et le balance sur mon épaule. Nous sommes en plein mois de janvier, le vingt pour être précis. Les températures de l'hiver sont plus douces qu'à l'accoutumée, mais tout de même : je suis gelé et mes vêtements, désormais mouillés, n'arrangent rien.

Le ciel commence à s'assombrir. Un rapide coup d'œil à mon téléphone m'indique qu'il est 16h45. Je me mets à trottiner derrière elle jusqu'à la rattraper, puis je ralentis pour m'adapter à son allure.

– Tu viens souvent te balader dans Central Parc ?

– J'ai une tête à aller « souvent » à New York pour me balader ? répond-elle en haussant un sourcil.

Je ne comprends pas tout de suite sa réponse. Puis je connecte les deux derniers neurones qui semblent me rester et je m'empresse de clarifier ma question.

– C'est ici, Central Parc.

Là, elle s'arrête carrément et me regarde comme si j'étais complétement débile.

– Ce que je veux dire, c'est que c'est ce parc que j'appelle « Central Parc ». C'est à cause de Nanie ... enfin, c'est un délire de gosse, laisse tomber. Bref ... Tu viens souvent te balader ... ici ?

– Non je ... J'ai atterri ici par hasard. J'aurais mieux fait de rester chez moi.

Sa voix se brise en prononçant ces derniers mots et je regrette aussitôt d'avoir posé la question. J'ai à peine le temps de voir les larmes lui monter aux yeux qu'elle se détourne et reprend son chemin. Fait chier. Je ne sais pas gérer ce genre de situation.

Je ne devrais même pas gérer cette situation, je ne la connais pas.

Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, je ne sais pas qui lui a fait du mal. Je ne sais même pas si c'est un « qui » ou un « quoi » qui lui a fait du mal.

Je la regarde encore. Elle a un long pull noir sous sa veste fourrée. Heureusement, d'ailleurs, parce qu'avec le temps qu'elle a passé assise sur le sol humide, son jean doit être taché.

Je devrais rentrer. J'ai un examen lundi.

J'expire longuement par le nez, les yeux fermés, les deux mains croisées derrière la tête. Pourquoi c'est si dur de la laisser partir ? Je sais qu'à sa place, j'aurais voulu être seul. Seul pour réfléchir. Seul pour me remettre. Seul pour souffler.

J'ouvre les yeux pour l'apercevoir une dernière fois avant de m'en aller. Je remets ma capuche et commence à reculer lorsqu'elle ralenti ... et se retourne, hésitante, pour regarder derrière elle. Pour me regarder, moi.

En une fraction de seconde, j'oublie toutes mes interrogations et je n'arrive pas à contenir mon sourire. Je me sens con d'être aussi content.

Quel fragile. Si Chris me voyait, il s'écroulerait de rire.

Mais elle s'est retournée, pour moi. Il ne m'en faut pas plus pour décider quoi faire.

✦✦✦

Elle

Je ne sais pas ce qui m'a poussée à m'arrêter, je ne sais pas ce qui m'a poussée à me retourner. Ce que je sais, c'est qu'il n'a pas hésité et qu'il me rejoint en souriant. Il sourit tout le temps.

Il me donne envie de sourire.

La vie n'est qu'une succession de causes et de conséquences. On m'a raconté une fois que le battement d'aile d'un papillon au Brésil peut provoquer une tornade aux États-Unis ... Il doit voler bien haut, le papillon qui est à l'origine du cyclone qui ravage mon cœur.

Le Soleil de Minuit (SOUS CONTRAT D'ÉDITION) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant