La Solitude Du Pyjama

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Je sais que vous détestez recevoir une lettre alors que j'aurais pu parler de ça a voix haute, mais je suis incapable de le faire.
Je connais de nombreuses personnes, dont Fred, à qui je voudrais demander quelque chose. Comment ont-ils réussi à ne pas être comme moi ? Je sais que je suis toujours en quête d'attention, et que je vous la fait porter sur les mauvaises choses, tout le temps. Comment ont-ils réussi à ne plus chercher cette attention en permanence ? Comment ont-ils su se détacher de cela ? C'est un aspect que j'ai souvent envié, mais jamais atteint. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, pourtant. Je le jure...
Je me demandais, aussi, comment Fred a-t-il pu passer un an et demi à me parler tous les jours sans jamais penser ou réussir a me dire ce qui n'allait pas ? Il évitait le sujet comme la peste, et faisait tout pour que je ne vois pas que ça allait mal. Parfois je me suis même demandé si c'était un manque de confiance en moi, ou s'il évitait d'attirer l'attention.
Mais ce que je veux surtout savoir, c'est pourquoi on me déteste tant ? Pourquoi la vie a-t-elle décidé de verser toute la haine du monde sur moi ? Pourquoi, même moi, je me déteste ? Mon propre regard me dégoûte et me fait du mal, je passe devant un miroir, je me hais. En cinquième, on me détestait déjà au point de mal me parler chaque seconde de la journée. En quatrième, une seule erreur et le monde entier me reniait. En troisième, un seul mot sortant de ma bouche était remis en question. Mes amis ne sont pas du même mknde que moi. Soit plus matures, plus intéressants, plus intelligents, soit moins cool, moins gentils, moins indulgents. Et je ne sais pas ce qu'est le pire. Me sentir nulle par rapport à eux, ou être seule ? Quand j'étais seule, on se moquait. Quand je suis avec des gens, on se moque encore. On me tourne en dérision, on me maltraite, on me force à changer, on me force à sourire. On me déteste, quoi que je sois. On déteste ma musique, soit pour sa banalité, soit pour son originalité. On déteste mes goûts, soit pour leur noirceur, soit pour leurs couleurs. On me déteste, soit pour qui je suis, soit pour qui je ne suis pas.
Un jour, on m'a demandé pourquoi je n'étais pas heureuse. Quand j'ai expliqué ce que Léo m'avait fait subir, on n'a pu dire autre chose que "ouvre les yeux, il y a pire dans le monde". Alors, je me dit que si je devais me plier au monde qui me dégoûte presque autant que moi-même, autant partir.
Partir, ça me parait bien. Comme ça, les gens me détesteront pour quelque chose qui leur fait peur, pas pour quelque chose qu'ils connaissent. Je veux que mes réseaux sociaux restent ouverts. Pour le monde entier se souvienne de ce qu'ils m'ont fait.
Je veux que vous donniez cette lettre à Léo Sauvaget, pour qu'il se souvienne du mal qu'il m'a infligé. Pour qu'ils se souviennent tous d'une personne qu'ils ont détestée, brisée, piétinée. Faites la donc lire à Anaëlle aussi, qui m'a soutenue que je n'étais pas si brisée que ça sinon je ne sourirait jamais. Rappelez lui que la souffrance ne retire pas le masque, elle retire les sentiments tels que la joie, l'amour, l'amitié. Faites savoir à tous ceux qui sont certains que je suis forte que je l'ai été. Pas au moment qu'ils pensaient, en revenche. Car pour eux, partir est une faiblesse. Mais pour moi, il a fallu que je trouve la force et le courage de partir ou de rester. Et que la seule qui est venue, c'est celle de partir. Dites à mes parents qu'ils n'y slnt pour rien. Ma mère a fait tout ce qu'elle a pu et mon père ne savait rien à rien. Ma professeur de français pense que ma voix tremblait de passion pour ce que je disais, faites lui savoir que ce n'était que les larmes que je retenais chaque jour avec peine. Dites au monde entier qu'ils n'auront plus à faire à la stupide Marie Sauvaget, que Léo a gaggné, ainsi que la plupart des élèves de Théophile De Viau de ma génération.
Et n'oubliez pas de garder le sourire en lisant cette lettre de départ, car au moins vous avez de meilleurs souvenirs que j'en ai de moi-même.

Au revoir.