VII

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Hélia fut poussée dehors, tirée par ses chaines froides qui enserraient ses poignets. On l'emmena directement devant le couple. Âgé d'une 40 aine d'année pour le mari, il souriait face à ce nouveau bien qu'il venait d'acquérir. La femme quant à elle devait être légèrement plus âgée qu'Hélia. Elle avait des cheveux soyeux et bouclés d'or. Elle souriait elle aussi.

Hélia était comme prise de remord. Pourrait elle se venger d'eux... eux qui ne lui avaient rien fait.. Eux qui lui souriaient...? Mais d'ailleurs... qu'attendaient-ils d'elle... 

Que s'était il même passé tout à l'heure... elle se pensait morte et la voilà à suivre de nouvelles personnes. Allaient ils la ramener dans la forêt ? Chez elle ? Elle ne comprenait pas non plus ce qu'elle venait de sentir battre en elle, ce qui la transportait. Elle en avait presque peur, elle n'avait jamais été d'une nature violente alors que venait-elle de dire ou de penser...

Elle se concentra sur la situation actuelle, pensant qu'elle aurait bien du temps pour y penser plus tard. Ce couple... la ramènerait donc chez elle ? Tel des sauveurs ? C'est donc aussi simple que ça...

Cette pensée remplissait son cœur de joie. Mais... 

Elle regarda le baron. Sans ce collier il lui était impossible de retourner chez elle. Elle le vit, lui, recevoir une énorme bourse contenant de l'argent à ne plus savoir qu'en faire. Hélia comprit enfin ce qu'il venait de se passer dès lors qu'on donna ses chaines à l'homme. Elle venait d'être vendue... vendue comme trophée ? comme offrande...? 

Ces gens ne la ramenaient pas chez elle... mais chez eux...

Ils saluèrent le baron et tirèrent ses chaines et la voilà de nouveau en marche. Le couple exposait fièrement leur nouvel objet partout dans la ville. Les gens s'approchaient d'eux, leur demandaient qui était la chose qu'ils avaient, où l'avaient-ils trouvée, si ils pouvaient la toucher. Mais ça, bien sur, Hélia ne le comprenait pas. Parfois le couple lui parlait, avec des voix douces et calmes mais pour la pigmé ce n'était qu'un brouhaha insupportable. Qu'allait il donc lui arriver encore. Quand enfin Zoois, ce dieu pourtant si sage, le dieu primordial arrêterait de jouer avec elle ?

Ils arrivèrent devant une magnifique villa immaculée, baignée par un soleil incroyablement puissant. Ce qui semblait être des domestiques les saluèrent et prirent leurs affaires. L'homme tenait toujours hélia enchaînée. Elle regarda la bâtisse, quelque chose d'effroyable se dégageait de ces murs bien trop lisses pour être sains. 

- Héphaje va préparer sa tenue.

- Bien monsieur.

La domestique partit chercher la tenue de la nouvelle arrivée tandis que le mari poussa Hélia vers une sorte de therme utilisée seulement par les domestiques. On lui donna une éponge et un savon sentant divinement bon. Hélia jura que c'était la première fois qu'elle sentait quelque chose d'aussi bon. On lui mit une sorte de collier fait sur mesure, que chaque domestique portait. Ce dernier était en fer et assez lourd. Une sorte de maillon permettait d'y accrocher une chaîne ce qui permit au baron de la laisser se laver en toute intimité, tout en l'attachant pour qu'elle ne puisse pas fuir l'immaculée maison.

Hélia posa un pied dans l'eau tiède voir chaude. Elle eut un frisson. Cette sensation... cette chaleur... Pour la première fois depuis des mois elle pleura. Ses nerfs à vif craquaient sous cette exquise chaleur. Depuis combien de temps n'avait elle pas pu se laver correctement ? Depuis combien de temps n'avait elle pas pu prendre soin d'elle ? 

Elle plongea dans l'eau et resta un moment la tête sous l'eau. Elle aimait nager. Avec Alimène et Morgan, ils se battaient souvent pour savoir qui remporterait le record d'apnée. Un jour même, Morgan avait failli se noyer tellement il avait tenu. Morgan... qu'était il devenu...

- J'espère que tu es toujours en vie...

Elle ferma les yeux, reposée quand elle entendit un hurlement. Ce même hurlement qu'avait poussé Hinva. Elle ouvrit les yeux en sursaut tandis que tout ses amis, ses défunts se trouvaient face à elle, les corps tordus de douleur. Une horrible odeur se dégageait d'eux, une odeur de chair brûlée, une odeur de sang. Une odeur de haine. Le plus atroce fut de voir son père, là, devant elle, une immense masse sombre avait remplacé ses traits bienveillants et sa chair coulait face à elle. 

Elle écarquilla les yeux et se leva de son bain. Elle se mit à vomir sur le bord du therme puis ouvrit à nouveau les yeux. Les fantômes étaient devant elle, meuglant à la mort, les corps fondus. Elle tomba en arrière, prise d'effroi, le corps tremblant. Ils cherchaient à l'attraper, à l'emmener à eux. Elle se releva et chercha à fuir le monstre que ses souvenirs venaient de créer. Elle courra tandis que tout son pauvre corps était transporté par de violents frissons. Elle entendait des hurlements, des pleurs, des cris.

Mais elle oublia une chose. Elle avait été attaché par son "maître". Elle fut ramener violemment au sol en suffoquant. Elle ferma les yeux, sa tête tournait, elle avait mal, il lui semblait presque que sa blessure venait de s'ouvrir à nouveau. Quand elle rouvrit les yeux, les ombres étaient au dessus d'elle et elle pouvait entendre une voix derrière. Mais cette dernière était trop faible pour qu'Hélia puisse l'entendre.

- Je... Je suis désolée !

Hélia ferma les yeux tandis que son esprit lâcha. Elle fut enfermée dans un profond sommeil qu'elle n'avait pas connu depuis des mois. 

Il lui semblait qu'elle flottait dans les nuages, il lui semblait que tout était calme et apaisé. Aucunes traces de sang, de fumée ou de douleur. Était-elle morte ? Elle revit son village et elle même lorsqu'elle était petite. Tout le monde souriait. Et tout le monde était en vie. 

Elle se posa sur l'herbe qui lui caressait les pieds doucement. Son père la prenait, elle dans ses bras alors qu'elle venait de lui offrir une fleure bleu. Ils riaient. Hélia tendit la main pour s'approcher de se souvenir qu'elle chérissait tant. Elle voulait revoir son père, elle voulait lui parler, se serrer dans ses bras puissants.

- Papa... attends...

Elle courut vers lui mais ils étaient toujours aussi loin. Tandis que les deux ombres s'effaçaient au loin, elle entendit la voix chaleureuse et aimante du chef son père.

- Je t'aime Hélia. Ne l'oubli jamais.

Elle hurla.

- PAPA !

Elle ouvrit les yeux et observa les murs blancs de sa nouvelle demeure. Elle venait de se réveiller d'un long rêve. Elle posa une main sur sa tête, celle ci lui faisait mal. Son bras était entièrement bandé, elle s'était donc ouverte à nouveau... Son collier était toujours accroché au mur si bien que dès qu'elle bougea, elle fit du bruit. 

Une ombre féminine se réveilla au loin, c'était Héphaje qui veillait sur elle. Elle s'approcha d'elle et lui sourit.

- Vous êtes réveillée ? 

Hélia ne comprit pas ce qu'elle disait et resta muette face à la jeune femme, à peine plus âgée qu'elle. Héphaje ne s'arrêtait pas de sourire et s'approcha encore, elle regarda le pansement. Ses mains étaient chaleureuses, comme celles du chaman qui l'avait accompagnée durant ces longs mois. 

- Vous allez guérir vite même si vous n'avez pas l'air de comprendre

Héphaje apporta une pile de vêtement et les donna à Hélia. Elle essaya de lui faire comprendre qu'elle devait les mettre puis se leva et sortit de la pièce. La tenue était composée d'une robe blanche et droite, ceinturée à la taille. Le haut était drapé et laissait sa poitrine largement exposée. On lui offrit aussi des sortes de chausses, comme des sandales. Elle mit les habits tout en étant mal à l'aise et eut un frisson. 

Malgré le parfums de rose qui se dégageait de ses tissus, elle avait l'impression que quelqu'un les avait déjà portés. Elle se mit sur ses jambes et se regarda face à la glace. Elle ne se reconnaissait pas. Les peintures de son village avait disparu. Sa peau était par endroit assez rougie, comme blessée. Elle portait des habits d'étranger. La seule chose qui lui restait de son identité était ses longs cheveux corbeaux. Elle les toucha tandis que la porte s'ouvrit.

Héphaje entra en souriant, deux autres femmes étaient là aussi. Toutes portaient la même robe au dessus des genoux, la même qu'elle. L'une d'elle portait une bassine d'eau, et une autre une cruche. 

Héphaje, elle, portait fièrement des ciseaux et une broche.


HéliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant