June

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Point de vue de June :

Si j'avais la chance de vivre dans un monde idyllique, je serai une princesse colorée, j'aurai des cheveux dorées, adorablement bouclés qui retomberaient sur mon visage d'ange et j'aurai d'immenses yeux bleus que même le ciel jalouserait, j'aurai également un royaume, un trône, des robes bouffantes de toutes les couleurs pastel imaginables, des femmes de chambres, des gardes du corps, j'assisterai à différents bals dans mon grand palais illuminé par des centaines de lumières rose et je danserai aux bras d'un beau prince toute la nuit jusqu'à ce que mes belles chaussures soient usées. Oui, c'est le monde parfait pour moi.

Sauf que dans la réalité, j'ai à peine dix-neuf ans, je viens tout juste de terminer le lycée et je vis avec ma mère défoncée la majeure partie du temps. Je travaille dans le vieux garage de mon voisin Ricardo, un migrant mexicain de temps en temps et pour me faire un peu plus d'argent je promène des chiens ou je fais le ménage chez ma tante paternelle. Une véritable garce.

Je ne suis également pas blonde, j'ai les cheveux foncés comme la majeure partie des terriens et j'ai les yeux marron, je suis également à priori mince avec quelques rondeurs semées ici et là et je suis plutôt grande de taille. Absolument rien qui ne sorte de l'ordinaire n'est-ce pas ? Personne ne s'est jamais retourné lorsque je suis passée devant lui.

Rien qui ne suscite de l'intérêt et je comprends tout à fait, qui voudrait de quelqu'un avec un aussi lourd passif que moi ? Quelqu'un qui prend soin d'un bébé alors que ce n'est absolument pas le sien ? Ai-je dit que ma mère était tout le temps défoncée ? Ai-je dit à quel point c'était dur pour moi de prendre soin de ma petite sœur encore nourrisson alors que j'ai tout juste de quoi payer nos factures ?

Je prends sur moi, comme à chaque fois car c'est la vie qui m'a été écrite et je ne peux absolument rien y changer à part peut-être le soir, lorsque je ferme les yeux, j'imagine la vie que j'aurai voulu avoir si j'étais née dans le corps de quelqu'un d'autre car oui cela n'arrive qu'aux autres.

Je devrais songer à me shooter avec une bonne dose de somnifères histoire de ne jamais me réveiller et seulement vivre dans mes rêves.

Bonne idée. Noter pour plus tard.

Celle qui a eu la chance de vivre un véritable conte de fée, ce n'est pas moi, c'est ma cousine Emily d'à peu près mon âge. Une adorable jeune femme pétillante et empestant la gentillesse à des milliers de kilomètres à la ronde. Le genre que vous détestez apprécier parce qu'elle ne peut pas faire de mal à une mouche, le genre qui se dévoue à aider son agresseur et qui privilégie le bien être des autres aux siens.

Sa mère en riche veuve et matérialiste mélodramatique qu'elle était a réussi à lui dégoter le prince héritier du très puissant royaume d'Angora, comme je disais il y a encore peu, cela n'arrive qu'aux autres. Sûrement pas à la pauvre petite June.

Je ne suis pas jalouse d'Emily, c'est une fille superbe, elle m'a toujours aidé lorsque j'étais sur le point de sombrer et rien que pour cela lorsque m'elle m'a annoncé les larmes aux yeux que le prince Andrew d'Angora souhaitait l'épouser, j'ai sauté de joie comme une gamine hystérique. Il n'y a rien de plus beau qu'une femme amoureuse qui mérite son bonheur.

Je me suis imaginée à sa place, aux bras de mon prince charmant, j'ai même osé espérer quelque chose du même genre lorsque ma tante m'a affirmé que je devais impérativement être présente à la cérémonie.

Et la bâtarde devenait princesse.

Mon cœur s'est alors gonflé d'une joie immense et juste au moment où je m'apprêtais à l'embrasser, chose que je n'ai jamais faite, la réalité m'est retombée sur la tête et m'a écrasé le cœur telle une immense pierre déboulant une piste à une vitesse hallucinante, mon cœur se trouvait tout en bas, en ligne de mire prêt à être ratatiné : je serai présente en tant que serveuse. Rien de plus. A quoi est-ce que je m'attendais ? Je ne suis que la pauvre cousine d'Emily, née de l'union d'un très riche homme d'affaires et d'une prostituée sans nom. Je n'aurai même pas dû espérer plus que faire le ménage ou servir de l'alcool, avec un peu de chance je pourrai picorer trois ou quatre délicieux encas lorsque ma tante aura le dos tourné. Je ne serai même pas désolée. Au contraire, je gémirai en les savourant.

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