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J'ai quitté Neil ce matin. On s'est retrouvés comme tous les lundis sur le chemin pour aller à mon amphi. Comme à chaque fois, on s'est salués et on a marché ensemble. Il n'était pas obligé de venir avec moi, puisqu'on ne suit pas les mêmes études, mais il le faisait pour qu'on se voie. Cela ne le gênait pas de venir travailler dans un amphi où avait lieu un autre cours. On se mettait au fond, et le prof pensait qu'il s'agissait d'un étudiant de la promo, à force.

Je ne sais pas pourquoi il faisait ça. J'avais beau lui répéter que je ne le ferais pas pour lui, parce que sa fac est loin et que je ne me déplacerais pas pour être dans un amphi où avait lieu un cours qui ne m'était pas destiné -déjà que j'ai dû mal à aller à mes propres cours-, il haussait les épaules et me disait que ça lui faisait plaisir d'être avec moi. Il a toujours agi de cette manière là. Il voulait qu'on passe du temps ensemble, et de toutes façons, qu'il travaille à côté de moi dans l'amphi ou chez lui, cela revenait au même selon lui.

Alors il venait avec moi. On se retrouvait et on marchait ensemble, sans parler, sans se tenir la main. On ne s'est jamais tenu la main. Nos discussions n'ont jamais été très passionnantes. Respirant l'air frais du matin, j'entendais les autres étudiants parler autour de nous, plaisanter, éclater de rire... Nous marchions en silence, lui semblant profiter de cet instant comme à chaque fois, et moi le regard vide, le monde tournant autour de moi sans que je n'en sente la saveur.

Ce matin, on s'est retrouvés comme tous les lundis, et je n'ai pas supporté son sourire et son air dégagé. "Comment tu peux être content, pourquoi tu souris ? C'est nul." Il m'a jeté un regard calme, presque compréhensif et m'a répondu : "Je suis heureux d'être là." Je me suis arrêtée, et je lui ai lâché "Je ne veux pas que tu sois là.". Prise d'une envie de lui faire du mal, j'ai ajouté : "Je ne veux plus que tu sois là. Va-t-en.", et je suis partie dans la direction de mon cours sans le regarder.

Je ne sais pas si j'aurais voulu qu'il me suive, qu'il m'arrête, qu'il essaye de comprendre. Moi-même je ne me comprends pas. Je ne me suis jamais comprise. J'ai eu envie d'être méchante, de le blesser, de me débarrasser de lui. Tout ça parce que j'aimerais pouvoir être comme lui. Non, je n'aspire pas à être aussi bien que lui, seulement à pouvoir ressentir les mêmes choses... A ressentir des choses.

Pourquoi suis-je comme cela ? Je ne comprends pas comment ressentir des émotions comme lui. Je n'ai toujours que le vide en moi. Rien ne remue. Je n'ai pas d'intérêts, ne ressent pas d'envies, n'aspire à rien. A part ma famille, je n'avais que Neil, et je m'en suis débarrassée, parce que je n'arrivais pas à avoir envie de ça.

DecemberWhere stories live. Discover now