Chapitre 2

11 0 0
                                    

La thérapie s'amorçait sous les meilleurs auspices, Julien avait dormi comme un nouveau-né dans son lit de jeune homme. Bien sûr, ses pieds butaient un peu au pied du lit mais l'édredon en plumes était chaud comme une bouillotte et une délicieuse odeur de café montait de la cuisine. En deux secondes il était debout, sautait dans son caleçon, enfilait un T-shirt et retrouvait Ama dans la cuisine.

-Bien dormi le Parigot?

Pour Ama vivre à Paris relevait du non-sens. Une fois elle était montée retrouver son "Julien chéri" pour fêter avec lui son premier roman édité. Elle était si fière de lui, elle croyait tellement en son talent et lui avait tellement besoin de l'avoir à ses côtés. Mais hormis cette émotion et leur dîner en tête-à-tête dans un restaurant renommé, Ama avait irrémédiablement détesté tout le reste. Donc désormais, pour l'embêter, il était devenu "le Parigot". Mais ce jeu durait peu, elle préférait reprendre au plus vite leurs rites des années où il était son "txikia" et passait le plus clair de son temps avec elle. Ama avait pratiquement élevé Julien. Ses parents sillonnaient le globe au fil des contrats de son père pour diverses compagnies pétrolières. Très tôt Julien avait signifié à ses parents que cette vie de bourlingue ne l'intéressait guère. Ama comme substitut parental s'était immédiatement imposée. Ama était veuve, son mari Bixente de dix ans son aîné avait été tué dans le maquis à la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle ne l'avait jamais remplacé. Fidèle jusqu'au bout à son héros. Elle était institutrice, vivait dans une région bénie des dieux, sans compter la tendre et sincère affection qui unissait ces deux êtres, tous les ingrédients étaient réunis pour que l'alliage soit des plus solides. Il le fut au-delà de toute espérance.

-Julien?

-Oui? Pourquoi tu souris?

-Essuie ta bouche, tu as bu au bol et tu as des moustaches de café au lait. A ton âge cela ne fait pas très sérieux. Trêve de plaisanterie, qu'est-ce qui ne va pas?

-Ama c'est terrible, je suis en panne.

-En panne?

-D'inspiration. Je n'arrive pas à aligner deux lignes qui aient de l'intérêt. J'ai la tête vide. Pour faire simple mon roman est en plan et d'ici trois mois je dois rendre ma copie.

-D'accord, mais à part ça, tu n'es pas malade?

-Quelle idée, pourquoi tu me poses cette question, c'est ridicule.

-C'est toi qui es ridicule! Mais c'est quoi cet air sombre et cette voix de mort vivant? Julien je te croyais plus combatif, vraiment à croire que la pollution de ton foutu Paris t'a rongé la matière grise. Tu as besoin de te refaire une santé, tu es blanc comme un linge. Enfile un jean, le pull marin de Peyo et sa parka et va faire un tour sur le port et sur la plage. Il y a un peu de tempête c'est parfait pour toi. Le grand air va te nettoyer le cerveau. Et n'oublie pas! Dans cette maison il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de dépressif!

-Tu as des vêtements de Peyo?

-Oui, quand il n'est pas dans ses montagnes, il passe ici et reste quelques jours. Et je m'occupe de lui, comme de toi.

-Il ne s'emmerde pas...

-Julien! En plus de déprimé tu ne vas pas être jaloux! Ce n'est pas ainsi que je t'ai élevé, sale gosse!

Julien bondit sur ses pieds, entoure de ses bras la vieille dame et l'embrasse dans le cou.

-Que ferais-je sans toi?

Ama riait et sans un mot dégustait cet instant fugace de pur bonheur.

-Dépêche-toi de sortir et sois de retour à midi et demi. Je cuisine des gambas grillées, si tu veux les manger chaudes tu devras être ponctuel!

OxygèneWhere stories live. Discover now