Contes de la Fin des Temps

Chapitre 3 : Un tableau rouge sur fond blanc

Je sens les poils sur mes bras se dresser. Ce n'est bien sûr pas la première fois que je suis témoin de sa sauvagerie, mais là, il s'est dépassé. À côté de moi, Curse se tient immobile, la bouche tordue en un rictus de dégoût. Léandre est déjà de l'autre côté de la pièce. La petite lumière de l'évier de la cuisine est peu puissante, mais je distingue sans peine son teint blême. Avancer. C'est sa manière de gérer. Communier est la mienne.

Je m'accroupis. Là, au plus proche de l'endroit où elle est morte, je me sens presque connectée à elle.

Je relève la tête et inspecte la pièce. La police est déjà passée, mais il n'est pas difficile d'imaginer dans quel état ils ont pu la trouver. Près de la cuisine, il y a encore des morceaux de verre sur le sol. Sur la porte, il y a des traces de mains rouges, visibles aussi sur la tapisserie du salon et la grande bibliothèque. La serrure de l'entrée n'était pas fracturée. Malika lui a donc ouvert. Les projections de sang dans le hall suggèrent qu'il l'a attaquée dès qu'elle a été à sa portée. Elle s'est défendue, mais elle a probablement succombé rapidement à son agresseur.

Les meubles ont tous été poussés contre les murs pour dégager suffisamment de place pour créer la mise en scène macabre que nous avons sous les yeux. Hecate, ma Mère, comment as-tu pu laisser faire ça ?

Du bout des doigts, je touche le motif que dessine le sang séché sur le carrelage blanc. Le cercle qui entoure le pentacle doit bien faire deux mètres de diamètre. Pas question pour l'instant d'y pénétrer. Les larges taches brunes suggèrent que la pauvre Malika s'est vidée là, sur le sol. Elle était probablement attachée, mais il n'y a pas de liens en vue. La police a dû tout récupérer. Dans quel état l'ont-ils trouvée ? En tout cas, ils n'ont pas nettoyé le sceau. Est-ce que c'était volontaire, ou est-ce qu'ils n'ont pas osé ? Quoi qu'il en soit, c'est une aubaine pour moi. Cela rendra ma tâche plus facile.

Je sursaute lorsque Léandre pose sa main sur mon épaule.

« Selene, tu peux t'avancer. Le cercle est inactif. Il a accompli ce pour quoi il a été dessiné. Il ne produira rien de plus. »

Je me contente de hocher la tête.

Curse n'a pas bougé d'un pouce depuis que l'on est entré dans le salon. Il n'a pas dit un mot non plus. Je me décide à traverser le pentacle. Rien ne se passe. Avec mes mains, je suis le tracé du cercle et de l'étoile à cinq branches, répétant symboliquement le rituel. Une évidence me frappe alors.

« Elle était nue. »

Léandre a déjà commencé la fouille de l'appartement. Je suis persuadée qu'il m'a entendue, même si c'est Curse qui réagit le premier.

« Hein ?

- Ouais, il l'a déshabillée.

- Comment tu sais ça ?

- Les vêtements auraient laissé des traces différentes. C'est son corps qui a dessiné ces formes. Pas le pentacle, tu vois, mais les autres marques qu'il y a là, et là aussi.

- Comment peut-on être tordu à ce point-là ?

- On va le découvrir.

- Tu es sûre de toi ?

- Si jamais vous sentez que quelque chose se passe mal, vous me sortez de là, OK ?

- Oui, bien sûr. »

Je me relève et me déshabille entièrement. Je donne mes vêtements à Curse qui me les prend silencieusement, puis je me repositionne au centre du cercle. Il a l'air gêné.

« Eh ? Tu m'as déjà vue nue, non ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- J'aime pas ça, c'est tout. On n'est peut-être pas obligé de faire ça. Il y a d'autres méthodes qui...