𝐼𝑉- 𝐿𝑎 𝑏𝑎𝑛𝑑𝑒

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Céleste se demandait si elle croiserait encore Gringe aujourd'hui. Elle avait rendez-vous chez sa psy, mais pour une fois, elle prétexterait un mal de tête, ou quelque chose. Puisque la blonde ne savait pas mentir, elle dirait à sa psy qu'elle avait rencontré une nouvelle personne. Un homme étrange qui l'intriguait beaucoup, qui semblait cacher plus de secrets qu'il ne laissait paraître. Et bien évidemment, elle aurait le droit au sermon, comme quoi elle ne devait plus enfreindre la loi et aller au Jardin des Plantes la nuit, qu'elle aurait pu se faire agresser par cet homme, qu'elle dramatisait tout puisqu'elle commençait déjà à se poser des questions sur lui. Alors, elle avait appelé la secrétaire en lui donnant une excuse bateau, et avait continué de déambuler dans les rues de Paris avant d'arriver près du skate park où elle l'avait retrouvé la première fois. Et visiblement, sa bande était encore là. Céleste avait décidé de rester hors de leur vue pour ne pas avoir à revivre la scène gênante de la dernière fois. Elle avait repéré Gringe, qui parlait avec un homme aux cheveux un peu plus longs, cachés sous une casquette. Céleste, attentive aux détails, avait remarqué la mèche blanche qui striait, solitaire, les cheveux de l'homme et avait reconnu Orel, le deuxième membre des Casseurs Flowters. Ils semblaient engagés dans une discussion houleuse, et elle entendait vaguement que le plus petit des deux hommes lui parlait d'une résolution d'arrêter de jouer avec les filles, et de se caser si possible avec la bonne, de préférence avec une qu'il aimerait vraiment. mais visiblement, Gringe ne semblait pas de cet avis, Céleste le déduisait grâce à son sourire arrogant. C'était l'une des émotions les plus simple à reconnaître pour elle sur le visage des autres, surtout sur celui de Gringe. Elle ne savait pas comment ni pourquoi mais pour une fois, le langage non-verbal ne lui posait pas tant de problème que ça. La jeune femme regardait le duo avec attention. L'irritation irradiait d'Orel, et l'insouciance de Gringe. Les deux émotions semblaient se confronter et Orel avait soufflé avant de rejoindre une fille, mais Céleste, grâce à un coup de vent, avait clairement entendu Gringe lancer:

-Moi je veux jouer jusqu'à trouver la bonne, pas me caser avec la première venue que je n'aime même pas! 

En effet, Orel était en train de rejoindre une fille sur-maquillée qui lançait des regards langoureux à Gringe sur le côté de la rampe où tous les garçon que la blonde avait entraperçus avant étaient arrêtés. Il avait eu un rictus d'énervement avant de s'arrêter près d'elle avec un sourire désintéressé, que Céleste avait apprit à reconnaître au fil des ans en le voyant sur le visage de son père lorsqu'il parlait à un autre dirigeant qu'il n'appréciait pas puisqu'il était concurrent ou quelqu'un qui ne lui apporterait rien, comme sa propre fille, par exemple. Au contraire de sa mère, qui, elle souriait toujours avec douceur et conquérait tous ses clients avec son attitude avenante, son sourire éclatant et lumineux - qu'elle avait légué à sa fille - et son goût particulier pour les décorations épurées mais à l'image de la personne qui faisait appel à elle. Parfois, on se demandait même comment Elizabeth Moretti-Charles avait réussi à tomber amoureuse de Paul Charles. Aucun doute que Céleste passait la plupart de ses week-ends en compagnie de sa mère, puisque son père rentrait rarement à la maison avant une heure du matin - pour faire elle ne savait quoi - et qu'elle était très proche de cette-dernière. C'est pourquoi voir ce rictus, surtout destiné à la personne qu'il était sensé aimer, sur le visage de l'homme l'avait grandement surprise. Il était vrai qu'elle avait des tendances à laisser ses pensées divaguer et que les relations humaines lui faisaient cruellement défaut, mais Céleste avait toujours été désignée comme une enfant, adolescente et jeune adulte brillante, aussi, ne pas comprendre quelque chose l'excédait vite. C'était sûrement pour ça qu'elle essayait de vite apprendre le langage non-verbal des personnes avec qui elle interagissait. Et qu'elle essayait, dans le même temps, de le faire correctement, puisque reprendre les bases devenait vite compliqué avec elle. 

Encore une fois, Céleste, perdue dans ses pensées, n'avait même pas entendu le bruit des pas se rapprochant d'elle, ni même aperçu l'ombre imposante dans le soleil de la fin d'après-midi de Gringe qui se découpait à contre-jour et lui cachait le soleil. C'est quand il avait posé sa main sur son épaule que la jeune femme avait finalement réagit. Elle avait fait un sourire timide à un Gringe visiblement perturbé. 

-Tu vas bien, Cosmos, t'avais l'air totalement ailleurs... avait-il dit d'un ton inquiet.

 -C'est un désagrément avec lequel il faut composer, Gringe, ça m'arrive souvent, avait machinalement répondu Céleste, de la même manière qu'elle l'aurait fait avec Cassie ou Léonor quand elles devenaient trop insistantes par rapport à ce flux de pensées qui traversait sans cesse le cerveau de leur amie blonde. 

Le brun avait été très surpris de l'entendre lui répondre ainsi, il n'aurait pas cru ça possible de la part de cette petite blondinette toute timide. Décidément, cette fille le surprenait de plus en plus, et il avait repensé à ses pensées, la veille, à la sortie de la librairie et aux mots d'Aurélien crachés contre lui avec hargne. Il allait prouver à son ami qu'il pouvait jouer avec qui il voulait, quand il le voulait. Ce genre de querelles arrivait souvent entre les deux meilleurs amis. Gringe et Orel n'avaient plus la même vision de l'amour depuis un certain temps. A vrai dire, depuis ses 33 ans, le plus jeune de leur duo avait beaucoup changé, et pensait à l'amour différemment. Il voulait se poser - mais n'avait trouvé personne de mieux que cette "pouf de Lou-Eva qui ne fait que de rouler ses hanches et poser son cul refait dans le salon sacré d'Orel" selon Bouteille - alors que Guillaume voulait toujours s'amuser. Il avait deux ans de plus que son meilleur ami mais était quand-même le plus immature des deux. Il s'était donc décidé à ramener Céleste près d'Aurélien, rien que pour le plaisir de le voir fulminer en silence. Il ne pourrait rien dire en face de la concernée, quelle meilleure idée que de lui présenter tout le groupe. Il avait tendu sa main à Céleste qui l'avait fixée, interrogative. Gringe avait seulement répondu avec un sourire engageant. La blonde avait donc saisi sa main et l'avait suivi pour rejoindre le béton et avait tout de suite voulu faire demi-tour quand elle avait vu où Gringe l'emmenait. Mais le brun était plus fort qu'elle et elle avait été obligée de le suivre. Ils étaient arrivés au milieu du groupe posé là. Ils souriaient tous plus ou moins à la nouvelle venue. Aurélien fusillait Guillaume du regard. Il avait bien comprit que la fille en face de lui... était Céleste Charles. Il devait s'avouer qu'elle était belle: ses cheveux blonds tombant dans son dos en larges boucles, ses yeux bruns innocents et sa peau pâle couverte de taches de rousseur au niveau du haut de ses joues et de son nez. Elle était fine, et menue, typiquement le style... son style à lui! Guillaume préférait les filles avec des formes, qui portaient des vêtements moulants - Céleste portait des vêtements amples de type sweat trop grand, jean momstyle et vans usées - et Aurélien avait envoyé un regard brûlant, saturé de déception à Gringe qui souriait triomphalement. Mais lorsqu'elle avait ouvert la bouche pour dire "salut", il avait comprit pourquoi son ami voulait se taper la blonde. Elle avait l'air à l'aise avec les gens, mais lorsqu'il avait vu dans ses yeux qu'elle était totalement paniquée, il avait comprit ce qui intéressait son meilleur ami chez elle: le fait qu'elle aie un mal fou avec les interactions sociales.  Et vu son regard, il trouvait aussi Céleste à son goût. C'était ce qui surprenait le plus le plus jeune des Casseurs Flowters. 

Gringe regardait Céleste, très surpris. Il ne se serait pas douté qu'une fois qu'Ablaye aurait commencé à l'intégrer un peu dans le groupe, elle prendrait autant ses aises. Mais il avait tout de suite comprit quand il avait vu la fumée épaisse qui sortait de la bouche de son ami: Ablaye avait fait fumer Céleste, mais elle ne semblait pas découvrir la sensation. Il la voyait rire pour la première fois, et il devait s'avouer que son sourire était vraiment lumineux. Elle éclairait les autres. 

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