𝑉- 𝐿𝑎 𝑠𝑜𝑖𝑟𝑒́𝑒

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Céleste

Je devais avouer que retrouver mes sensations de défonce faisait du bien. Lorsqu'Ablaye mm'avait proposé de fumer, j'avais d'abord pensé à refuser. Après tout, j'avais promis à ma psy d'arrêter les substances illégales que je prenais autrefois pour cacher mon Asperger, mais je sentais la panique monter en moi, en voyant autant de gens autour de moi, et j'avais soupiré en prenant le joint que me tendait le pote de Gringe. Il était vraiment sympa, et il avait réussi à me présenter tout le monde et à me faire rire sans que je ne fasse de crise de panique, un exploit pour moi. J'avais souri alors que le THC commençait à faire effet et que je me détendais. Je savais que même si Cassie ou Léonor venaient ici, je ne risquais pas grand chose: elles étaient fan des Casseurs Flowters, elle se préoccuperaient plus des deux hommes que de moi, totalement arrachée qui me tapais des barres avec Ablaye et Bouteille. Deuklo était en train d'avoir une discussion avec Gringe et Orel, et je savais que Bouteille avait capté mon regard. 

-Tu kiffes Gringe, ou tu es juste sa nouvelle proie? avait-il demandé en me voyant regarder dans la direction du trio. 

-Je ne kiffe personne, pas plus que je suis la "proie" de qui que ce soit, je suis une femme indépendante moi monsieur! j'avais répondu avec un demi-sourire. 

J'aimais ce moment où je ne ressentais plus rien, où mon cerveau ne réussissait plus rien à calculer et se mettait en veille, laissant mes émotions me guider pendant quelques heures avant que ma maladie ne reprenne le dessus et me fasse fuir précipitamment pour éviter une catastrophe. J'appréciais déjà Ablaye et Bouteille, et malgré le fait que je n'aie pas tant parlé que ça à Deuklo, il semblait sympa et agréable lui aussi, comme le reste de la bande du brun. Brun qui semblait encore subir des reproches de la part d'Orel et des regards langoureux de la copine de celui-ci. 

-Toi aussi elle te fait peur le pot de peinture? avait demandé Ablaye avec un sourire qui miroitait le mien. 

-Elle a l'air bizarre... 'fin moi je sais pas trop, j'ai un peu de mal avec le langage non-verbal.

-Elle est juste là pour la célébrité qu'Orel et Gringo ont acquise avec leur film et leurs albums. 

Je voyais de quoi il parlait lorsqu'il mentionnait un film. Il s'appelait Comment c'est loin et racontait un peu leur histoire. Il était sorti l'année dernière et était vraiment sympa. Je l'avais vu avec Léonor alors que Cassie était en stage. Je me demandais déjà ce qu'elles allaient bien pouvoir dire quand elles me verraient rentrer aussi tard, je pensais bien qu'elles ne s'en rendraient même pas compte, mais il ne fallait jamais rien prendre pour acquis avec ces deux-là et il était très probable aussi qu'elles m'attendent de pied ferme pour me demander où j'avais encore pu passer mon après-midi. Avec un peu de chance, je serrais redescendue à ce moment-là et je pourrais confectionner une excuse bateau. Elles savaient aussi bien l'une que l'autre que j'avais une forte tendance à perdre la notion du temps et surtout lorsque je le passait au skatepark. Mon excuse était donc déjà toute trouvée. Je continuais de m'amuser avec Ablaye et Bouteille et pour une fois, je me sentais bienvenue quelque part, ce qui commençait à devenir rare. Les deux garçons ne m'avaient pas posé de questions quant à mes absences, ou mes moments d'égarement. Quelque chose me disait que Gringe était au courant, et je me doutais que l'information lui venait de Jeanne. Elle ne s'immisçait pas trop dans mes histoires, elle ne l'avait que deux fois à vrai dire. Une fois avec mon premier et seul plan cul, et là, avec Gringe. Au final, je ne savais toujours pas pourquoi il m'avait entraînée avec lui dans son groupe mais je m'amusais bien, même sans lui. Je sentais parfois son regard se poser pendant une trentaine de secondes sur moi. Je savais qu'il essayait de m'analyser. Le problème, et c'était bien là l'un des seuls avantages d'être Asperger, était que j'étais impossible à analyser, même mes psys avaient essayé et n'avaient jamais réussi à ne serait-ce que comprendre comment mon cerveau et mon spectre autistique fonctionnaient. Au final, j'avais découvert plein de choses sur Ablaye et son frère Bouteille. Leurs vrais prénoms à tous, par exemple. J'avais été au combien surprise en apprenant que Gringe était le surnom de "Guillaume", mais je n'en avais rien montré. Les deux frères étaient très agréables, drôles, et malgré le fait que j'ai parfois du mal à comprendre leur humour - encore une joyeuseté de ma maladie - je riais beaucoup. Mais lorsque mon téléphone avait sonné pour me rappeler mon alarme- j'étais sensée rejoindre ma mère dans une heure et il fallait que je rentre chez moi, que je redescende, que je me prépare et que je reparte - et je m'étais levée à la hâte. J'avais laissé mon numéro aux deux énergumènes qui voulaient me revoir avant de filer sans même adresser un mot au quatuor qui parlait encore à voix basse - enfin, si la copine d'Orel arrivait à parler à voix basse, on pouvait entendre ses gloussements et ses exclamations de très loin, aussi facile que de repérer une dinde - vers ma coloc', m'attendant déjà à des remontrances si la sieste ne s'était pas imposée sans moi.

Gringe

Aurélien m'engueulait depuis tout à l'heure en disant que si je voulais le faire chier en ramenant une fille qui était typiquement son genre et typiquement pas le mien, et de plus une fille qui semblait fragile mentalement - il ne savait pas à quel point il avait raison, mais j'aimais baiser les règles et les conventions - dans notre groupe pour juste la baiser et la jeter après, ce n'était pas la peine de venir le voir. Cette histoire prenait une proportion que je n'avais pas envisagée. En effet, Orel était frustré parce qu'il était en couple avec une fille qu'il n'aimait pas et qui ne faisait que glousser lorsqu'on mentionnait Céleste, d'un air très méprisant et méprisable et il voulait protéger les plus faibles et essayait de ne pas trop faire de mal aux gens qui l'entouraient, mais son attitude de daron protecteur commençait à me taper sur le système. J'avais haussé la voix pour lui dire que je n'avais jamais eu de père et que je m'en sortais très bien comme ça et Claude nous avait rejoins pour calmer le jeu, parce qu'il savait qu'en plus de l'attitude d'Orel, les gloussements de sa pintade commençaient déjà à m'énerver. J'avais jeté un regard en biais à Céleste et je n'avais pas pu m'empêcher de me faire la réflexion que pour une fille qui n'aurait pas du tout dû être mon style, moi qui aimait les demoiselles pulpeuses, elle était quand-même très belle quand elle riait. Mais pas d'une beauté aguicheuse comme Lou-Eva, non, une beauté pure, innocente, presque enfantine. Je savais que c'était le contrecoup d'Asperger, qu'elle découvrait le monde. J'avais fait des recherches sur sa maladie pour être sûr de ne pas essayer de choper un alien, ou une fille mentalement vulnérable qu'on pourrait m'accuser d'avoir abusée. Orel avait raison, un peu, j'étais quand-même un peu bâtard de vouloir cette fille-là en particulier. Mais bon, j'aimais avoir ce que je voulais et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer et surtout pas avec cette fille qui semblait si timide et devait être très soumise au lit. Rien que d'y penser, je sentais le flux de mes réflexions s'éloigner vers des contrées dangereuses et me reprenais tout de suite. Pas de ça devant mon meilleur ami. Je jetais encore des regards en coin à Céleste. Je devais réussir à récupérer son numéro, commencer mon petit jeu. Je ne savais pas exactement pourquoi mon attention s'était portée sur elle, mais j'étais dans une mauvaise phase, comme aurait dit ma psy, et quand je rentrais dans mon état mélancolique, j'essayais de me consoler et me dire que je pouvais faire quelque chose de ma vie en chopant des filles à droite à gauche avant de les jeter le lendemain parce que j'avais la flemme d'entreprendre une relation sérieuse et sincère. Et cette fille semblait cacher des secrets que je voulais percer à jour. Elle donnerait sûrement son numéro à un des deux gars, rien qu'à leur demander et le tour serait joué. Une promesse peu honnête à Aurélien et je pourrais partir à la conquête de la blonde. Je savais que j'allais avoir du fil à retordre sur ce coup là mais puisque c'était la seule chose me motivant un tant soit peu, j'allais y arriver. Mon objectif était clair. 

Qu'elle l'aie prévu ou non, Céleste serait mienne en un rien de temps. 



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