2 - Johana

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Philippa cloua le gamin au sol d'un coup de pied haut bien placé au menton. Le garçon tomba à genoux avec un gargouillis, les mains plaquées sur sa bouche et les yeux exorbités. Héléna s'avança vers lui pour le maintenir accroupi, mais en le voyant tousser puis cracher des gerbes de sang jusqu'à l'étouffement, elle dut juger cela inutile tout en prenant la précaution d'éloigner le manche à balais de... l'assaillant. Il avait les larmes aux yeux, ce qui n'empêcha nullement Philippa de se moquer de lui :

- Quel homme ! Un pauvre petit coup de pied et il s'écroule ! J'espère qu'on aura mieux la prochaine fois, comme adversaire. C'est pas que je m'ennuie mais un peu quand même !

L'attitude de sa camarade fascinait Johana. Alors qu'elle aurait pu passer pour la petite héritière modèle avec ses longs cheveux blonds ondulés, ses grands yeux bleus et son visage fin, Philippa se comportait avec

tant de détachement, d'effronterie et parfois même de vulgarité qu'il était naturel de douter de la hauteur sa naissance, bien qu'elle fût pourtant destinée à succéder à l'une des nobles les plus puissantes de l'empire. Johana admirait véritablement son cran et son laisser-aller, particulièrement dans cette situation, alors qu'ils étaient en mission pour combattre de redoutables guerriers-loup aspléens.

Ce groupe d'anarchistes s'en prenaient aux gardes qui patrouillaient dans le Putride : lorsqu'ils étaient de bonne humeur, les gardes s'en sortaient avec quelques os brisés mais, le reste du temps, on retrouvait leurs cadavres en décomposition dans l'Ago. Cependant, le commandant de la garde ne les avaient pas juger assez dangereux pour envoyer une véritable escouade de gardes d'élites à leur suite, ou pour faire appel à un chevalier. À la place, il avait demandé au vieux Trencart, directeur de l'académie de Saint-Faustus où étaient entre autre formés les futurs chevaliers de l'Ordre, de lui « prêter » une équipe d'écuyers pour régler le problème.

Johana ne parvenait pas à décider si elle était touchée par la confiance que leur accordaient le directeur Trencart et le commandant Fourquier, ou exaspérée par leur inconscience d'envoyer quatre adolescents en formation combattre un groupe de guerriers d'élite aspléens dont le nombre et les compétences restaient à déterminer. Quoiqu'il en fût, elle se trouvait à présent chargée d'une mission de la plus haute importance.

Maximilien s'approcha du jeune garçon qui crachait toujours autant de sang. Johana espérait que la carrure de l'écuyer et le coup de pied de Philippa parviendraient à suffisamment l'intimider pour qu'il leur racontât tout ce qu'il savait du groupe d'anarchistes, puisqu'elle ne doutait pas une seconde qu'il travaillait pour eux. Maximilien choisit de commencer doucement avec le garçon :

- Quel est ton nom ?

- Victor... Victor Charpe, parvint-il à articuler sans manquer d'éclabousser Maximilien de postillons sanglants.

- Bien, Victor. Dis-moi, pourquoi m'as-tu attaqué ?

- Tenté et misérablement échoué tu veux dire, le rectifia Philippa.

Maximilien la fit taire d'un regard suppliant avant de poursuivre :

- Réponds-moi s'il te plaît. Je te promets qu'aucun mal ne te sera fait.

- J'tai attaqué... (il cracha une nouvelle fois) parce que t'as une sale tête.

Victor avait repris suffisamment contenance pour défié Maximilien. Johana étudia un instant leur captif : en prenant en compte sa tenue en loque, son corps maigre et sa façon de parler en écorchant les mots, il ne fallait pas être particulièrement perspicace pour en déduire son extraction. Il avait en outre les cheveux coupé ras sur une peau hâlée par le soleil et devait mesurer à peu de chose près la même taille qu'elle.

Renarde et Loup cendréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant