3 - Félix

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Les écuyers les avaient placés dans une petite chambre de Saint-Faustus, éclairée par une unique fenêtre, exempte de tout mobilier, exceptées les chaises métalliques sur lesquelles ils étaient attachés, par les pieds et le torse. Leurs mains restaient libres pour leur permettre de manger et, dans ce cas de figure, utiliser des impulsions pour s'enfuir se révélait superflu, à cause des chaises.

Les écuyers refusaient obstinément de les détacher – que ce fût pour dormir ou manger – tant qu'ils ne livraient pas d'informations. Les deux garçons ne risquaient donc pas d'être libérer de sitôt puisque, depuis deux jours à présent, ni Victor ni Félix n'avait daigné communiquer le moindre renseignement à propos d'Otmar Bärlocher et de sa bande. Cette opiniâtreté ne manquait pas d'agacer les quatre écuyers, surtout la blonde, Philippa Du Tréluyer, dont la rancune à l'égard de Victor ne cessait de croître depuis qu'il lui avait brisé trois côtes. Elle lui jetait des regards assassins à chaque fois qu'elle l'avait sous les yeux. Le premier soir, il avait eu le cran de lui répondre par un geste obscène du majeur, et le doigt avait fini broyer dans le poing de la jeune femme. Depuis, Victor se contentait de baisser les yeux.

Félix refusait de parler par crainte que toute cette histoire ne fît partie du plan d'Otmar Bärlocher depuis le début. Les missions qu'il leur avait confié auparavant avaient ainsi servi de test, pensait-il, et sachant qu'un groupe d'écuyers en avait après lui, l'aspléen avait envoyé sur eux Victor et Félix dans une mission impossible à mener à bien. Le garçon ne parvenait cependant pas à comprendre quel bénéfice le guerrier-loup tirait de cette situation. Le pire dans cette affaire demeurait le fait qu'Elie restait à entière disposition des guerriers-loup : si Félix ou Victor en venait à commettre la moindre erreur, la petite fille en subirait les conséquences. Il aurait aimé discuter de tout cela avec son ami, mais les écuyers ne les laissaient jamais seuls.

Ils les interrogeaient sans relâche. L'armoire à glace Maximilien De Salmdyck les questionnait pragmatiquement, la douce Héléna Rovic tentait de s'attirer leur sympathie et leur reconnaissance – consciemment ou pas, et la grande blonde Philippa Du Tréluyer se retenait de les frapper en se contentant de les provoquer avec des traits d'esprits, pour mettre leurs nerfs à l'épreuve.

Félix se méfiait surtout de Johana Horvile, la rousse portant l'aigle D'Ambreville sans être une D'Ambreville. Elle était de toute évidence son aînée d'une ou deux années, le dépassait d'une bonne tête et, avec ses yeux verts perçants et son visages inexpressif, elle ne manquait pas de l'intimider. Cependant, si Johana avait pu se contenter d'être simplement intimidante, Félix n'aurait pas eu à tant redouter ses rares séances d'interrogatoire avec elle : en partant de questions générales et banales en apparence, Johana parvenait à soutirer aux deux garçons des informations tout aussi banales et générales mais qui, mises bout à bout, lui permettaient d'en comprendre bien plus. Félix avait donc prit la décision logique de s'enfermer dans un mutisme absolu pour lui faire obstacle. Il en fallait malheureusement plus pour ébranler la volonté de l'écuyère.

À l'aube du troisième jour, Johana entra dans la petite chambre où étaient retenus les deux garçons, et s'adressa à Maximilien, qui les surveillait :

- Maximilien, je crois que Victor à besoin de prendre l'air. Aurais-tu l'amabilité de l'emmener faire un tour dans les jardins ?

Le jeune homme ne lui répondit pas directement. Il la scruta d'abord songeusement, ne comprenant visiblement pas où elle cherchait à en venir, puis capitula face au silence de sa camarade et, d'un hochement de tête, il obtempéra. Johana regarda l'écuyer emmener Victor, et lorsque la porte se referma derrière eux, elle déclara de but en blanc :

Renarde et Loup cendréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant