Chapitre I

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Nous étions le 22 janvier, Lukas fêtait ses 14 ans. En cadeaux il reçut une montre qui appartenait à son grand-père de la part de lui-même, ainsi qu'un pistolet à billes de la part de son père, qui en avait lui-même profité pour s'en acheter un. Ils pouvaient désormais se batailler l'un avec l'autre, pendant que je restais en retrait, filmant leurs assauts aussi ridicules que drôles.

De ma part, il eût droit à un lecteur mp3, le même que j'eus reçu lorsque j'avais son âge. J'étais tombée enceinte assez jeune. J'avais rencontré mon mari, Gabriel, dans une fête foraine. Je n'avais pas compté sur lui pour faire le premier pas alors j'ai décidé de me lancer et j'ai eu raison. Cela fait désormais douze ans que nous sommes en couple, et dix ans que nous nous sommes mariés.

J'avais seize ans lorsque je suis tombée enceinte, et dix-sept le jour où j'ai accouché. J'avais l'impression que l'accouchement ne s'arrêterait jamais tant Lukas fut long à sortir. De plus, j'avais décidé de le faire sans péridurale, pensant que mes parents auraient été fiers de voir leur fille posséder un tel courage afin de leur faire plaisir. Je n'aurais pas du. Non seulement j'ai souffert comme je n'avais jamais souffert auparavant, mais en plus mes parents ont de suite décidé par eux-mêmes que je devais abandonner le bébé. À la place, j'ai abandonné le foyer afin d'aller vivre dans l'appartement de Gaby.

Je ne regrette en aucun cas cette décision, grâce à laquelle j'ai enfin pu laisser tomber mes parents ingrats et habiter avec mon compagnon.

Lukas était un enfant plein de joie de vivre et de vivacité. Il faisait de la gymnastique régulièrement et il était très doué en la matière. Il était à la fois très charmant est très doué. J'étais fière de lui et je voyais qu'il faisait des efforts lorsqu'il avait des problèmes en une certaine matière. Il faisait tout pour me rendre fière, comme moi avec ma mère, qui n'a jamais bougé un doigt ou jamais ouvert sa bouche pour m'aider ni me féliciter.

J'avais peur d'allumer la télévision en sa présence. Toutes les chaînes diffusaient désormais la même information : « Un virus d'origine chinoise frappe le monde entier et l'inquiète, par sa létalité ». Je n'entendais plus que cela et je ne voulais pas qu'il ne s'inquiète à propos de cette maladie ou pire, qu'il ne se mette à paniquer. Je me souviens encore du moment où, en 2012, il apprit que la fin du monde allait survenir. Il ne mangeait plus et il semblait penser sans cesse. Il m'inquiétait, jusqu'au jour où, le 21 décembre 2012, rien ne se passa. Je revint du travail et il me sauta dans les bras.

Je commence aujourd'hui à penser qu'il aurait probablement été préférable que le monde s'éteigne en cette date.

Le jour de son anniversaire est l'un des derniers jours durant lesquels j'ai pu le voir sourire constamment. Je regardais les informations en allant me coucher et j'aperçus qu'une pluie provenant de Wuhan, ville dans laquelle l'épidémie a commencé, allait s'étendre sur toute la planète. « Les habitants du monde entier sont invités à se cloîtrer chez eux et à ne plus sortir,jusqu'à-ce que le risque de contamination soit nul », dit l'ONU. Cette pluie devait arriver en France, le 26 janvier, après avoir traversé le continent américain.

Le lendemain, sans trop m'inquiéter, j'invitai Lukas à sortir au parc, en attendant que Gabriel préparait le bunker pour au moins une semaine. C'est ce que nous avons fait. Mon fils a demandé à ce que ses amies le rejoignent et j'ai accepté. Je les connais, ces filles sont adorables, et elles le doivent de leur éducation. Leur mère étant chacune très autoritaire, je ne pouvais m'attendre qu'à cela.

Ils s'amusaient donc ensemble, couraient, venaient même discuter avec moi. J'étais professeure d'université, plus particulièrement de littérature, et l'une d'entre elle était intéressée par mon parcours et comment faire pour atteindre ce métier. Je lui ai donné de nombreux conseils qu'une professeure pouvait donner et elle s'assit ensuite à côté de moi, laissant ses amis jouer de leur côté.

Elle me demanda : - « Avez-vous entendu parler de ce virus qui tourne et qui risque de contaminer tous les pays du monde entier ? Pourquoi ne pas en avoir parlé à Lukas ?

-Je ne veux pas l'inquiéter avec ça. Il est encore fragile et je ne voudrais pas qu'il panique à cause de cette épidémie. Elle n'est pas mortelle pour les enfants quoi qu'il arrive.

-Ça, c'est ce que l'on veut vous faire croire. Mais ma mère et moi avons fait nos recherches et les scientifiques prévoient une évolution des microbes. Ils deviendraient plus dangereux et risqueraient de tuer tout le monde, y compris les enfants.

-Et toi, que comptes-tu faire ? Quoi que nous fassions ou prévoyons, la pluie touchera notre pays et nous ne nous soucierons plus de comment les agents du virus agirons. Nous ne penserons plus qu'à notre survie. »

Un vide dans notre discussion s'installa, et nous ne la terminâmes jamais. A partir de cet instant, le vent se levait, et des nuages sombres commençaient à engloutir le soleil. Nous étions sous des nuages, probablement ceux provenant de Chine, et nous sommes dehors. Je criais le prénom de mon fils sans cesse, jusqu'à-ce qu'il arrive. Je lui dis de se préparer à courir, puis je lui attrapai la main et nous nous mirent donc à courir le plus vite possible. Plus le vent se levait, plus mon cœur s'emballait. Cette pluie n'était pas censée arriver aussi tôt. Trois jours nous séparaient de la date prévue.

Nous étions arrivés au bunker, l'avions ouvert et sommes entrés le plus vite possible. Gabriel était déjà à l'intérieur et semblait nous attendre. Quand soudain, ses yeux s'écarquillèrent. « La radio ! Cria t-il. J'ai oublié la radio ! ». Il partit donc sans que je ne puisse rien y faire, et courut vers la maison, à l'autre bout du jardin, à dix mètres de là.

Les minutes passaient et le ciel devenait de plus en plus menaçant. Les informations étaient claires : si une goutte, une seule, touchaient n'importe quelle partie de vos vêtements non-imperméables, vos risques de sortir indemnes sont de 0,01 %. Une goutte suffisait. Je le vis revenir, avec la radio et un k-way qui lui descendait jusqu'aux chevilles. Rien n'était censé traverser ses multiples couches de vêtements. Il se mit à courir et arriva à la porte du bunker juste à temps, car la pluie agressait déjà les arbres et les murs de la maison.

Il ferma la porte brusquement, sans qu'aucune goutte ne rentre. Je commençai à courir en sa direction afin de le remercier d'avoir tout préparé et d'avoir eu le courage d'aller chercher la radio, mais j'ai stoppé ma course net lorsque je vis que toute la partie frontale de son corps était inondée. Il était mouillé de la tête au pied. Je vis une goutte de son coupe-vent tomber sur son visage et cette phrase me revint en mémoire : « une goutte suffit »...

Quand La Nuit TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant