Partie 1

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31 décembre 2452 : vingt-trois heures sonnent au clocher de Notre-Dame de Paris. C'est une nuit froide, glaciale même. Cependant, le ciel est dégagé et laisse apparaître des étoiles, ces astres qui paraissent si éloignés et en même temps si proches de nous. Comme chaque année,je devrais être avec ma famille pour fêter le nouvel an. Je suis pourtant ici, emmitouflée dans ma combinaison chauffante : j'ai rendez-vous à minuit. 

Pour moi qui ai l'habitude de me promener dans Paris, la ville me semble aujourd'hui méconnaissable. Que sont devenues les rues paisibles ? Je n'ai jamais vu autant de monde !J'entre dans mon café préféré, c'est un des derniers cafés traditionnels de la ville. De nos jours,les gens vont dans des salles de repos. Ils s'installent dans un fauteuil qui leur distribue une boisson puis ils font en général une sieste éclair avant de repartir. C'est pratique, rapide, rien à voir avec les cafés qui sont des lieux conviviaux et où on aime s'attarder. 

Quand j'entre, je peux voir un comptoir en pierre, des canapés et des tables un peu plus loin. Il y a même un des derniers serveurs humains qui se promène entre deux robots ! Certains clients sont attablés tandis que d'autres discutent, serrés les uns contre les autres, sur des banquettes.

C'est ainsi que se finit l'année 2452 pour la nation de Dysitanie, dernière nation existant encore sur Terre. Notre Etat est désormais gouverné par une intelligence artificielle, Lindia, qui rassemble l'ancienne Europe autour d'une culture et de valeurs communes : l'égalité, la sagesse et l'amour.Je regarde ma montre'tech 2 ; j'ai une bonne heure devant moi. Je vais pouvoir me détendre et boire un thé avant le rendez-vous. Se détendre et boire un thé, voilà un excellent moyen de célébrer la nouvelle année ! 

Après avoir patienté une dizaine de minutes, j'ai enfin mon thé vert entre les mains et essaie de trouver une place libre. Je repère une table qui se libère au fond du café, à côté d'une fenêtre, et m'y installe. Ma montre affiche déjà 23h12. Un sentiment désagréable s'empare soudain de moi. Est-ce de l'angoisse ? De la peur ? Peut-être les deux. J'ai peur sûrement parce que je ne connais pas le motif du rendez-vous. Quand j'y pense, je trouve cela idiot de ma part d'être venue et d'avoir fait confiance à ce message.Il y a trois jours exactement, la puce qu'on m'avait implantée dans la nuque alors que je n'avais pas encore un an m'a envoyé un message : « A l'individu n° 40 234 560 nommé Lucie Edwhid. Rendez-vous le 1/01/2453 à 00h devant le bâtiment BV432, rue 18, à Paris. ».L'utilisation de la puce électronique connectée au système centralisé géré par Lindia offre un moyen de transmission fiable, immédiat et secret. L'information arrive directement dans votre cerveau. A partir de 2402, on a implanté ces puces dans le cerveau de tous les nourrissons comme moi. C'était soit-disant pour « notre » éducation puis quand on serait plus grands, on recevrait les ordres gouvernementaux. Pourtant, ces informations sont censées uniquement nous apporter du savoir, de la culture, non des messages à titre personnel ; ces messages-là doivent être transmis uniquement par les montres.Ce message me tourmente, depuis trois jours et deux nuits. S'agit-il d'un examen de santé pour mes quinze ans ? Ou peut-être que ma puce est cassée. Dans ce cas, il faudrait en implanter une nouvelle. Non, impossible, elles sont trop solides mais alors quoi ? Je réfléchis et me souviens : tous les ans, à cette date, une personne est convoquée au hasard par Lindia pour passer le « test ». En quoi ce « test » consiste-t-il ? Concrètement, on ne le sait pas vraiment. On raconte simplement qu'il permettrait à la Lindia de connaître nos pensées, de tester nos réactions. Cela est nécessaire quand il s'agit de faire des réformes dans le gouvernement selon les résultats obtenus. Cela doit permettre de « démocratiser » Lindia, dit- on, et de lui permettre d'adapter sa politique en vue des besoins et des sentiments des habitants de la nation. Cependant, on dit encore que les individus qui ont passé le « test » ne savent pas expliquer ce qu'il leur a été demandé ou bien ils gardent ces informations secrètes... Suis-je l'élue de cette année ?

Je sens une présence derrière moi :

« Mademoiselle ? Souhaitez-vous quelques gâteaux avec votre thé ? dit un des robots-serveurs.

- Avez-vous des cookies à la cannelle ?- Bien sûr ! »Il ouvre la trappe qui est au milieu de son ventre et en sort deux cookies à l'odeur alléchante. Une fois qu'il est parti, je les mange et repense à Papa avec qui, à chaque réveillon,je faisais ces gâteaux ... 

L'harmonie ou l'humanitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant