Partie 3

9 1 0
                                    

Quand je rouvre les yeux, me voilà dans un autre monde. Je suis sur une plage qui baigne dans un soleil flamboyant ; il y a du sable blanc, des rochers, des collines verdoyantes, des forêts à perte de vue et une mer cristalline. Tout semble réel. Que ce soit dans les images du passé, les archives de la période d'avant la quatrième guerre mondiale ou les simulations digitales, je n'ai jamais rien vu de semblable. Qu'est devenue la salle où j'étais ? Où les autres personnes sont-elles passées? Où suis-je ?

Je me retourne. Une enfant asiatique, à la belle chevelure noire, drapée de tissus de toutes les couleurs, joue dans le sable, pieds nus. Je la reconnais immédiatement. Au loin, une femme l'appelle : « Noémy ! ». La petite fille sourit, fait demi-tour et accoure dans les bras de cette femme qui semble être sa mère. Celle-ci est vêtue plus modestement ; elle porte un kimono rose. Nous sommes seules sur la plage. Pourtant, elles ne semblent pas me remarquer, comme si j'étais invisible. La mère sort un boitier d'une de ses poches et actionne un bouton. La terre se met à trembler. Je n'en crois pas mes yeux ! Un tube transparent, traçant un chemin, se dessine dans la mer. La mère et la fille s'avancent et pénètrent dans le tube. La porte se referme et le tube redescend dans les profondeurs. Vivraient-elles sous l'eau ? Cela expliquerait qu'il n'y ait aucune trace d'urbanisation dans cet étrange pays ! Mais combien de personnes vivent à l'intérieur ? Je n'ai pas le temps de trouver une réponse que tout devient flou à nouveau et je suis transportée dans un second lieu.

C'est une salle lumineuse, entièrement vitrée, pas très grande mais avec un haut plafond. Des plantes et des cristaux y sont suspendus. Le meuble le plus imposant de la pièce est une espèce de trône en cristal avec des ornements et un dossier en similicuir ou en cuir véritable, je ne sais pas mais j'espère que ce n'est pas le cas. En Dysitanie, la torture ou l'exploitation des animaux a été abolie. S'il s'avérait que ces nouvelles parties du monde consomment encore de la chaire animale ou des dérivés, elles seraient fortement réprimandées par Lindia, l'intelligence artificielle suprême.

Une fenêtre est ouverte ; je me penche et me rends compte que je suis au dernier étage d'une immense tour dominant une vaste ville. On pourrait penser que c'est une des villes de Dysitanie mais elle semble moins organisée et plus luxueuse. J'entends soudain un bruit qui m'arrache à mes pensées. Une porte claque et deux hommes entrent dans la salle. Comme je m'y attendais, ils ne remarquent pas ma présence. Le plus grand d'entre eux, celui qui a les yeux bridés, ressemble de très près à Toma. Est-ce lui ? Et si oui, que fait-il ici ? L'autre homme est plus âgé. Il est vêtu d'un costume doré qui laisse à penser qu'il est haut placé. Il s'installe sur le trône et appuyé à un des accoudoirs, il prend la pause de quelqu'un qui s'apprête à réfléchir pendant un long moment. J'ignore pourquoi mais je trouve cet homme vraiment ridicule et ne peux m'empêcher de rire. Quel penseur ! Mais qui est-il ? Si c'est un politique, j'ignore s'il arrive à se faire respecter de ses citoyens...

 Alors qu'il donne l'ordre à Toma de convoquer des messagers, je suis propulsée dans un troisième lieu.

C'est un camp, entouré par la forêt tropicale. Les abris sont des blocs métalliques de cinq à quinze mètres de largeur.Je commence à comprendre pourquoi on m'a mis des électrodes sur la tête. Est-ce un moyen de me faire comprendre le contexte de cette « crise mondiale » en me montrant les différents individus qui peuplent encore la Terre ? D'ailleurs, je ne comprends toujours pas comment ces zones extérieures à l'ancienne Europe ont pu échapper aux bombes nucléaires et aux radiations et, pourquoi nous, les Dysitaniens, ne sommes pas au courant de l'existence d'autres nations survivantes.

Je remarque que j'ai déjà vu quelque part la personne qui se tient devant moi... Oui, à la réunion ! C'est l'homme en jean ! Il appelle au rassemblement. Une vingtaine de personnes, adultes et enfants, tous habillés de la même façon, s'approchent de lui. Je fais de même. Une vieille femme bossue, la doyenne du camp, porte dans sa main droite un objet miniaturisé ressemblant à un poste de radiodiffusion. Elle l'actionne et nous entendons une voix  synthétique parler en espagnol. Heureusement, je connais cette langue mais j'ai l'impression que dans ce pays inconnu, l'espagnol n'est pas le même que celui que l'on parle en Dysitanie. Je comprends tout de même l'essentiel : « Nous arrivons ... Nous sommes des centaines de millions... Nous raserons la grande forêt ... Nous construirons, nous exploiterons ... Partez ou mourez ».

 C'est alors la panique dans le camp. Chacun rassemble ses affaires et s'apprête à quitter les lieux. Dans la mêlée, j'aperçois l'homme de la réunion de crise entrer dans le plus grand des blocs. Je le suis.

L'harmonie ou l'humanitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant