Une (en)quête de fortune

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Il était une fois, un dealer nommé Jean-Eudes(oui,oui) qui résidait dans la poubelle ville de Béthune.Cette dernière ressemblait à toutes les communes de moyenne importance en France, l'influence grignotée par la métropole adjacente. Lille, en l'occurrence.Seules les grandes chaînes de distribution y survivaient, en attendant de pouvoir livrer la pitance et la biture via des drones d'une base décentralisée et entièrement robotisée. Dans les rues, d'anciennes enseignes affichaient des volets tirés, sauf celles offrant de la bouffe et les bars. Quelques façades bourgeoises datant du siècle précédent ornaient les allées. Tandis que d'autres décrépissaient sous les constants assauts du Temps.Une forme de fierté locale s'était installée chez les habitants, camouflant la vérité de ne guère posséder les moyens d'habiter dans un meilleur endroit.

La maigre cité de Jean-Eudes ne demeurait qu'un repère de traîne-la-grolle, de défroqués et de sans-lacets. Les bouilles de ces arsouilles pendouillaient dans un autre espace-temps que celui des lève-tôt. Ils ne se réveillaient jamais avant midi de chez leurs Mamans. Les tours des logements ,aux loyers et destins modérés, masquaient les rayons du soleil, pour le peu qu'ils se dévoilaient. Jean-Eudes n'avait connu que cette forêt de ciment et de béton. Et il n'abandonnerait qu'au Saint-Jamais son terrain, telle une statue d'os et de chair,fixée à des parois grisâtres, condamnés à vivre une vie aux ambitions envolées depuis l'enfance.Jean-Eudes avait grandi, entouré par les zouaves, et bercé par les singeries. Parmi tous ces amis, aucun n'avait réussi ses études. À l'adolescence, il a compris ; comme dans son immeuble, l'ascenseur social sera toujours en panne pour lui. Alors, il devra emprunter l'escalier pour se hisser au sommet.

Commercialiser du cannabis ne s'avère pas aussi simple que les braves gens ne se l'imaginent ; entre la gestion des linéaires, les négociations avec les fournisseurs, la veille concurrentielle, les normes sanitaires et légales, les clients exigeants, le marketing sur Snapchat, dresser ses pieds de grue sept jours sur sept, c'est un métier.Et à huit euros le gramme, vous avez intérêt à en fourguer du sapin pour atteindre un salaire correct.De temps en temps, ajouter un peu de coriandre ou de fines herbes permettait d'arrondir la balance et les fins de mois.

Les « iencli » défilaient. Posté depuis midi,face à une flaque de mollards épars, Jean-Eudes patientait devant le hall de son immeuble avec un complice, engoncé dans un survêtement blanc, rayures noires et logos royaux de Madrid, affichant un profond désir de richesse sur un tissu issu du Tiers-Monde, Philistin. Ancien camarade de classe, cet être provenait d'une pure race de branleurs. Naturellement, son géniteur lui avait légué son poil dans la main. Son sort lui convenait, car il abhorrait toute forme de travail, et vu son niveau d'études, seuls les boulots de merde lui étaient réservés. En prime d'une petite taille,il apparaissait autant épais qu'un épouvantail, il n'avait plus avalé un repas correct depuis deux mois, le genre qui traînait dans les fast-foods, mais qui arboraient un corps de lâche, trop fainéant pour grossir. Il se tenait avachi contre le mur sombre, ses fines paluches étaient scotchées à son smartphone dernier cri. Jean-Eudes détestait ces saloperies gavées de micro, il se contrefichait des nouvelles du monde extérieur, tant qu'il ne lui empêchait pas de gagner de l'argent. Sa stature s'avérait plus imposante que celle de son ami : reliant de larges épaules, et plus de graisse aussi. Il revêtait des jeans H&M et t-shirts noirs basiques de chez Décathlon. Il ne tenait pas à se faire remarquer. Philistin téta le cul de son joint avant de relâcher un énième glaviot et de nasiller :

« Gros, t'es chaud à descendre en Espagne avec moi ? »

— Pourquoi faire ? questionna Jean-Eudes.

— Pour manger de la paella. De l'oseille, putain, pour quoi d'autre ?

— Tu connais qui là-bas ?

Nouvelles des ruellesWhere stories live. Discover now