La cavalcade

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Aux alentours de minuit, deux Arabes baroudaient en banlieue parisienne, via une Peugeot 307 gris métal. Non, ce n'était pas le début d'une blague.

La radio débitait un flot de paroles par-dessus un fond sonore à base de basses. « Papa m'reniera jamais j'suis ni flic ni pédé » grésillèrent les enceintes. Une main gantée de cuir baissa le volume.

Au volant, un barbu à l'air hirsute : Hafiz. Il s'inscrivait dans la vingtaine, il apparaissait musclé et adossé sur son siège, tandis que son collègue, Adil, restait souvent avachi et bedonnant, les genoux contorsionnés, et la nuque prosternée vers son Iphone XS. Il rédigeait des messages et anhélait en même temps. Ce qui agaçait Hafiz. Il le montrait en adressant des regards noirs, mais sans réponse visuelle. Au bout d'un moment, il se décida à allumer une cigarette, même s'il ne fumait pas, il savait qu'elle donnerait l'envie à son ami qui essayait d'arrêter son addiction.

« Éteins ça, salaud ! pesta Adil.

— Alors stoppe ta papote et tes respirations de phacochère. Sois un peu dans le coup, on a un bolos à retrouver.

Non ceinturé, Adil rangea son téléphone portable dans la poche de sa veste de survêtement Lacoste, modèle bleu, blanc et vert.

Les compères zonaient entre les parkings et les dédales des barres d'immeubles.Tout à coup, ils remarquèrent une kyrielle de lascars encapuchonnés. Hafiz toucha son calibre léger, placé au-dessus de son aine droite, un .357 Magnum. À travers les lueurs nuancées de l'éclairage public des lampadaires et du hall, ils se dressaient sur le pavé, soutenant des regards agressifs.

Le bahut s'engageait sous les trente kilomètres, histoire de mieux mirer les silhouettes dans la pénombre.

« Toujours les mêmes, ça change pas. Le pire c'est qu'ils se reproduisent, marmonna Adil en scrutant la bande. »

« Putain c'est lui ! glapit Adil et tira sur la poignée d'ouverture. »

Une ombre sprinta, pendant que toutes les autres décampèrent.

Hafiz stoppa le véhicule, laissa la porte ouverte, les clefs sur le contact et il se lança aussi dans la course pour rattraper le fuyard. Adil se donnait, mais il n'eut aucun mal à le dépasser.

« Par là, s'exclama-t-il, à bout de souffle, hissant son bras droit devant lui. »

Hafiz pénétra dans une forteresse de barres d'immeubles. Une place imprenable, aux bancs tagués, aux buissons mal taillés, recouverte de tessons de bouteilles bon marché et de seringues écrasées. À la jonction entre deux tours, le coureur hésita entre la droite et la gauche. Erreur fatale. Hafiz poursuivit sa démarche. Le fuyard heurta une poubelle. Cette dernière renversa son lot de débris. Hafiz les retira avec son pied, glissant un coup dans la foulée et il extirpa l'homme en le soulevant par le colback.Un adolescent, Noir, au crâne rasé, bégaya :

« Arrête, stp ! Arrête ! »

— Je t'ai dit quinze jours pour le chrome (une avance). Alors tiens, si tu sais pas compter, je vais t'apprendre, tu sais combien ça fait de chances de mourir, une seule balle dans un flingue qui peut en contenir six ?

— Non, c'est bon je te rembourse demain, t'inquiètes !

— Demain, il sera peut-être trop tard. Demande des chromes au destin.

— Putain, pleura l'adolescent.

Hafiz balança le gamin qui tomba sur les rotules. Il dégaina, colla le canon du revolver contre le front dégoulinant de sueur de ce dernier, souleva le chien, et...

Nouvelles des ruellesWhere stories live. Discover now