Chapitre 2B - L'annonce 2/2

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Aussitôt entré dans le cabinet de travail d'Erik, je me réjouis. Mes prunelles affamées repérèrent avec appétit les prémices de son torse musclé que dévoilait sa chemise blanche. C'était un truc qui m'excitait terriblement chez lui, il s'arrangeait souvent pour détacher les deux boutons du haut, montrant juste de quoi me faire saliver. En avait-il conscience ? C'était fort probable, il était du genre sadique après tout.

Je fis quelques pas dans la pièce où la décoration se limitait à une grande armoire en acajou, un bureau assorti, une plante verte et un grand cadre accroché sur l'un des murs blancs. À l'intérieur de celui-ci se trouvait la photo d'un homme à la mine patibulaire et aux cheveux grisonnants vêtu d'un costume couvert de médailles militaires. Probablement, l'ancien chef des armées. Les rayons du soleil qui filtraient à travers l'immense baie vitrée réchauffaient le sol en vinyle gris, diffusant des relents de plastique dans l'atmosphère.

Après m'être avancé, je posai un genou à terre, en courbant la tête pour m'agenouiller devant Erik. Cela aurait pu paraitre un tantinet ridicule ou exagéré pour le commun des mortels, mais moi je savais qu'avant d'être mon ami, mon amant et mon maître, c'était la réincarnation d'un dieu que j'avais en face de moi, et pas n'importe lequel, le pire de tous : Arès, le dieu de la guerre. Celui qui prenait plaisir à sentir l'odeur du sang qui gicle, à voir les têtes valser dans les airs comme des bouchons de champagne, à entendre les hurlements d'agonie, et à marcher sur les tripes de corps éventrés. Même Hadès, le seigneur des enfers était, parait-il, un enfant de chœur à côté de lui. Il était donc normal que je m'abaisse devant sa grandeur.

— Relève-toi, m'ordonna Erik de sa voix ténébreuse, tout en débouchant une bouteille en cristal.

J'obéis.

— Tu imaginais pouvoir rentrer au Pentagone en toute discrétion, vêtu de ton armure et de ton épée cachées sous ton manteau ? me demanda-t-il en me fustigeant de ses iris bleu lagon.

— Navré, j'avoue que je n'y ai pas pensé sur le moment, répliquai-je en esquissant un rictus, peu fier de ma bêtise.

— Je te sers à boire ? me proposa-t-il, prêt à le faire.

— Volontiers !

Il me connaissait bien et savait que je n'allais pas refuser un peu d'alcool. Tandis que j'approchais de lui, il remplit mon verre en le fixant, alors que moi je n'avais d'yeux que pour ses lèvres charnues que je désirais embrasser passionnément. Je déglutis en fantasmant. Son regard croisa le mien une fraction de seconde. Un léger sourire se dessina au coin de sa bouche puis disparut aussitôt, pendant qu'il reposait la bouteille. Rien qu'en scrutant mes prunelles affamées, il venait de comprendre ce que je voulais. Il faut dire que j'avais des yeux très expressifs de nature. Ils étaient le parfait reflet de mon âme, contrairement aux siens qui ne dévoilaient que très rarement ses émotions. Il avait en permanence le regard froid, peu engageant, presque rempli de haine, comme s'il allait vous broyer les os à la moindre occasion. C'était donc tout naturellement qu'il me toisa en me tendant mon whisky. Pour ma part, je trouvais ça terriblement sexy.

— On pourrait tester ce nouveau bureau, me surpris-je à lui dire en récupérant ma boisson.

Aussitôt, mon cœur rata un battement et une goutte de sueur perla sur ma tempe. Venais-je de proposer une partie de jambes en l'air à Arès ou à Erik ? Le doute m'assaillit. Il était tellement difficile de distinguer à quel moment le démon avait le dessus sur mon ami ; il était si sournois. Même si je connaissais Erik depuis le berceau, il m'arrivait souvent de ne pas le reconnaître, depuis que cette saleté s'était incarnée en lui.

— J'ai du travail, Sven, rétorqua-t-il.

Ses paroles, bien que m'annonçant un magistral râteau, me rassurèrent ; c'était bien mon ami que j'avais en face de moi à cet instant. Arès, lui, m'aurait réprimandé pour mon insolence, d'un geste violent ou d'une réplique acerbe. Il fallait que j'en profite. Je ne tenais plus. Au diable, le travail !

Je reposai brusquement le verre, transformant le liquide à l'intérieur en raz de marée, puis agrippai sa nuque avec mes mains à la place. Avant même qu'il n'ait le temps de réaliser, j'avais déjà posé mes lèvres sur les siennes pour les entrouvrir avec voracité, afin d'y introduire ma langue pour goûter la sienne. Elle m'enivra de l'alcool qu'il venait de boire. J'avais tellement envie de lui, qu'il se retrouva repoussé en arrière, le cul coincé contre le rebord de la table. Mon corps collé au sien, je ressentis soudain un gros problème, pour ne pas dire un énorme. D'ailleurs, il s'empressa de me le faire remarquer, alors que je venais tout juste de m'en rendre compte.

— Ton armure... me lança-t-il au moment où je quittai sa bouche dans un soupir de frustration.

Oui, j'avais oublié dans mon emportement que je portais tout mon attirail sous mon manteau et qu'il allait être difficile dans ces conditions de baisser rapidement mon pantalon. Décidément, je n'en ratais pas une. Mes mains quittèrent son cou afin de le libérer de la situation grotesque dans laquelle je venais de nous mettre. Erik soupira et s'écarta de son bureau. Il en fit le tour pendant que j'envisageais de picoler afin de tenter d'oublier mon insatisfaction. Il s'assit dans son grand fauteuil en cuir noir et me fixa.

— Je dois aller au Japon, annonça-t-il comme un coup de tonnerre.

Cette nouvelle me fit l'effet d'une bombe. Alors que j'avais levé mon verre pour le boire, mon bras s'arrêta net dans son élan. Je savais ce que cela signifiait pour lui, pour moi, pour nous. Avec émotion, mes prunelles croisèrent les siennes. Voilà pourquoi il avait tenu à ce que je vienne le voir. Il voulait m'annoncer cela de vive voix, plutôt que par téléphone, et c'était sans doute urgent.

— On part bientôt, je présume, supposai-je avec appréhension.

— Dans quelques heures.

Une boule se forma dans ma gorge. Je savais que le fait d'aller au Japon signifiait le début de ses sinistres projets. Nous avions une vie plus ou moins paisible depuis un moment, et je me doutais bien que ça ne pouvait pas durer indéfiniment, mais à présent, c'était une certitude.

Tout allait changer.


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Swen, garde du corps [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant