c i n q

35 1 0
                                    

L'hiver approchant à grand pas, les arbres sont à présent nus de leurs feuilles, étirant leurs branches menues vers le ciel, aujourd'hui d'un blanc laiteux, comme pour toucher la voûte céleste. 

Tu marches d'un pas assuré, traversant le centre ville animé en direction du Grand Théâtre, lieu où Jimin t'a donné rendez vous, et accessoirement où se déroulera l'audition tant attendue. Vous vous êtes mis d'accord pour vous retrouver une heure avant son horaire de passage. Mieux vaut être en avance qu'en retard. Pourtant la place de l'édifice demeure déserte. Tu décides de l'attendre à l'intérieur, fuyant le froid qui menace de te congeler sur place. 

Vingt minutes plus tard et cinq appels en absence, alors que tu commences vraiment à t'inquiéter, une teinture rose pâle apparaît dans le hall, aussi tremblant et blafard qu'un fantôme. Dès qu'il te voit il se précipite à ta rencontre et t'enlace, te serrant comme si sa vie en dépendait. 

-Pardon...pardon pour le retard.

-C'est rien. On est largement en avance, t'inquiète pas, tentes-tu de rassurer la boule de stress dans tes bras. T'es tout pâle...T'as mangé quelque chose ce matin?

Pour toute réponse son estomac se met à gargouiller bruyamment et tu t'empresses d'aller lui acheter des barres chocolatées et du jus de fruit, qu'il dévore sous ton regard amusé.

-'ch'te revaudrai ça, merchi, fait-il la bouche pleine. 

Il t'offre son plus beau sourire de remerciement, celui qui fait disparaître ses yeux en amande sous ses joues, celui qui te fait carrément fondre. 

Vous consacrez les vingt minutes suivantes à faire des exercices de relaxation et de respiration, calés confortablement dans des fauteuils de velours rouge, typiques du Grand Théâtre. Tu n'as jamais vu Jimin aussi angoissé ; il ne cesse de s'agiter, triturant ses doigts dans tous les sens, changeant de position toutes les trente secondes. Et lorsqu'il regarde l'heure de son téléphone pour la dixième fois en une minute, tu décides de lui prendre délicatement les poignets, ton pouce entreprenant des cercles lents sur le dos de ses mains.

-Ça va bien se passer, tu le sais. Il n'y a aucune raison qu'ils te refusent. 

Il se calme presque instantanément, apaisé par tes gestes doux. Vous finissez par vous lever pour vous diriger vers les coulisses, l'entrée des artistes.

Tu n'es jamais passé par ces couloirs, habituellement interdit au public. Vous marchez côte à côté, ton bras frôlant celui de Jimin. Celui ci fait exprès de ralentir l'allure et laisse ses pas traîner sur le sol couleur vinyle. Tu sais qu'il appréhende, et son angoisse à fini par te contaminer. C'est à ton tour de sentir ton estomac se contracter alors que vous approchez des backstages.

Dans le couloir qui précède les loges, le jeune homme t'enlace subitement. À ce moment tu ne sais pas lequel de vous deux à le plus besoin de la présence de l'autre.
Sa main remonte instinctivement vers tes cheveux tandis que l'autre vient se poser dans le creux de ta hanche, te faisant frissoner. Tu réponds à son étreinte, enfouissant ton visage dans son cou, d'où tu peux sentir l'odeur discrète du garçon. Vous restez quelques instants dans cette position, vous balançant lestement d'un pied à l'autre. Tu peux entendre son cœur battre la chamade. Ou peut être est ce tiens? 

Et puis lentement il vient prendre ton visage en coupe et dépose un premier baiser sur tes lèvres. Chaste, innocent. Son visage est à quelques centimètres du tiens, tu peux sentir vos souffles se mélanger. Un voile rose recouvre tes joues, et à ton tour tu l'embrasses délicatement, vos croissants de chair se mouvant en harmonie. Tu viens croiser tes doigts derrière sa nuque, jouant avec ses mèches de cheveux, tandis que les siennes descendent dans le bas de ton dos, t'attirant davantage contre lui. Au début c'est doux, hésitant, puis le baiser prend de l'ampleur, devient plus sûr, vous embrasant complètement. Et tu sais à ce moment qu'il vaut bien plus que milles mots pour exprimer ce que vous ressentez.

Le souffle court vous vous écartez à contre cœur, front l'un contre l'autre pour garder quelques secondes de plus cette proximité qui affole ton organe vitale. 

-C'est l'heure, murmure t-il avant d'embrasser une dernière fois la commissure de tes lèvres.

Il disparaît derrière sans les coulisses, non sans t'avoir lancé un ultime sourire.

De ton côté tu reste quelques secondes immobile avant de retrouver l'usage de tes jambes et un sourire vient se dessiner à son tour sur ton visage déjà radieux.
Tu te mordilles la lip et finis par  rejoindre les gradins, optant pour une place centrale près de la scène. Les membres du jury sont assis non loin de toi, papier en main. Celui du centre -un homme d'âge mûre au costume sombre, appelle à tour de rôle les participants dans son micro. Tu vois alors défiler devant tes yeux de nombreux styles différents, allant du ballet classique au freestyle de breakdance. Tous sont très bons, mais tu restes persuadée que Jimin les surpasse de loin. Il a cette énergie qu'il dégage quand il danse, tel une aura de lumière.
La danse semble être son oxygène ; tu t'étais faite cette réflexion lors de votre première rencontre. Dès qu'il se met à danser, la musique l'emporte, ses préoccupations s'envolent, il devient plus léger, s'isolant du reste du monde, il n'y a plus que la musique, et lui. Il vit.

Jimin a un don.

Lorsque son prénom se fait entendre dans les hauts parleurs, il s'avance prudemment. Tes yeux le suivent jusqu'au centre de la scène où il prend position. Les premières notes résonnent alors dans le Grand Théâtre. Il danse comme il n'a jamais dansé. 

Sa composition est un contraste subtile entre le moderne et le hip hop. Se déployant comme un oiseau qui prend son envole, il tourbillonne dans l'espace, enchaîne les sauts et les arabesques, les body rolls et les mouvements de popping. Toi qui pensais avoir tout vu tu en es époustouflée. Le jury semble apprécier et se laisse même aller au rythme de la musique endiablée.
Le monde disparaît. Il n'y a plus que la scène, et Jimin.
Avant même que la mélodie ne s'estompe totalement tu applaudis aussi fort que tu le peux, le cœur gonflé de fierté. Et finalement le garçon s'immobilise majestueusement, un sourire peint sur sa gueule d'ange.

ᴠᴏʟᴜᴘᴛᴇ [ᴛᴇʀᴍɪɴᴇ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant